Transition énergétique et territoire méritent un franc débat de société
Le chantier de la transition énergétique est aussi indispensable qu’urgent étant donné que les effets de la crise climatique se font évidents. Il sera globalement bénéfique pour l’environnement, mais il aura inévitablement des répercussions sur le territoire. De nouvelles usines, des infrastructures électriques et des transports collectifs structurants seront à insérer dans les paysages et les quartiers existants. Ces projets majeurs ne sont pas sans externalités et ne s’intégreront pas toujours sans friction dans leur milieu.
Le projet de l’entreprise Northvolt est un exemple des arbitrages qui seront à faire dans les prochaines années. Beaucoup conviennent que le développement de la filière batterie est un élément incontournable de l’électrification et une occasion à saisir pour le développement économique. Mais, si le site retenu répond à certains critères de localisation responsable, il a aussi le désavantage d’abriter des milieux humides et des boisés.
Ce ne sera pas le dernier projet à obliger à évaluer le bien-fondé d’un gain environnemental global contre une perte locale. Il y en aura d’autres, et il ne suffira pas d’évoquer simplement la transition énergétique pour évacuer les critiques. Nous avons donc besoin de mettre en place les conditions pour des discussions franches et sereines, qui permettent de peser les avantages et les inconvénients de chaque projet, ainsi que de proposer des mesures d’atténuation.
Climat de méfiance
Or, dans le cas de Northvolt, la gestion du dossier par le gouvernement a plutôt instauré un climat de méfiance. Au lieu de bien cadrer le débat, le gouvernement a fait preuve d’un manque de transparence, d’un non-respect des processus établis, en plus de dévaloriser les remparts instaurés pour protéger l’environnement et baliser le développement harmonieux du territoire.
Se passer du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), une institution qui existe depuis plus de 40 ans, est une erreur qui crée un mauvais précédent. Si des projets tels que le tramway de Québec ou le REM ont dû passer par le BAPE malgré l’évidence que le transport collectif est essentiel pour la transition, pourquoi un projet industriel majeur y échapperait-il ? Le BAPE permet non seulement d’informer la population et de discuter des impacts, mais aussi de trouver des bonifications possibles aux projets. Le gouvernement doit donner l’exemple et aurait pu demander de procéder à une évaluation rapide afin de ne pas porter préjudice au dossier.
Nous voyons dans cette approche un parallèle avec le nouveau pouvoir accordé par le gouvernement aux municipalités par l’adoption du projet de loi 31 sur l’habitation, qui permet de passer outre aux règlements d’urbanisme. Cette tentation de recourir à des procédures d’exception inquiète. Si le gouvernement juge les processus d’approbation trop lourds face aux crises multiples, qu’il réforme les mécanismes plutôt que de les contourner. Cette manière de faire entre d’ailleurs en contradiction avec la récente Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, où le principe d’exemplarité de l’État est clairement énoncé.
Enfin, pour regagner la confiance de la population, il faut élargir la discussion. Le cas de Northvolt met en lumière la nécessité de développer une vision d’ensemble des impacts territoriaux liés à la transition énergétique ainsi qu’une approche globale cohérente.
Le gouvernement doit notamment se montrer plus sérieux en matière de sobriété énergétique et territoriale. En effet, si sa vision de la transition se résume à remplacer les voitures thermiques par des voitures électriques, nous nous dirigeons vers un cul-desac. La décarbonisation exige de repenser de manière fondamentale notre façon d’habiter le territoire et de nous y déplacer. Évoquer l’urgence d’agir pour donner à Northvolt une voie express, au moment même où le développement et le financement du transport collectif tournent en rond, ce n’est pas crédible.