La francophonie au féminin au coeur d’un projet entrepreneurial
Pour une troisième année d’affilée, de jeunes entrepreneuses de 18 à 35 ans partiront à la découverte d’un marché d’affaires francophone hors Québec grâce aux Missions immersives en francophonie (MIF), une initiative des Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ).
Ce projet, lancé lors de la Journée internationale des droits des femmes en 2020, permet aux jeunes adultes de réaliser des projets au Québec, au Canada et à l’international en leur offrant un accompagnement et un soutien financier. Les missions immersives donnent ainsi l’occasion aux entrepreneuses de prendre leur place dans un territoire membre de l’Organisation internationale de la Francophonie, à savoir, cette année, la France, le Sénégal et le Canada.
Les neuf candidates sélectionnées ont participé à des séances de formation et de réseautage à Québec les 13 et 14 février. Toutes disposent déjà d’un produit ou d’un service ayant fait ses preuves au Québec, condition sine qua non pour être choisie. Ces deux jours leur ont permis de faire connaissance et d’échanger sur leurs réalités, tant différentes que communes. Le programme leur donne aussi accès à une banque de dix heures de conseils financiers avec les organismes régionaux de promotion des exportations avant leur départ vers la destination choisie. Par la suite, certaines choisissent de faire un voyage exploratoire afin de rencontrer des contacts clés ou d’assister à des salons. D’autres, plus avancées dans leur processus de commercialisation, enclenchent rapidement plus concrètement leur projet d’exportation.
Marchés francophones
Le projet vise à favoriser « la capacité de développer ses activités en francophonie et d’aller cibler d’autres marchés », explique Françoise Thomas, chargée de projets en entrepreneuriat et en développement de carrière à LOJIQ.
Pour la participante Jade Trépanier, la France avait tout son sens comme destination. La cofondatrice de l’entreprise d’emballage de colis réutilisable PickPack souhaite tisser des liens avec des compagnies aux produits similaires bien implantées en France. Dans un précédent projet exploratoire déjà avec LOJIQ, elle a rencontré l’entreprise d’emballage Opopop en assistant au salon Pollutec, à Lyon. « On s’intéresse beaucoup au marché européen parce que ce sont des consommateurs plus habitués à ce qui est réutilisable, l’économie circulaire, le système de consignation », énumère-t-elle.
Vanessa Cliche a participé l’an dernier aux MIF. Selon la cofondatrice de la distillerie Comont, dans les Cantons-de-l’Est, « La France est intéressante, car c’est important de pouvoir diversifier nos marchés, étant donné qu’au Québec, c’est un marché contrôlé. On n’a pas d’autres points de vente que la SAQ. » Elle a d’ailleurs confirmé les goûts des consommateurs et pris le pouls du marché et des normes d’alcool en visitant le salon Vinexpo. L’entreprise a pu y retourner cette année en tant qu’exposante.
Il n’y a pas de barrière de la langue lors de ces voyages en francophonie. « On a beaucoup moins de modifications à faire aux emballages. Les contrats d’exportation en anglais, c’est beaucoup plus compliqué. J’ai quand même quelques repères en France, indique Mme Cliche. Le monde de la distillation, c’est un monde anglophone, mais le français reste au coeur de notre entreprise. »
La possibilité de financer un voyage d’exploration pour établir des bases solides avant l’exportation motive les participantes à s’inscrire. « En tant que PME, c’est rare qu’on puisse se payer des déplacements comme ça », avoue Vanessa Cliche.
Préserver l’âme francophone
Pour Laurie Gauthier, cofondatrice de Belov, une entreprise de repas pour bébés, le défi de la francophonie était tout autre. Elle a choisi de faire son expansion au Canada, en commençant par l’Ontario. Malgré la présence de francophones, le marché est d’abord anglophone et fonctionne différemment de celui du Québec. « Quand on est une entreprise québécoise francophone, ça vient avec un lot de défis pour entrer dans le marché canadien qui est anglophone. » Ses produits sont offerts dans plusieurs épiceries présentes aussi en Ontario, mais ça demande des étapes supplémentaires pour passer la frontière. Les formations l’ont aidée « à trouver comment se positionner à l’extérieur du Québec sans se dénaturer ».
Jade Trépanier a elle aussi dû faire face à ce défi d’authenticité dans sa précédente expansion en ColombieBritannique. « Je suis très attachée à la langue française, confie-t-elle. Mes sacs sont imprimés en français, même en Colombie-Britannique. »
Laurie Gauthier voit son immersion en zone anglophone comme une façon « d’amener la francophonie à l’extérieur du Québec ».
« Quand l’entreprise est mûre pour commercialiser à l’étranger, les femmes d’affaires ont souvent besoin de leviers supplémentaires »
Mère et femme d’affaires
Le deuxième objectif de LOJIQ avec ces Missions immersives est de permettre aux femmes, qui peuvent faire face à des défis particuliers, de continuer à avancer dans
leur carrière d’entrepreneuse. « Il y a des enjeux qui vont devenir des freins à la croissance et au développement. La commercialisation est souvent un point de bascule », soutient Françoise Thomas, qui rappelle que la femme joue encore un rôle central dans la famille. « Quand l’entreprise est mûre pour commercialiser à l’étranger, les femmes d’affaires ont souvent besoin de leviers supplémentaires », ajoute-t-elle, regrettant le fait que trop souvent, les entrepreneuses freinent leurs ambitions lorsque l’entreprise grandit et devient plus prenante.
Laurie Gauthier et son associée sont deux jeunes mamans. « La femme est sous-représentée en entrepreneuriat parce qu’elle a souvent ce dilemme : va-t-on être une maman assez présente en étant entrepreneuse ou une entrepreneuse assez performante en étant maman ? » demande-t-elle.
« Dans le cadre des MIF, nous laissons ainsi de la place pour la discussion entre ces femmes entrepreneuses qui ont des problèmes qui leur sont propres, notamment en ce qui concerne l’équilibre vie privée/vie professionnelle », souligne Mme Thomas. « En plus de la mission en elle-même, qui relève du développement des affaires, témoigne Jade Trépanier, on a côtoyé énormément de jeunes femmes de notre âge. Au final, on avait plein de choses en commun. »
Vanessa Cliche croit pour sa part que le programme lui a permis de devancer d’un an son processus d’exportation. Les entrepreneuses sont plusieurs à avoir participé à plus d’un projet de LOJIQ, leur permettant plusieurs voyages, et donc, l’évolution plus rapide de leur entreprise.
« J’ai appris énormément sur mon marché, affirme la distilleuse. Il n’y a rien de mieux que de poser le pied là où l’on souhaite faire des affaires pour poser des questions, rencontrer des producteurs comme nous, et appréhender leurs réalités. »
Avec ces Missions inclusives en francophonie, LOJIQ souhaite mettre de l’avant des femmes qui progressent dans leur entreprise, et ce, même si elles sont mères. Un programme de plus dans la bonne direction, selon les participantes, qui affirment que les obstacles semblent tomber un à un.
« On fait notre place, et aujourd’hui, les gens l’acceptent très bien », conclut Vanessa Cliche.