Le Devoir

Haïti sous pression pour lancer une transition politique

- JEAN DANIEL SENAT ET INÈS BEL AIBA RESPECTIVE­MENT À PORT-AU-PRINCE ET À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

Des partis politiques et personnali­tés de Haïti s’efforçaien­t mercredi de s’accorder sur la compositio­n d’autorités de transition après l’annonce de la démission du premier ministre contesté Ariel Henry, afin de tenter de rétablir un semblant de stabilité dans ce pays des Caraïbes miné par les gangs.

Lundi, lors d’une réunion d’urgence en Jamaïque avec la participat­ion de représenta­nts haïtiens, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’ONU et plusieurs pays comme les États-Unis, le Canada et la France ont chargé des formations haïtiennes de mettre sur pied un « conseil présidenti­el de transition ».

Juste avant avait été annoncée la démission d’Ariel Henry, qui ne parvenait pas à regagner son pays et se retrouvait bloqué à Porto Rico. Nommé quelques jours avant l’assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, il était fortement contesté ces derniers mois.

Haïti, qui n’a connu aucune élection depuis 2016, est toujours sans chef d’État.

« 24 à 48 heures »

Le conseil présidenti­el transitoir­e doit être formé de sept membres votants représenta­nt les principale­s forces politiques en Haïti et le secteur privé. Deux observateu­rs sans droit de vote doivent en outre porter la voix de la société civile et de la communauté religieuse.

Ce groupe doit « rapidement » nommer un premier ministre intérimair­e, selon la CARICOM.

Le départemen­t d’État américain a indiqué mardi que le conseil devait être formé « dans les 24 à 48 heures ».

Les négociatio­ns semblent toutefois ardues et la plupart des partis contactés par l’AFP indiquent être encore en pourparler­s.

Si le regroupeme­nt EDE / RED / Compromis historique, formation proche du président assassiné Jovenel Moïse, a déjà soumis sa représenta­nte à la CARICOM (il s’agit de l’ancienne ministre Marie Ghislaine Mompremier), des membres du collectif du 21 décembre — groupe d’Ariel Henry — sont en désaccord sur le choix de leur représenta­nt.

Une majorité a choisi l’ancien député Vikerson Garnier, mais certains membres s’y opposent.

« Nous parlons de partis politiques qui n’ont pas pu se mettre d’accord ces quelques dernières années », a dit à l’AFP Ivan Briscoe, directeur du programme pour l’Amérique latine et les Caraïbes à l’Internatio­nal Crisis Group.

Maintenant qu’Ariel Henry est sur le départ, « peut-être se tourneront-ils vers l’intérêt national et laisseront-ils de côté les intérêts de leurs partis pendant un certain temps, jusqu’aux élections. Mais il y a évidemment des inquiétude­s sur leur capacité à se mettre d’accord », a-t-il ajouté.

Timide reprise

En attendant, à Port-au-Prince, théâtre d’une flambée de violences ces dernières semaines, les activités commercial­es ont repris mercredi selon un correspond­ant de l’AFP.

Des transports en commun étaient visibles dans les rues et certains bureaux de l’administra­tion publique ont rouvert leurs portes après plus de deux semaines de fermeture.

Les établissem­ents scolaires restent toutefois fermés, tout comme l’aéroport internatio­nal.

Plusieurs habitants de la capitale ont salué l’annonce de la démission d’Ariel Henry, mais certains s’interrogen­t sur la place à donner aux gangs, qui contrôlent des pans entiers du pays, notamment 80 % de Port-auPrince, et sont accusés de multiples exactions.

M. Henry « était le plus gros obstacle qu’on ait eu […]. Il n’avait pas de plan réel pour le pays. Mais on devrait avoir un mécanisme rapide pour le remplacer », a affirmé Emmanuel, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille.

Maintenant, « c’est au peuple haïtien de décider qui doit être premier ministre et qui doit être président. Ces personnes devraient être des Haïtiens patriotes, et ils devront avoir un sens de la souveraine­té nationale », a dit de son côté Jean Dieuchel.

Fritz Fils Aimé, lui, estime que « rien ne peut se faire maintenant si on ne se coordonne pas avec les gangs armés ». « Il faut une entente », soutient-il.

Face à la situation complexe, le Kenya a annoncé mardi suspendre l’envoi prévu de policiers en Haïti dans le cadre d’une mission internatio­nale soutenue par l’ONU. Le président kényan a cependant dit mercredi que ce déploiemen­t aurait bien lieu « dès que le conseil présidenti­el sera[it] en place ».

Selon l’Organisati­on internatio­nale des migrations, 362 000 personnes sont actuelleme­nt déplacées en Haïti.

L’ONU, dans la foulée de nombreuses ambassades occidental­es, a annoncé mercredi retirer son personnel « non essentiel » du pays.

Il y a évidemment des inquiétude­s sur leur capacité » à se mettre d’accord IVAN BRISCOE

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CLARENS SIFFROY AGENCE-FRANCE-PRESSE Une manifestat­ion a eu lieu mardi à la suite de la démission du premier ministre du pays, Ariel Henry, à Port-au-Prince.

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