Le Devoir

COMPLÈTEME­NT DÉBRANCHÉ – MUSIQUE EN HAUTE RÉSOLUTION, MIRAGE OU ELDORADO ?

- ALAIN McKENNA LE DEVOIR

Hi-Res Audio. Ce petit logo noir et or commence à apparaître un peu partout, aussi bien sur la boîte d’écouteurs dernier cri que sur la page d’accueil de services musicaux en ligne. C’est le signe que la musique en est en train de subir une nouvelle transforma­tion. En avez-vous besoin ?

La première vraie question à vous poser est : est-ce bien nécessaire ? Car la valeur ajoutée n’est pas souvent évidente.

Si vous êtes du genre à couper les ondes sonores en quatre, vous aurez compris que du son haute résolution n’est pas la même chose que du son sans perte. En fait, bien des esthètes de l’acoustique lèvent le nez sur cet encodage, qu’ils associent plus à du marketing de la part de certains géants de la diffusion en continu qu’à une plus grande fidélité sonore qui s’entend réellement.

Ces mêmes esthètes vous vanteront quand même les mérites de la musique dans un format sans perte.

Haute résolution et sans perte

Le hic est que le son haute résolution est devenu au cours de la dernière année le nec plus ultra de la musique numérique. On trouve son étiquette imprimée sur la boîte des écouteurs plus haut de gamme. On voit aussi la mention Hi-Res Audio clairement affichée sur certains services musicaux, comme la plateforme Tidal. Cette dernière propose deux niveaux d’encodage : sans perte (FLAC) et sans perte haute résolution (Hi-Res FLAC).

La différence ? L’encodage et l’échantillo­nnage qui définissen­t un signal sonore sans perte sont les mêmes que ceux obtenus en faisant jouer un disque compact : 16-bit et 44,1 kilohertz. Un signal sonore sans perte haute résolution, en plus d’avoir un nom difficile à prononcer, propose des niveaux d’encodage plus élevés : 24-bit et 192 kilohertz.

Or, les profession­nels de l’enregistre­ment vous le diront, à moins d’avoir besoin de toutes les fréquences en vue de rematricer une bande sonore originale, la différence entre les deux formats sonores est essentiell­ement inaudible. C’est loin d’être comparable avec la différence qui existe entre le bon vieux format MP3 et ces deux formats sonores beaucoup plus généreux.

À titre d’exemple, vous entendrez probableme­nt plus clairement le son des cymbales, et pourrez même plus facilement distinguer les différents types de cymbales, si vous écoutez un flux musical à haute résolution ou sans perte que si vous écoutez un flux MP3.

Plus de son

Ce qui s’entend très nettement, en revanche, c’est tout ce que les flux musicaux à haute résolution comportent au-delà des notes musicales et qui est exclu des formats musicaux de moindre qualité. Par exemple, la séparation stéréophon­ique est meilleure. Cela permet d’offrir un format sonore spatialisé, ce qu’Apple appelle simplement son audio spatial, et que le reste de l’industrie a adopté sous la norme Dolby Atmos.

Voilà un autre logo à surveiller sur la boîte de vos écouteurs si ce que vous cherchez est le summum des technologi­es musicales du moment : un son sans perte haute résolution entièremen­t spatialisé. On ne peut pas compresser ça, encore moins que sa longue appellatio­n.

On ne peut pas non plus réduire le prix qu’il faut payer pour profiter pleinement de ce format musical. Car un son sans perte transmis à des écouteurs Bluetooth bon marché est un énorme gaspillage de bits et de kilohertz. Le protocole Bluetooth n’a ajouté que très récemment à sa trousse d’outils musicaux la compatibil­ité avec le son haute résolution, via un codec appelé LDAC.

Le flux musical maximal promis est de 32-bit à 96 kilohertz.

Le bon équipement ?

En plus de la bonne source sonore, il faut un matériel capable de convertir le flux numérique sans perte en un signal sonore analogique. Ce périphériq­ue spécialisé est un DAC, comme on l’appelle en anglais.

Des ordinateur­s comme les Mac d’Apple ont ce décodeur numérique analogique (en bon français) intégré à leur sortie audio (3,5 mm). Sinon, il faut s’en procurer un. Il se branche au port USB d’un ordi ou d’un téléphone, puis par câble audio à un casque d’écoute.

Il existe des DAC de tous les formats et de tous les prix. La marque iFi propose, par exemple, le Go Bar, un DAC de 480 $, et son plus petit frère, le Go Link, qui n’en coûte que 100 $. Le choix semble assez simple, vu que le résultat dans les deux cas est très satisfaisa­nt.

Des fabricants comme Sony offrent de leur côté des casques certifiés Hi-Res Audio avec ou sans fil à partir de 300 $. Sennheiser propose de son côté le HD660S2 (550 $), un énorme casque dont les écouteurs ont l’endos ouvert. Plutôt qu’une coquille, chaque écouteur est protégé par un léger treillis métallisé qui n’offre aucune insonorisa­tion, mais qui rend l’écoute prolongée plus agréable.

Le son produit par leurs haut-parleurs de 38 mm est aussi plus naturel. L’illusion d’être assis dans le studio avec les musiciens est plus grande.

Cela dit, avant de payer plus cher pour n’importe quel casque certifié HiRes Audio, dites-vous que le seul critère requis pour se conformer à cette certificat­ion est de pouvoir lire la musique provenant essentiell­ement… d’un lecteur CD. Pas besoin de payer une fortune — ni de tomber dans cet autre piège du marketing moderne — pour ça.

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