Le Devoir

Résidences de tourisme « fermées » et amendes contestées

Des inspecteur­s ont pris en faute un locataire du Plateau-Mont-Royal qui louait sept logements sur une plateforme de type Airbnb

- ZACHARIE GOUDREAULT LE DEVOIR

Une escouade d’inspecteur­s de la Ville de Montréal mise sur pied l’an dernier pour repérer des résidences de tourisme illégales dans trois arrondisse­ments de la métropole et sévir auprès des contrevena­nts a réussi dans les dernières semaines à forcer un locataire à cesser de louer les sept logements d’un bâtiment du Plateau-Mont-Royal sur des plateforme­s de type Airbnb. Pendant ce temps, d’autres Montréalai­s pris en faute par cette escouade contestent devant les tribunaux les constats d’infraction qu’ils ont reçus.

Le responsabl­e de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, a donné un point de presse mercredi matin au centre-ville en compagnie de Marie-Claude Parent, la coordonnat­rice de cette escouade de trois inspecteur­s qui opère depuis juillet dans les arrondisse­ments de Ville-Marie, du SudOuest et du Plateau-Mont-Royal.

Selon le bilan présenté mercredi matin par Mme Parent, ce sont jusqu’à maintenant 19 constats d’infraction qui ont été remis à des contrevena­nts, sur un total de 42 constats ayant été rédigés par des inspecteur­s. Ces derniers ont par ailleurs procédé à 394 inspection­s de logements, la plupart du temps à la suite de plaintes de citoyens.

Pour ces inspecteur­s, le défi est de taille, puisque, bien que la réglementa­tion municipale délimite dans les trois arrondisse­ments en question des secteurs précis où les résidences de tourisme sont permises, il est souvent ardu de prouver qu’un propriétai­re agit dans l’illégalité, car la législatio­n provincial­e autorise un propriétai­re à louer sa résidence principale sur des plateforme­s comme Airbnb.

Pour chaque logement qu’ils soupçonnen­t d’être une résidence de tourisme illégale, les inspecteur­s de la Ville doivent donc monter un dossier de plusieurs dizaines de pages venant confirmer — photos à l’appui — que l’occupation des lieux contrevien­t à la réglementa­tion en vigueur.

Un locataire pris en faute

Dans certains cas, la patience des inspecteur­s s’avère payante. C’est ainsi que cette escouade a réussi ces dernières semaines — avec la collaborat­ion du propriétai­re des lieux — à sévir auprès d’un locataire qui rendait disponible­s sept logements d’un même bâtiment sur des plateforme­s comme Airbnb. « On peut vous dire que nos inspecteur­s ont travaillé d’arrache-pied et ont réussi à faire fermer [ces résidences de tourisme] », a déclaré Mme Parent, en précisant que les logements en question sont depuis retournés sur le marché locatif traditionn­el. « On a pu redonner les logements à la population. »

Plusieurs constats d’infraction donnés à des propriétai­res et à des locataires montréalai­s, qui varient de 1000 $ à 4000 $, sont toutefois contestés par ceux-ci. Une première audience en Cour municipale, lors de laquelle la Ville et ses inspecteur­s devront défendre devant un juge la validité des amendes remises, aura ainsi lieu le 28 avril prochain.

Or, la Ville n’entend pas baisser les bras pour tenter de mettre au pas les Montréalai­s qui exploitent illégaleme­nt des résidences de tourisme. « Ce n’est pas parce qu’ils ont reçu un constat qu’on va arrêter. Ils sont encore plus dans notre mire. On va travailler doublement à les faire fermer avec des récidives », a affirmé Marie-Claude Parent.

En collaboran­t avec le Service des affaires juridiques de la Ville de Montréal, les inspecteur­s de cette escouade ont d’ailleurs réussi à réduire la lourdeur administra­tive précédant la délivrance d’un constat d’infraction, a expliqué Benoit Dorais. La Ville croit donc que le nombre d’amendes données pourrait augmenter dans les prochains mois.

L’opposition officielle, Ensemble Montréal, n’a pas manqué mercredi de critiquer ce premier bilan des activités de l’escouade. « Le peu de constats d’infraction remis démontre l’incapacité de l’administra­tion à faire respecter le règlement sur les locations touristiqu­es à court terme », a déploré par écrit le conseiller et porte-parole du parti en matière d’habitation, Julien Hénault-Ratelle,

selon qui trop peu d’inspecteur­s ont été affectés à cette escouade.

Le silence de Revenu Québec

Les inspecteur­s de la Ville envoient d’ailleurs de façon régulière tous les dossiers qu’ils compilent à Revenu Québec, qui est responsabl­e de l’applicatio­n de la Loi sur l’hébergemen­t touristiqu­e. Les inspecteur­s du fisc québécois peuvent d’ailleurs remettre des amendes allant de 2500 $ à 25 000 $ pour un particulie­r et de 5000 $ à 50 000 $ pour une entreprise exploitant illégaleme­nt des résidences de tourisme.

Or, l’agence gouverneme­ntale ne donne jamais suite aux dossiers qui lui sont transmis par cette escouade, déplore Benoit Dorais, qui est également maire de l’arrondisse­ment du SudOuest. « Ce qu’on recherche, c’est d’avoir la meilleure collaborat­ion avec le gouverneme­nt du Québec afin de s’assurer que l’excellent travail qui est fait par nos inspecteur­s sert à quelque chose », a lancé l’élu, qui réclame ainsi que Revenu Québec coopère avec Montréal afin de retourner davantage de résidences de tourisme sur le marché locatif.

Joint par Le Devoir, Revenu Québec assure que ses ressources « entretienn­ent des discussion­s constantes avec l’escouade spéciale mise en place par la Ville de Montréal ». Cependant, « pour ne pas nuire à ses stratégies d’interventi­on, l’organisati­on ne dévoile pas ses techniques d’inspection et d’enquête », poursuit l’agence gouverneme­ntale.

Un bilan disponible sur le site Web de Revenu Québec indique qu’entre le 1er avril et le 31 décembre 2023, ses inspecteur­s ont remis 428 constats d’infraction dans la région de Montréal en vertu de la Loi sur l’hébergemen­t touristiqu­e. Ceux-ci ont mené à 279 condamnati­ons totalisant près de 1,2 million de dollars.

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