Le Schindler anglais
Dans One Life, Anthony Hopkins incarne sir Nicholas Winton, qui sauva des centaines d’enfants juifs des nazis en 1939
À l’approche de son 80e anniversaire, Nicholas Winton n’a pas le coeur à la fête. Invité par sa conjointe, excédée à raison, à mettre de l’ordre dans le bric-à-brac d’objets et de papiers qui encombrent la maison, voici le vieil homme replongé dans un passé glorieux, mais douloureux. C’est que, cinquante ans plus tôt, de passage à Prague à la veille de l’invasion nazie, « Nicky » monta une opération qui sauva 669 enfants réfugiés, juifs pour la majorité, de la déportation. Alternant l’hier héroïque et l’à présent mélancolique, One Life (Une vie) conte l’histoire vraie de celui que plusieurs ont surnommé le « Schindler anglais ». Anthony Hopkins l’incarne en 1987-1988, et Johnny Flynn, en 1938-1939.
Un vétéran de la télévision où il a réalisé divers épisodes de séries souvent opulentes et campées en contexte historique, telles Merlin, Penny Dreadful, ou encore The Alienist, James Hawes fait ici ses premiers pas au cinéma. Prudent, il s’en tient à une mise en scène d’un classicisme éprouvé. Il reste que son bagage le sert bien.
En fait, l’efficacité de ce drame biographique en deux temps, et à deux vitesses, est en bonne partie imputable à la monteuse Lucia Zucchetti (Ratcatcher, Morvern Callar), qui sait rendre harmonieux et organiques les passages d’une époque à une autre.
Ainsi le volet situé à la fin des années 1980 s’avère-t-il plus lent, méditatif, en phase avec l’état d’esprit d’un protagoniste âgé hanté par un sentiment de culpabilité. C’est que Nicholas Winton aurait voulu sauver tous les enfants…
À l’inverse, à la fin des années 1930, le rythme est plus trépidant, avec cet élément de course contre la montre, et toutes ces jeunes vies dans la balance.
Alors infatigable et pugnace, Nicky recevra beaucoup d’aide dans ses extraordinaires démarches. Deux femmes, en particulier, feront une énorme différence : Doreen Warriner, du Comité pour les réfugiés de Tchécoslovaquie (Romola Garai, très juste dans un rôle sous-écrit), et surtout, depuis l’Angleterre où elle tient tête aux bureaucrates, Babette Winton, la mère de Nicky.
Elle-même d’origine juive allemande, Babette s’est depuis convertie à l’Église d’Angleterre, et elle prend d’emblée fait et cause pour la mission de son fils. Dans cette partition bonbon, la toujours merveilleuse Helena Bonham Carter hérite de bonnes répliques auxquelles elle fait honneur.
Immense Anthony Hopkins
Cette portion narrative se déroulant juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale est la plus réussie, d’une part grâce à la tension inhérente à l’action, mais aussi grâce aux interrelations entre une galerie de personnages intéressants.
En comparaison, ce qui se passe un demi-siècle plus tard semble, disons, limité et redondant.
Heureusement, il y a l’immense Anthony Hopkins, de qui on n’arrive pas à détacher le regard un instant. Ici, la vedette de The Father (Le père), Howards End (Retour à Howards End) et The Silence of the Lambs (Le silence des agneaux), est tout en retenue. Ce qui rend ses rares débordements d’émotions d’autant plus poignants.