Jolin-Barrette disposé à examiner « différentes solutions » pour l’IVAC
Le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, s’est dit disposé jeudi à « regarder toutes les différentes solutions » pour colmater les brèches du régime d’Indemnisation des victimes d’actes criminels, l’IVAC. Il est ensuite revenu sur ses propos pour préciser qu’il n’entendait pas modifier sa loi.
Le ministre s’est par ailleurs engagé à s’entretenir avec des victimes qui sont profondément indignées par la nouvelle loi. « Très certainement, je vais les rencontrer », a-t-il affirmé au Salon bleu.
En matinée, le quotidien racontait la colère de deux mères d’enfants assassinés et d’un homme torturé par son père. Amélie Lemieux, Émilie Arsenault et Guillaume Gosselin sont tous les trois affectés par la réforme de l’IVAC menée en 2021. Celle-ci met notamment un terme à l’aide offerte aux victimes après trois ans, ce qui cause actuellement une onde de choc chez les personnes ayant subi des actes criminels.
« Ça me choque, parce qu’il n’y a pas si longtemps, [en 2021], on étudiait la réforme de l’IVAC. J’étais face au ministre Jolin-Barrette, et on lui disait précisément ce qui allait arriver. On lui disait que ce n’était pas possible de mettre une date butoir pour le rétablissement des victimes, que ça allait créer de la détresse », a lancé la députée Christine Labrie, de Québec solidaire.
Elle a mené la charge au Salon bleu en exigeant que le ministre Jolin-Barrette rencontre les victimes, comme ces dernières l’ont réclamé. « En prenant connaissance de l’article du Devoir, très certainement, ce matin, mon personnel est déjà en train de contacter Mme Lemieux, Mme Arsenault », a répondu M. Jolin-Barrette. Il s’est ensuite engagé à rencontrer les victimes. À sa gauche, le premier ministre, François Legault, a hoché la tête en écoutant le ministre.
M. Jolin-Barrette a rappelé que sa réforme avait mis fin aux rentes viagères [des indemnités à vie] au profit d’une aide temporaire, qui touche davantage de victimes. « [La rente viagère] faisait en sorte qu’on ne pouvait pas indemniser beaucoup de personnes. Nous avons fait le choix d’augmenter le nombre de personnes victimes qui peuvent bénéficier de l’IVAC », a-t-il expliqué.
Un pouvoir discrétionnaire ?
Face à lui, Mme Labrie a demandé à M. Jolin-Barrette de faire plus que d’« expliquer [aux victimes] un état de fait qu’elles connaissent déjà ». Elle a exigé des « solutions », de la « souplesse », et a rappelé qu’elle avait proposé au ministre de se doter d’un pouvoir discrétionnaire, pour allonger la durée de certaines indemnités, par exemple. « Est-ce que le ministre est ouvert à ajouter de la souplesse dans son projet de loi ? » a-t-elle demandé, faisant visiblement référence à sa réforme.
En guise de réponse, Simon Jolin-Barrette s’est dit « ouvert à regarder toutes les différentes solutions qui s’offrent à nous ». Il a cependant exprimé des réserves au sujet d’un pouvoir discrétionnaire, plaidant que cela « n’est pas nécessairement toujours opportun ».
Dans un échange avec Le Devoir, le ministre de la Justice a ensuite dit avoir l’intention d’« étudier la question » et les « différents enjeux » soulevés par les victimes. « Très certainement, on est très sensibles à la situation vécue », a-t-il affirmé. Quand Le Devoir lui a demandé s’il entendait modifier sa loi, il a glissé un « non » en s’engouffrant dans son bureau.
Déjà, le 8 février, les trois partis d’opposition avaient pressé le ministre Jolin-Barrette de revoir sa réforme. Jeudi, la députée libérale Jennifer Maccarone a proposé de reprendre le travail de manière transpartisane. « On est prêts demain matin à revenir pour continuer le travail, pour continuer à investiguer », a-t-elle affirmé. « C’est clair, ce sont des personnes qui sont abandonnées. On a une continuation de notre travail à faire ici, à l’Assemblée, et on devrait faire ce travail d’une façon transpartisane, comme nous avons fait dans le passé. »
Le député Pascal Paradis, du Parti québécois, a de son côté déclaré que le gouvernement avait voulu modifier un régime qui prévoyait le versement à long terme de petits montants pour accorder une aide financière plus substantielle aux victimes. Cela dit, « un gouvernement qui est à l’écoute, un gouvernement qui veut vraiment les meilleures politiques publiques, il doit regarder c’est quoi l’effet des politiques publiques », a-t-il ajouté. « Ce que je veux dire, c’est que je reconnais qu’il y avait une partie des intentions qui était bonne. Aujourd’hui, on arrive à un moment charnière, et on se rend compte que ça a peut-être des effets contraires à ceux qu’on avait envisagés. »