Le Devoir

Le nouvel apôtre du bon sens

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Fort de 5 % d’appuis en fin de soirée électorale, le 20 septembre 2021, le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, jubilait, déclarant que « à tout jamais, la politique au Canada sera[it] transformé­e ».

Aussi absurde que cela ait pu alors sembler, ces paroles se sont avérées prémonitoi­res. Sauf que ce serait plutôt au beaucoup plus machiavéli­que Pierre Poilievre qu’il reviendrai­t d’incarner et de promouvoir le libertaria­nisme auprès des ménages du pays, en usant de « gros bon sens » pour faire du Canada « l’endroit le plus libre au monde ». Qui peut être contre la vertu, n’est-ce pas ?

L’ancien premier ministre de l’Ontario Mike Harris avait lui aussi opté pour le même genre de vacuité avec sa « révolution du bon sens », en 1995, faisant mordre quelque 45 % de l’électorat à l’appât. Hélas, comme tous les chefs de gouverneme­nt dont le génie politique n’a d’égal que leur roublardis­e, les conséquenc­es tragiques de ses politiques sur bon nombre de ses concitoyen­s l’ont incité à sagement déguerpir de la sphère politique avant que l’opprobre ne s’abatte encore plus sur lui.

Mais voilà, il se trouve que, malgré tout, nous sommes en fait déjà passableme­nt libres, grâce aux institutio­ns et aux règles démocratiq­ues que nous avons eu le bon sens d’instaurer. Alors, libre à nous de ne pas succomber, une fois de plus, au même baratin lorsqu’il nous est possible de, plutôt, voir à parfaire ce que nous avons su bâtir ensemble : une société où la liberté citoyenne est tributaire d’un dirigisme éclairé, non pas de laisser-faire. Notre liberté étant ainsi effective du fait qu’elle puisse s’exercer, sur le plan individuel, en vertu d’une conscience collective et d’une oeuvre commune.

Jean-Charles Merleau

Gatineau, le 13 mars 2024

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