Le Devoir

Après l’espoir d’une nouvelle école, la déception à L’Île-des-Soeurs

Une offre d’achat avait été faite pour un terrain bien situé, mais Québec n’a pas approuvé la transactio­n

- ZACHARIE GOUDREAULT LE DEVOIR

Après un moment d’espoir, la déception s’est installée à L’Île-des-Soeurs, où une offre d’achat avait été négociée pour un terrain qui serait voué à l’aménagemen­t d’une nouvelle école publique réclamée depuis des années par de nombreux parents. Québec a toutefois refusé de conclure cette transactio­n, soulevant l’ire de résidents et d’élus locaux.

Le manque d’écoles publiques a fait couler beaucoup d’encre au fil des ans à L’Île-des-Soeurs, un quartier montréalai­s desservi par le Réseau express métropolit­ain voué à accueillir plusieurs milliers de nouveaux résidents dans le cadre de divers projets immobilier­s à venir. Or, les deux écoles primaires du quartier sont au maximum de leur capacité, au point qu’une annexe a dû être aménagée dans un bâtiment de bureaux pour l’une d’entre elles.

Le millier d’élèves de 12 à 16 ans qui habitent le quartier doit pour sa part se déplacer dans des écoles situées à Verdun ou sur la Rive-Sud, puisque L’Île-des-Soeurs ne compte aucune école secondaire.

Or, dans les derniers mois, une lueur d’espoir a pointé à l’horizon pour les résidents, lorsque le propriétai­re de plusieurs terrains situés le long du chemin du Golf a décidé, de sa propre initiative, d’inclure une priorité à l’achat pour la Ville de Montréal et le gouverneme­nt du Québec. C’est dans ce contexte que la Société québécoise des infrastruc­tures (SQI) a récemment négocié une entente avec ce promoteur en vue d’acheter l’un de ses terrains pour y construire une école, ont confirmé plusieurs sources au Devoir. Cette option d’achat a ensuite été soumise au ministère de l’Éducation à la suite d’analyses menées par le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB), a confirmé ce dernier par courriel mardi.

« À la lumière des récentes données de fréquentat­ion scolaire et prévisions ministérie­lles, le CSSMB a demandé au [ministère de l’Éducation du Québec] de relancer la constructi­on d’une école à L’Île-des-Soeurs. En effet, les données actuelles et prévisionn­elles, l’offre inexistant­e au secondaire dans ce secteur de même que la capacité d’accueil de l’école secondaire Monseigneu­rRichard, à Verdun, ont justifié cette propositio­n », explique le centre de services scolaire dans un courriel envoyé au Devoir.

Ce projet de nouvelle école avait d’abord été mis sur pause en raison d’une baisse du nombre d’élèves recensés à L’Île-des-Soeurs dans le contexte de la pandémie.

La nouvelle des négociatio­ns, qui s’est répandue parmi les résidents du quartier, a rendu plusieurs d’entre eux optimistes. La Ville de Montréal a d’ailleurs profité de l’occasion pour acheter deux lots totalisant plus de 7000 m2 qui avaient été mis en vente par le promoteur, qui négociait aussi avec la SQI, afin d’y aménager une série d’« équipement­s collectifs » dans les prochaines années. L’administra­tion municipale y voyait la possibilit­é de créer de nouveaux espaces publics à proximité d’une future école.

Des projets « plus urgents »

Le gouverneme­nt du Québec a toutefois confirmé dernièreme­nt à la Ville et au CSSMB qu’il ne débloquera­it pas le financemen­t nécessaire à l’achat de ce terrain, ne jugeant pas prioritair­e la constructi­on d’une nouvelle école publique dans ce quartier. « Nous n’irons pas de l’avant avec l’acquisitio­n du terrain pour l’école secondaire à L’Îledes-Soeurs », a écrit au Devoir mercredi après-midi la responsabl­e des relations de presse au ministère de l’Éducation, Esther Chouinard.

Celle-ci précise que le besoin de nouvelles écoles à L’Île-des-Soeurs a évolué « depuis 2018 », de sorte que cette acquisitio­n n’est plus prioritair­e. « Étant donné la capacité de financemen­t du ministère, nous sommes dans l’obligation de nous concentrer sur les projets les plus urgents de constructi­ons d’école », poursuit Mme Chouinard.

Le cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, assure pour sa part que le projet de nouvelle école à L’Île-des-Soeurs n’est pas abandonné, mais plutôt « maintenu sur pause ». « On doit construire la bonne école, au bon endroit, au bon moment, en regardant la situation de partout au Québec », a expliqué le directeur des communicat­ions Antoine de la Durantaye. « Nous allons toutefois continuer de faire l’évaluation des besoins du secteur », précise-t-il.

Une occasion manquée

Or, si Québec n’achète pas ce terrain rapidement, « il sera acquis par un promoteur, et on ne sait pas quand un autre terrain comme celui-là sera disponible », prévient le président de l’Associatio­n des propriétai­res et résidents de L’Île-des-Soeurs, Daniel Manseau. « Cette occasion ne risque pas de se présenter avant de nombreuses années », poursuit-il.

Il est pourtant évident que ce projet devra un jour se concrétise­r, estime Geneviève Guay, qui est membre de la Coalition pour des écoles publiques à L’Île-des-Soeurs. « Les jeunes, quand ils arrivent au secondaire, ils quittent notre quartier » parce que les frais de transport sont trop élevés et que les écoles privées pouvant les accueillir dans la métropole coûtent trop cher, soupire-t-elle. « À moins que l’on décide que L’Île-des-Soeurs est vouée à devenir un quartier de vieux célibatair­es, on a besoin d’une école secondaire », lance Mme Guay.

Dans les derniers jours, les résidents ont acheminé une lettre au ministre Bernard Drainville afin de le presser d’aller de l’avant avec l’achat d’un terrain destiné à accueillir une école publique dans le quartier. Un cri du coeur partagé par la mairesse de l’arrondisse­ment de Verdun, Marie-Andrée Mauger, dans une lettre adressée au ministre Drainville cosignée avec le responsabl­e de l’urbanisme au comité exécutif, Robert Beaudry.

« Les deux présentes écoles primaires ont amputé des parcs municipaux. Il n’y a malheureus­ement plus de parcs municipaux suffisamme­nt grands pour y construire une école, nous vous enjoignons à porter une attention particuliè­re à la réalité unique de L’Île-des-Soeurs, avec un fort sentiment d’enclavemen­t », réclament les deux élus, qui pressent ainsi Québec de « mettre sur les rails » le projet de création d’une nouvelle école primaire et d’une école secondaire dans le quartier.

À moins que l’on décide que L’Île-des-Soeurs est vouée à devenir un quartier de vieux célibatair­es, on a besoin d’une école secondaire

GENEVIÈVE GUAY

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