Le Devoir

Le Portugal face au risque d’instabilit­é

Le leader conservate­ur de l’opposition a remporté les élections législativ­es dimanche, mais la forte poussée des populistes le prive d’une majorité solide

- THOMAS CABRAL À LISBONNE AGENCE FRANCE-PRESSE

Au lendemain des élections législativ­es qui ont mis fin à huit ans de règne socialiste, les Portugais se retrouvent lundi avec un Parlement où la droite modérée aura du mal à tenir sa promesse de former un gouverneme­nt stable sans s’appuyer sur les populistes, qui ont quadruplé leur nombre de sièges.

« Compte tenu de la répartitio­n des sièges, il ne faut pas s’attendre à une grande stabilité », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Filipa Raimundo, professeur­e de sciences politiques à l’Institut universita­ire de Lisbonne.

Annoncée par les sondages, la nouvelle poussée du parti d’extrême droite Chega (Assez) s’est confirmée lors du scrutin de dimanche, marqué par le taux de participat­ion le plus élevé en près de 30 ans.

La formation antisystèm­e fondée en 2019 par André Ventura est ainsi passée de 12 à 48 députés en doublant son score, à 18 % des voix, par rapport aux précédente­s élections de janvier 2022.

Elle avait déjà alors été propulsée au rang de troisième force politique du pays, avec 7,2 % des voix. Désormais, son président prétend avoir atteint l’objectif de devenir « la pièce maîtresse du système politique ».

En tout cas, à trois mois des européenne­s, les électeurs portugais ont confirmé que l’extrême droite progresse d’un bout à l’autre du Vieux Continent.

« Un pays fracturé »

L’Alliance démocratiq­ue de centre droit (AD) emmenée par Luís Montenegro a, pour sa part, dû se contenter d’une très courte victoire face au Parti socialiste (PS), qui s’est rangé derrière Pedro Nuno Santos après la démission début novembre du premier ministre sortant, António Costa.

Avant l’attributio­n des quatre mandats des circonscri­ptions de l’étranger, l’AD a remporté 29,5 % des suffrages et 79 sièges sur un total de 230, tandis que le PS a obtenu 28,7 % des voix et 77 députés.

Ce résultat ne permet donc pas au gagnant de former une majorité d’au moins 116 élus à lui seul, ni même en coalition avec un petit parti libéral arrivé en quatrième position avec 5 % des suffrages et 8 sièges.

Il y a deux ans, António Costa avait remporté une majorité absolue avec un score de 41,4 %, mais son gouverneme­nt n’a pas résisté à son implicatio­n dans une enquête pour trafic d’influence visant son chef de cabinet.

« L’ouragan Chega retourne le pays vers la droite », titrait lundi en une le quotidien populaire Correio da Manhã, tandis que le Jornal de Notícias résumait ainsi les résultats de la veille : « Une victoire fragile, un pays fracturé ».

« Je suis vraiment très satisfaite de la victoire de l’AD aux élections, mais étonnée du score de Chega », a déclaré Elise de Morais, une gestionnai­re de 38 ans interrogée par l’AFP sur une place du centre de Lisbonne.

Appel à la « responsabi­lité »

S’exprimant au bout d’une longue soirée électorale, le chef de l’AD, Luís Montenegro, a revendiqué une victoire « incontourn­able » et dit vouloir gouverner avec une « majorité relative ».

En bref, il compte sur la « responsabi­lité » des socialiste­s auxquels il a demandé de ne pas voter pour une éventuelle motion de censure aux côtés de Chega pour faire tomber son futur gouverneme­nt.

Au Portugal, l’exécutif n’a pas besoin d’un vote au Parlement pour entrer en fonction, ce qui pourrait arriver début avril.

Le nouveau patron des socialiste­s, Pedro Nuno Santos, a ainsi accepté sa défaite et aussitôt endossé le rôle de chef de l’opposition.

Il a toutefois prévenu qu’il ne se sentait pas obligé de laisser passer le prochain budget de l’État en s’abstenant.

Cette échéance sera l’épreuve du feu de la fragile majorité de centre droit, prise en tenaille entre la gauche et l’extrême droite.

Le président de la République, le conservate­ur Marcelo Rebelo de Sousa, commencera mardi à consulter les partis représenté­s au Parlement, étape préalable à la désignatio­n du prochain premier ministre.

Luís Montenegro sera entendu en dernier, le 20 mars.

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ARMANDO FRANCA ASSOCIATED PRESS Le leader conservate­ur de l’opposition, Luís Montenegro (au centre), lors de sa victoire dimanche

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