Que veut la génération Z ?
Les récentes grèves dans le secteur public ont remis de l’avant les conséquences de la pénurie de main-d’oeuvre sur les conditions de travail et la qualité des services. Face aux postes à pourvoir, notamment du côté du personnel enseignant et infirmier, quelles mesures les employeurs peuvent-ils instaurer pour attirer durablement les plus jeunes travailleurs ?
Ils ont entre 12 et 27 ans, approximativement. Si une bonne partie des membres de la génération Z ne seront en emploi que dans une décennie, d’autres le sont déjà depuis plusieurs années.
2024 est d’ailleurs un moment charnière pour le marché du travail, selon un rapport du site d’évaluation Glassdoor qui indique que les Z n’y sont désormais plus minoritaires. « Pour la première fois, les courbes démographiques des Z et des boomers se croisent. Leur prépondérance ne va que s’accroître, ils vont modeler le monde du travail au cours des prochaines années », souligne Annie Boilard, présidente et gestionnaire du Réseau Annie RH.
Des salaires compétitifs
Les employeurs ont donc tout intérêt à connaître le profil des employés de cette génération afin de leur offrir des conditions de travail alignées sur leurs aspirations. « Ce sont des gens qui désirent un équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle. Ils sont en quête de plaisir au travail, d’autonomie, d’équité et d’humanité dans la gestion, et ils ont soif d’apprendre », énumère l’entrepreneuse.
Elle ajoute qu’ils veulent également — et surtout — « des sous dans leur compte en banque ».
L’étude Jeunesse, menée par la firme de sondage Léger l’année dernière, corrobore l’importance que les Z canadiens accordent à la rémunération. Bien qu’ils soient plus enclins à rester dans leur emploi à court terme par rapport à 2021, « autant les Z que les millénariaux avancent le salaire comme le premier facteur qui va expliquer leur mobilité », indique Charlotte Fortin, directrice de recherche chez Léger et coresponsable de l’étude.
La conjoncture économique défavorable nourrit en effet les craintes de ces générations en ce qui concerne l’accès à la propriété, ce qui les encourage à plus de prudence en matière d’argent, souligne le rapport. « Il y a une crise d’avenir qui se fait davantage ressentir chez la génération Z que chez celle des millénariaux. Ils sont un peu plus inquiets des perspectives liées à l’environnement et au milieu financier, bien qu’ils aient moins de contraintes sur ce plan », précise Mme Fortin.
Les organisations doivent naviguer dans un contexte d’incertitude économique et toutes ne peuvent être aussi compétitives qu’elles le voudraient en matière de rémunération. Les employeurs disposent malgré tout de leviers qu’ils peuvent actionner afin de changer la donne auprès des collaborateurs Z, estiment les intervenantes.
Parmi ceux-ci, l’étude Léger met en avant quatre éléments particulièrement appréciés par les jeunes générations d’employés : la souplesse des horaires, les avantages sociaux, la sécurité d’emploi et le fait de travailler dans une entreprise honnête et transparente. « Le salaire demeure leur priorité, mais si un employeur parvient à offrir des conditions profitables en matière de vacances, d’avantages sociaux et d’horaire, cela peut faire pencher la balance en sa faveur. La flexibilité est vraiment le mot d’ordre », indique Mme Fortin.
Comment cela peut-il se traduire dans le secteur de l’enseignement ou de la santé ? Annie Boilard avance quelques idées. « Comme les Z sont très sensibles à la rémunération, il peut être intéressant de penser à une formule qui leur donnerait accès à des heures supplémentaires. Les infirmières y ont accès, les profs moins. Cela serait-il pertinent pour eux ? » se questionne l’entrepreneuse en évoquant les besoins de développement additionnels du côté des élèves.
L’encadrement par un gestionnaire disponible, offrant de la rétroaction et acceptant d’en recevoir, est un autre élément auquel les plus jeunes travailleurs se révèlent réceptifs. « Une personne avec une approche de coach qui les aide à s’épanouir », résume-t-elle.
Ainsi, Annie Boilard estime positive la perspective de libération d’enseignants mentors lorsque celle-ci a pu être dégagée dans les ententes de renouvellement des conventions collectives récemment conclues entre les syndicats et le gouvernement.
Si le travail à distance se prête mal à certaines professions, le mettre en place quand les circonstances le permettent reste un gain précieux en matière de flexibilité, souligne-t-elle.
Elle mentionne en exemple la possibilité de faire du télétravail lors des journées pédagogiques, obtenue à l’issue des négociations.
Chose certaine, la pénurie de main-d’oeuvre place les plus jeunes travailleurs en position de force, ce qui marquera inévitablement la culture organisationnelle des entreprises. « Le contexte actuel donne à cette génération un avantage qui vient significativement influencer les valeurs », rappelle Mme Boilard. Elle souligne la baisse des tabous liés à la santé mentale, le souci de l’environnement et le niveau de littératie technologique qui caractérisent les Z. Un dernier point qui s’amplifiera à coup sûr auprès des membres de la génération suivante, dite alpha, immergés depuis leur naissance dans le numérique.