Les concessionnaires dénoncent l’abolition de Roulez vert
Ils craignent que la fin du programme de subventions à l’achat de véhicules électriques freine la croissance des ventes
Les concessionnaires automobiles dénoncent l’abolition progressive de la subvention pour l’achat de véhicules électriques et hybrides d’ici 2027, annoncée par Québec mardi. Ils prédisent un ralentissement de la croissance des ventes, qui empêcherait la réalisation de l’objectif fixé par Québec d’avoir 2 millions de voitures électriques sur les routes d’ici 2030. Les automobilistes, eux, sont partagés.
« On pense que c’est trop tôt », a déclaré Ian Sam Yue Chi, p.-d.g. de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ).
Ce dernier croit que le programme Roulez vert a prouvé son efficacité en contribuant à l’adoption des véhicules électriques par les Québécois. En 2023, plus de 20 % des nouveaux véhicules enregistrés au Québec étaient électriques, selon la plus récente étude de la firme S&P Global Mobility sur le marché canadien de l’automobile.
« Quand nos voisins en Ontario ont aboli leur programme similaire en 2018, ç’a eu pour effet immédiat de faire chuter la vente de véhicules électriques », a fait valoir M. Sam Yue Chi.
En 2023, les ventes de véhicules électriques traînaient de la patte en Ontario par rapport au Québec et à la Colombie-Britannique, avec un pourcentage de 7,72 % des nouveaux véhicules enregistrés. Il faut dire que les deux provinces en tête de peloton ont un autre outil dans leur manche, soit une réglementation qui oblige les manufacturiers à distribuer un minimum de véhicules électriques.
Cette norme inquiète d’ailleurs le CCAQ. « On craint d’avoir des inventaires qu’on va avoir de la difficulté à vendre auprès des Québécois », a confié M. Sam Yue Chi.
Du côté de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ), la nouvelle a été accueillie comme « un choc ». « On s’attendait à ce que 2027 soit l’annonce de la diminution des incitatifs, et non pas l’abolition des incitatifs », a indiqué Simon-Pierre Rioux, porte-parole de ce regroupement de propriétaires et de futurs propriétaires de véhicules électriques.
« En 2024, les gens vont se ruer pour acheter un véhicule électrique, en 2025 aussi. Mais en 2026-2027, [ceux qui vont acheter] vont vraiment avoir fait leur calcul et savoir que c’est avantageux de rouler électrique », a prédit M. Rioux, qui craint que l’incitatif fédéral de 5000 $ soit aussi aboli par un éventuel gouvernement conservateur.
Ce dernier dit avoir espoir que les prix des voitures électriques, qui sont encore généralement plus élevés que ceux des véhicules à essence, baissent substantiellement d’ici 2027.
Un incitatif ?
Sur le groupe Facebook « Véhicules électriques et hybrides du Québec », de nombreux propriétaires et amateurs prédisent que la fin de la subvention forcera les fabricants à baisser les prix de leurs véhicules électriques. Plusieurs d’entre eux ont supposé que certains manufacturiers profitaient de la situation pour augmenter leurs prix. Certains ont aussi rappelé un récent reportage de l’émission La facture, à Radio-Canada, selon lequel des citoyens ont acheté des véhicules électriques neufs pour empocher la subvention et les revendre rapidement.
Conseiller juridique à l’Association pour la protection des automobilistes, Hubert Lamontagne suppose pour sa part que les fabricants devront s’adapter à la demande en offrant des modèles plus compacts, moins équipés et plus abordables.
« Les subventions ont donné un pouvoir d’achat supérieur aux consommateurs, qui ont alors peut-être favorisé des VUS électriques au lieu de petites Chevrolet Bolt », a-t-il indiqué.
Me Lamontagne a jugé que leur abolition est une « évolution normale des choses » et qu’il faut même réfléchir à des façons de taxer les véhicules électriques, afin d’assurer les revenus nécessaires à l’entretien des routes.
Vélo Québec, de son côté, s’est réjoui de la nouvelle, estimant que les sommes d’argent ainsi dégagées pourraient être utilisées pour des mesures plus efficaces en matière de mobilité durable. « Avoir des subventions pour les vélos-cargos ou les vélos à assistance électrique, ça pourrait être intéressant », a indiqué JeanFrançois Rheault, p.-d.g. de l’organisme.
Vélo Québec et l’AVEQ, de même que l’association industrielle Mobilité électrique Canada, se sont tous prononcés en faveur d’un système de bonus-malus, soit des redevances sur la vente de véhicules à essence, afin de décourager cette dernière au profit des voitures électriques. Une telle mesure était absente du dernier budget, mais ils espèrent encore la voir apparaître prochainement.
Quand nos voisins en Ontario ont aboli leur programme similaire en 2018, ç’a eu pour effet immédiat de faire chuter la vente de véhicules électriques IAN SAM YUE CHI