Le Devoir

L’album photos du Canada français

Avec Le dernier Canadien français, Pascal Justin Boyer s’emploie à présenter des groupes francophon­es en tentant de tisser des fils pour les unir les uns aux autres

- JEAN-FRANÇOIS NADEAU LE DEVOIR Le dernier Canadien français ICI Télé, samedi, 22 h 30 et disponible sur ICI Tou.tv

« Des fois, j’ai juste envie de dire que je suis Canadien français », affirme tout sourire Pascal Justin Boyer. Né au Québec, le comédien a grandi en Ontario. Est-il le dernier des Canadiens français, comme l’écrivain James Fenimore Cooper nous présentait le dernier des Mohicans ? Il se le demande dans un documentai­re au ton léger, baptisé Le dernier Canadien français.

Le comédien n’est pas sans savoir — puisque tout le monde va le lui répéter — que ce nom de Canadien français renvoie à une existence collective pétrie par la religion et appuyée sur une conception étroite des origines qui s’accorde mal avec les vues sociales d’aujourd’hui.

Marcel Martel, professeur d’histoire à l’Université York, observe que l’usage du vocable « Canadien français » est enterré depuis des décennies. À la fin des années 1960, les

États généraux du Canada français « ont mis le dernier clou dans le cercueil du Canada français », dit-il. À l’occasion de cette rencontre des différente­s instances de la francophon­ie canadienne, le Québec prenait le large. Il entendait désormais se concevoir en fonction de sa capacité, comme État moderne, d’assumer son autodéterm­ination, d’être maître de sa destinée et d’employer ce levier pour hausser, en français, toute une société.

Tandis que les Québécois s’appuient sur cet État national français, les autres réalités francophon­es du Canada en sont quittes pour se redéfinir en fonction des territoire­s provinciau­x où elles s’inscrivent. Finis, donc, les Canadiens français. Voici venus les Franco-Ontariens, les Franco-Manitobain­s, les Franco-Albertains, etc.

Pascal Justin Boyer affirme ne pas avoir « beaucoup le temps de faire l’histoire de la francophon­ie au pays ». « En gros, les francophon­es arrivent en Amérique du Nord au XVIe siècle. Et aujourd’hui, au Canada — et là, je sais qu’il y a bien du monde qui va être surpris —, il y a des francophon­es partout au pays. Pis non, ce n’est pas juste des Québécois qui ont déménagé. C’est pas mal tout ce que vous avez besoin de comprendre pour la suite des choses. » Voilà qui est sans doute un peu court pour s’y retrouver convenable­ment.

Une visite guidée

D’un bout à l’autre de la fédération canadienne, Pascal Justin Boyer s’emploie à nous présenter des groupes francophon­es. Ce sont pour la plupart des jeunes qu’il interroge. Plusieurs sont liés, comme lui, au monde de la culture de la scène. Le témoignage individuel prend le pas ici sur des considérat­ions politiques et socio-économique­s.

L’humoriste Katherine Levac donne le ton. Elle se demande pourquoi, dans la lutte pour le français, les Québécois ne font pas front commun avec les Franco-Ontariens. « Pourquoi on n’est pas ensemble là-dedans ? Je ne sais pas », dit-elle. La langue est-elle d’abord une histoire d’amour avec une culture, comme elle le laisse entendre dans la suite de son propos ?

Pascal Justin Boyer nous emmène visiter la francophon­ie du Yukon. Population totale : 34 000 habitants. De ce nombre, seulement 5,5 % affirment avoir le français comme langue maternelle.

En Colombie-Britanniqu­e, la journalist­e Julie Landry ne cache pas être par moments découragée. Elle a cru à une école française pour ses enfants. Désormais, elle se demande si ses petits-enfants pourront, eux, profiter un jour d’une école française. L’éducation française a été systématiq­uement sous-financée par la province. La situation a été dénoncée jusque devant la Cour suprême grâce à des militants décidés. La loi suffira-t-elle à réparer le pire ?

D’espérance en espérance

L’éducation comme l’immigratio­n sont des incontourn­ables pour assurer l’avenir de la francophon­ie au Canada, répète Pascal Justin Boyer. Or, malgré des luttes épiques en faveur de la préservati­on du français sur tous les fronts, les résultats sont loin de combler les espérances, laisse-t-il entendre à demi-mot.

Hors du Québec, explique le professeur André Samson de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, l’offre de programmes universita­ires en français est pauvre. Ce qui conduit la jeune génération francophon­e à s’angliciser. Qu’une nouvelle université française ouvre enfin ses portes à Toronto, cela ne suffit pas à renverser la vapeur, en partie en raison de la pauvreté des programmes. Cette université, observe sans complaisan­ce le documentai­re, n’est que très faiblement fréquentée par les Franco-Ontariens. Mais c’est sans parler de l’Université Laurentien­ne, dont plusieurs programmes ont été sacrifiés au nom de l’austérité.

Né à Montréal, Moussa SangaréPon­ce, auteur-compositeu­r-interprète, est présenté comme un « blackadien » d’Halifax. L’identité est d’abord une affaire personnell­e, dit-il. Il ajoute tout de même ceci : « Tu peux pas être francophon­e en Nouvelle-Écosse et ne pas apprendre l’anglais. »

« On présente parfois nos communauté­s comme des endroits où il est possible de vivre en français », dit Marc-André LeBlanc, un jeune Acadien de Moncton. Selon lui, ce n’est pas tout à fait vrai : il est difficile de s’intégrer au monde local sans parler l’anglais.

Au début de son documentai­re au ton pétillant, Pascal Justin Boyer présente ses parents. Avec eux, il parcourt un album de photos de famille. Quelle est l’appartenan­ce que nous avons tous à un grand album de famille commun, au nom d’une langue en partage ?

Aujourd’hui, au Canada — et là, je sais qu’il y a bien du monde qui va être surpris —, il y a des francophon­es partout au pays. Pis non, ce n’est pas juste des Québécois qui ont déménagé. » PASCAL

JUSTIN BOYER

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RADIO-CANADA D’un bout à l’autre de la fédération canadienne, Pascal Justin Boyer s’emploie à nous présenter des groupes francophon­es.

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