Le Devoir

« On a l’impression qu’on a été abandonnés »

Deux survivante­s des attaques du Hamas du 7 octobre reviennent sur cet événement traumatisa­nt

- ZACHARIE GOUDREAULT

Deux survivante­s des attaques du 7 octobre en Israël critiquent le long délai qu’aurait pris l’armée pour venir en aide aux citoyens agressés ce jourlà par des militants du Hamas dans les villages situés au nord de la bande de Gaza, ce territoire palestinie­n qui est depuis pilonné par l’armée israélienn­e.

Il était environ 6 h 30, le matin du 7 octobre dernier, lorsque Rotem

Holin, âgée de 45 ans, a été éveillée par le bruit de roquettes survolant Kfar Aza, un kibboutz de près de 800 habitants situé à quelques kilomètres de la bande de Gaza. Les militants du Hamas y ont fait dans les heures qui ont suivi plus d’une cinquantai­ne de morts en plus de prendre en otages plusieurs résidents du village.

Lorsqu’elle a entendu des coups de feu en provenance de l’extérieur, la mère de famille s’est empressée de baisser les rideaux sur les fenêtres de sa demeure et de s’enfermer avec ses deux enfants dans une « pièce sécurisée » (safe room), a raconté au Devoir lundi l’Israélienn­e, qui était de passage à Montréal pour quelques jours, en compagnie de Batia Holin, une dame de 71 ans qui demeure dans le même kibboutz.

Dans une conversati­on sur le système de messagerie WhatsApp, des résidents du quartier commencent alors à décrire l’horreur qui survient dans ce quartier, où plusieurs civils sont tués et des maisons, incendiées. « Des gens écrivaient: “Où est l’armée ? Pourquoi personne n’est ici pour nous aider ?” Mais ils n’ont reçu aucune réponse », se souvient Rotem Holin.

Puis, vers midi, ce jour-là, des militants du Hamas ont défoncé la porte de sa maison, avant de pénétrer dans la pièce où se trouvaient la mère de famille et ses deux enfants. « Je me suis tenue debout devant eux, ils étaient six, et je leur ai dit que j’avais deux enfants avec moi », raconte Mme Holin. Les militants ont alors fouillé sa demeure, son téléphone ainsi que sa voiture avant de quitter les lieux.

« On sait maintenant qu’on devait être amenés à Gaza comme otages, mais ma voiture était brisée à ce moment-là et ils n’avaient aucun autre véhicule pour nous transporte­r », affirme Rotem Holin, qui demeure depuis avec ses enfants dans une chambre d’un hôtel situé dans un autre kibboutz du sud d’Israël.

30 heures d’attente

L’Israélienn­e raconte avoir perdu l’accès à l’eau courante quelques heures après l’attaque, et qu’elle et ses enfants ont dû faire leurs besoins dans « des sacs de plastique », dans l’attente d’être secourus par l’armée israélienn­e. Or, des soldats ne sont arrivés sur les lieux que le lendemain à midi afin de transporte­r la mère de famille et ses enfants en lieu sûr, soit environ 30 heures après le début des attaques du Hamas en Israël. L’armée du pays est pourtant considérée comme une des « meilleures au monde », lance avec amertume Batia Holin.

« On a l’impression qu’on a été abandonnés et on ne sait pas pourquoi ça a pris autant de temps [avant que l’armée nous porte secours], déplore elle aussi Rotem Holin, qui attribue au gouverneme­nt de Benjamin Nétanyahou ce long délai. C’est une de nos déceptions. »

Le 7 octobre, les attaques menées par le groupe militant ont fait environ 1200 morts, selon le gouverneme­nt israélien. Sur les quelque 200 Israéliens pris en otages, 99 seraient toujours aux mains du Hamas. L’armée bombarde depuis la bande de Gaza, où plus de 31 100 personnes ont péri jusqu’à maintenant, selon le ministère de la Santé du Hamas.

À la violence meurtrière s’ajoute une famine qui préoccupe de plus en plus les Nations unies, au moment où l’aide humanitair­e peine à être acheminée aux résidents. Pendant ce temps, les négociatio­ns pour une trêve du conflit à Gaza achoppent, Israël et le Hamas peinant à s’entendre sur les conditions de celle-ci.

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GIL COHEN-MAGEN AGENCE FRANCE-PRESSE Des soldats israéliens ne sont arrivés à Kfar Aza qu’environ 30 heures après le début des attaques du Hamas en Israël.

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