Qui paye pour le congé parental ?
Débutons par des excuses bien senties à tous les parents actuellement à la maison. Avant la maternité, je n’avais jamais porté attention à l’appellation « congé parental ». Quiconque l’a vécu peut témoigner que les seules vacances offertes dans le cadre de ce « congé » se limitent probablement à l’absence de nécessité de régler le réveille-matin. Après tout, bébé et enfants se chargeront d’un réveil qui sonne toujours très tôt, chaque matin, sans exception.
Au coeur de cette tranche de vie, on trouve une vraie question, complexe et généralisée. Dans plusieurs couples, la décision de trancher en faveur de qui cessera de travailler pour s’occuper du nouveau-né ne se pose pas longtemps. La maman, ayant porté le bébé et l’allaitant bien souvent, est généralement plus encline à le prendre. Mais de plus en plus, papa partage les semaines de prestations offertes grâce au généreux Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Notre société a évolué dans sa conception de la parentalité, et cela est magnifique.
Mais, derrière ce progrès indéniable, se trouve toujours un angle mort financier. Car « congé » parental, qui n’a de congé que le nom, signifie aussi encore diminution de revenus, limites au développement professionnel et charges financières supplémentaires.
Chaque couple a sa réalité financière
Donc, qui devrait payer pour le congé parental ? Est-ce au parent qui reste à la maison d’assumer seul les répercussions financières, ou celui qui maintient son salaire et son statut d’emploi devrait-il réduire son coût de vie personnel pour compenser ? La réponse dépendra certainement d’un état de la situation encore plus primaire. Où en êtes-vous dans votre cheminement budgétaire conjugal ? Il s’agit de la première question que devraient se poser tous les futurs parents. Il est normal que le partage des dépenses évolue selon le cycle de vie commune, souvent avec une forme d’engagement de plus en plus marqué : nouveau couple, achat d’une maison et fondation d’une famille.
Rendus à l’étape de devenir parents, les conjoints ont probablement déjà amorcé une forme de partage des dépenses, qui peut être basé sur le traditionnel 50-50 ou au prorata des revenus. Le mode 5050 pourrait être maintenu avec l’arrivée du bébé, mais, idéalement, uniquement dans les situations où les revenus des parents sont équivalents (ce qui est statistiquement peu généralisé). Le partage selon le prorata est potentiellement à explorer dès qu’un conjoint s’engage à la vie familiale. Par exemple, si le revenu total du ménage (après impôts) est de 150 000 $ et que maman gagne 60 000 $, elle pourrait payer 40 % des dépenses communes et papa, 60 %.
Pendant la première année de vie de bébé, puisque les revenus d’emploi seront inférieurs pour le parent qui reçoit les prestations du RQAP, chaque couple établira ses priorités budgétaires selon les répercussions qu’a ce congé dans ses liquidités. Dans tous les cas, la nouvelle situation familiale exige de revoir la définition des dépenses communes. Si elles se limitaient auparavant à la nourriture et au logement, par exemple, il est souvent naturel d’y inclure d’autres dépenses.
Et même avec le partage au prorata des revenus, le parent ayant le revenu le plus faible ne bénéficie pas toujours d’une situation égalitaire. Par exemple, si les dépenses communes sont inspirées par le train de vie d’un conjoint avec des revenus en hausse (voiture et poussette de luxe, nombreuses sorties et restaurants), il est vrai que l’autre conjoint n’en payerait que 40 %, mais il dépensera probablement plus que ses propres moyens, ce qui le forcera à limiter ses investissements.
Tester les valeurs communes
En fait, la véritable reconnaissance de la valeur du travail à la maison et sa contribution à l’économie domestique vous inviteraient à considérer même l’épargne du parent à la maison dans vos dépenses communes familiales, ou encore d’y inclure une allocation personnelle de base. Surprenant, en cette période d’équité ? Pas du tout. Rappelons que les prestations et programmes sociaux fiscaux sont basés sur le revenu familial. L’État présume que vous partagerez les dépenses relatives à la famille en mettant ensemble vos ressources. Ainsi, dès lors que votre mode de fonctionnement n’en tient pas compte, un des parents risque de s’appauvrir davantage que l’autre.
Que ce soit pour les dépenses communes de la vie de couple ou celles associées à la famille, la question fondamentale pourrait bien être celle des valeurs partagées. De belles conversations à ce sujet devraient être tenues avant même le projet d’union ou de fondation d’une famille. Mille pardons pour cet excès de pragmatisme, mais pourquoi faire du déni ? Quelles sont vos priorités en matière de dépenses pour les enfants : allez-vous vouloir déménager et offrir plus de superficie à votre famille, vous déplacer en voiture ou autrement, que pensez-vous des sports d’élite, de l’école privée, des innombrables occasions de payer pour susciter le développement et le bien-être de votre progéniture ?
Attention, gardez en tête qu’il est plus facile d’établir des postes de dépenses communes théoriques que de s’entendre sur les choix de consommation qui en découlent. Évidemment, tant que le statut de parent n’est pas formellement engagé, il est possible de se tromper sur les préférences, mais cette discussion permet de déterminer les sources de consensus ou de négociation.
Terminons en rappelant que la confusion règne dans de nombreux esprits sur la protection des conjoints de fait. Même en ayant des enfants nés de leur union, les conjoints de fait ne bénéficient d’aucune protection en cas de décès ou de rupture. Pour les couples non mariés, la convention de vie commune revêt une importance capitale pour protéger le parent qui assumera la vie domestique et familiale. Comme le soulignent Belleau et Lobet dans L’amour et l’argent. Guide de survie en 60 questions (Remue-ménage), la majorité des Québécois choisissent de ne pas se marier et ils n’ont pas de contrôle sur leur statut fiscal et légal de conjoints de fait. À vous de prendre la responsabilité de créer ce contrat familial d’engagement et de protection.
Dans tous les cas, la nouvelle situation familiale exige de revoir la définition des dépenses communes