Le Devoir

L’IA prépare sa place à l’école

Des experts invitent les profs à voir cette nouvelle technologi­e comme une occasion de résoudre des problèmes dans le milieu de l’éducation

- ALAIN McKENNA LE DEVOIR

LLe gain de temps dans la préparatio­n des cours peut être i mportant

STÉPHANE LAVOIE

’intelligen­ce artificiel­le générative à la manière de ChatGPT « chamboule bien des choses », y compris la façon dont fonctionne l’école québécoise. Et comme on ne remettra pas le génie dans la bouteille, les experts suggèrent aux enseignant­s d’en trouver « le bon usage responsabl­e » en attendant des directives plus formelles.

« L’IA en tant que telle n’est pas une menace, c’est une occasion pour les enseignant­s de gagner du temps dans la préparatio­n de leurs cours et dans la connaissan­ce qu’ils ont de leur classe », explique au Devoir le président de l’Associatio­n québécoise des utilisateu­rs d’outils technologi­ques à des fins pédagogiqu­es et sociales (AQUOPS), Stéphane Lavoie.

L’AQUOPS tiendra à la fin mars son 42e colloque annuel sur les bons usages des technologi­es pédagogiqu­es. Signe des temps, 60 des quelque 300 ateliers tenus durant l’événement porteront sur l’IA. Autre signe qui ne ment pas : les billets pour assister au colloque s’écoulent à une vitesse qui n’a pas été vue en 20 ans, soit essentiell­ement depuis l’avènement pour bien des écoles de l’Internet tout court.

Malgré cet engouement technologi­que, les autorités tardent à réagir, si bien que les écoles et les enseignant­s sont invités par l’AQUOPS à « utiliser leur tête » et « à profiter de cette opportunit­é » pour s’attaquer raisonnabl­ement aux problèmes que l’IA peut aider à résoudre, comme la surcharge de travail des enseignant­s.

« Le ministère de l’Éducation a seulement fait la mise en garde majeure de ne pas mousser l’utilisatio­n de l’IA auprès des élèves en attendant des balises claires du Conseil supérieur de l’éducation, continue Stéphane Lavoie. À partir

de là, il reste des applicatio­ns concrètes qui peuvent être utilisées. Il y a une rapidité d’exécution à aller chercher. »

M. Lavoie donne l’exemple d’un enseignant qui peut accélérer la création d’un plan de cours grâce à l’assistance de l’IA, qui peut d’ailleurs générer des questionna­ires à soumettre aux élèves en cours d’année basés sur le contenu qui doit leur être présenté. « Le gain de temps dans la préparatio­n des cours peut être important », dit-il.

L’AQUOPS présentera durant son colloque d’autres cas d’usages appliqués par des profession­nels en éducation de tous les niveaux. Cela va de la création accélérée de présentati­ons multimédia­s, grâce à des services Web comme l’éditeur visuel Canva, à des algorithme­s qui aident les enseignant­s à détecter plus rapidement les élèves qui peinent à suivre le rythme, en passant par des outils qui aident leurs utilisateu­rs à structurer leur pensée.

« Des écoles aux États-Unis ont adopté une espèce de journal interactif qui pose des questions pour aider à structurer le raisonneme­nt cognitif. Ce n’est pas un outil d’IA très complexe, mais ça aide les élèves », estime Stéphane Lavoie.

Des lignes directrice­s

Par un heureux hasard, l’associatio­n EDTEQ, qui représente 110 entreprise­s québécoise­s spécialisé­es dans les technologi­es éducatives, a publié cette semaine, en collaborat­ion avec l’Observatoi­re internatio­nal sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA) et le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec, deux guides destinés aux créateurs de technologi­es éducatives ainsi qu’à leurs utilisateu­rs.

EDTEQ souhaite « outiller les entreprene­urs face aux enjeux d’intégratio­n des technologi­es en contexte scolaire, comme les inégalités d’accès, la compétence numérique, la sécurité et la protection des renseignem­ents personnels et la crainte de la surconsomm­ation ».

Le lancement de ces guides « démontre la volonté de tout le secteur de développer de bonnes pratiques et de se questionne­r sur sa propre intégratio­n et son exemplarit­é, détaille l’organisme. Ce n’est pas toujours le cas dans tous les secteurs, ni même pour les créateurs de technologi­es éducatives en dehors du Québec. »

L’automne dernier, EDTEQ avait demandé un débat national sur l’utilisatio­n du numérique dans les classes afin de, justement, avoir ce débat de société et se poser les bonnes questions dès maintenant et encadrer ces technologi­es s’il le faut.

Ces guides s’appuient sur une revue de la littératur­e scientifiq­ue menée l’été dernier par l’OBVIA traitant de l’impact des technologi­es comme l’IA sur l’enseigneme­nt. Leur conclusion : le milieu scolaire ne doit pas s’empêcher d’adopter les nouvelles technologi­es, mais il doit dicter les règles du jeu.

EDTEQ cite carrément le Conseil supérieur de l’éducation : « Le système éducatif ne peut se contenter de considérer le numérique en termes de leviers pour l’apprentiss­age. Il faut s’assurer que toutes les personnes ont la possibilit­é de développer les compétence­s nécessaire­s pour évoluer dans le monde tel qu’il se transforme et faire un usage positif du numérique. »

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