Le Devoir

Violences à Port-au-Prince dans l’attente de nouveaux dirigeants

- JEAN-DANIEL SENAT ET INÈS BEL AIBA

La situation reste « explosive » vendredi à Port-au-Prince selon l’ONU, au moment où les Haïtiens attendent la nomination d’autorités de transition après la démission du premier ministre contesté, avec l’espoir prudent que le pays ravagé par les gangs puisse s’engager sur la voie de la stabilité.

Après quelques jours d’une relative accalmie, des violences ont été enregistré­es dans la capitale, qui est à 80 % aux mains des bandes armées. Sur deux routes principale­s du centre-ville, des habitants ont érigé des barricades pour tenter de se protéger des attaques de gangs, mais aussi en signe de protestati­on, selon un correspond­ant de l’AFP.

La situation à Port-au-Prince reste « explosive et tendue », a affirmé le bureau des opérations humanitair­es de l’ONU (OCHA).

Des tirs ont visé jeudi l’aéroport de la capitale et la résidence du directeur général de la police lui-même a été pillée et incendiée, selon un syndicat de police.

Le couvre-feu nocturne a été prolongé jusqu’à dimanche dans le départemen­t de l’Ouest, englobant Port-auPrince, selon le bureau du premier ministre, qui expédie actuelleme­nt les affaires courantes.

« Il y a plein d’évadés des prisons dans les rues. La situation s’aggrave régulièrem­ent. La décision de déclarer l’état d’urgence en Haïti avec un couvre-feu […] est louable […], mais ce n’est pas comme ça que ça devrait être », a déploré Edner Petit, un habitant de Port-au-Prince.

L’Associatio­n médicale haïtienne a pour sa part dit sa « consternat­ion » face à « la fermeture forcée d’hôpitaux » et aux « actes de violences physiques sur le personnel soignant ».

Désaccords

Lundi soir, le premier ministre Ariel Henry a annoncé qu’il démissionn­ait. Son mandat a été marqué par une montée en puissance des gangs, lui qui avait été nommé quelques jours avant l’assassinat du président Jovenel Moïse, en juillet 2021.

La nouvelle est intervenue en pleine réunion d’urgence de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) avec des représenta­nts haïtiens, l’ONU et plusieurs pays comme les États-Unis. Ces groupes ont chargé des formations haïtiennes de mettre sur pied un conseil présidenti­el de transition.

Plusieurs des partis choisis ont soumis le nom de leur représenta­nt à la CARICOM, ont indiqué plusieurs sources à l’AFP.

Dans un premier temps, les membres du collectif du 21 décembre, le groupe qui a soutenu Ariel Henry, n’ont pas pu se mettre d’accord sur un représenta­nt unique et en ont désigné trois.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s’est dit vendredi confiant dans le fait que le conseil pourrait voir le jour « dans les jours à venir ».

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait un « message clair. Il veut que toutes les parties prenantes haïtiennes mettent de côté leurs divergence­s » pour faire avancer la mise en place des autorités provisoire­s, selon son porte-parole, Stéphane Dujarric.

Aide humanitair­e

Le conseil présidenti­el de transition doit être composé de sept membres votants représenta­nt les principale­s forces politiques en Haïti et le secteur privé. Il doit choisir un premier ministre intérimair­e et nommer un gouverneme­nt « inclusif ».

En seront exclues les personnes inculpées ou condamnées par la justice, sous le coup de sanctions de l’ONU, comptant se présenter aux prochaines élections en Haïti et ou s’opposant à la résolution onusienne sur le déploiemen­t d’une mission multinatio­nale d’appui à la sécurité.

Le Kenya, qui doit déployer un millier de policiers dans le cadre de cette mission, a annoncé suspendre l’envoi de ses hommes, mais a assuré qu’il interviend­rait une fois un conseil présidenti­el installé.

D’après le Programme alimentair­e mondial (PAM), 44 % de la population haïtienne se trouve dans une situation d’insécurité alimentair­e aiguë.

Les Nations unies ont indiqué qu’elles allaient mettre en place un « pont aérien » entre Haïti et la République dominicain­e voisine pour permettre « la fluidité de l’aide humanitair­e ».

Les États-Unis ont de leur côté annoncé vendredi une aide humanitair­e supplément­aire de 25 millions de dollars. Ces fonds soutiendro­nt notamment l’ONU et les ONG en matière d’aide alimentair­e, de soins d’urgence et d’eau potable.

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ODELYN JOSEPH ASSOCIATED PRESS Des enfants patientaie­nt jeudi pour recevoir une assiette de nourriture dans un refuge pour les familles déplacées à cause de la violence des gangs, à Port-au-Prince.

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