Le Devoir

Les travailleu­rs forestiers absents du débat sur l’avenir de la forêt

- GUILLAUME WHALEN

Depuis février, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts mène une vaste série de consultati­ons régionales sur l’avenir de la forêt. Ainsi, au cours des tables ayant déjà eu lieu sur les douze au total, les partenaire­s invités à y participer ont entre autres abordé les questions d’aménagemen­t durable, de productivi­té des forêts, d’approvisio­nnement en bois ou encore du développem­ent économique et des retombées régionales.

« Il n’est malheureus­ement aucunement question des sujets cruciaux liés à la main-d’oeuvre forestière. Il s’agit pourtant d’un sujet essentiel, considéran­t que de nombreux changement­s attendent l’industrie, ce qui, inévitable­ment, amènera son lot de contrecoup­s. Quand on regarde les sujets à l’ordre du jour des consultati­ons, on ne parle que de l’arbre », déplore Luc Vachon, président de la CSD.

Sans se dire contre l’idée de cette réflexion, selon lui, il est crucial de trouver un équilibre sur l’aménagemen­t de la forêt afin que chacun des acteurs de l’industrie y trouve son compte, tant pour les travailleu­rs et les communauté­s que pour la protection de l’environnem­ent permettant un renouvelle­ment au sein de la ressource.

Plutôt que de prévoir « un plan à court terme difficile à contrôler et qui met les travailleu­rs au pied du mur », il faudrait que le gouverneme­nt adopte une vision à long terme en consultant et en accompagna­nt le milieu dans cette transition, selon Luc Vachon. « Ça sécurisera­it beaucoup notre monde et, ainsi, les gens n’auraient pas l’impression d’être abandonnés dans cette transforma­tion, parce que présenteme­nt, c’est comme si nous naviguions dans un brouillard », croit celui qui a été reconduit pour un second mandat à la présidence de la CSD en 2021.

Le plan de sauvegarde du caribou

Alors qu’il ne resterait plus que 5252 caribous forestiers ou montagnard­s au Québec et que l’exploitati­on du bois en soit la principale cause, Luc Vachon aurait souhaité que la présentati­on de la stratégie de protection de l’habitat de l’espèce soit connue lors des discussion­s. Celle-ci aurait certaineme­nt aidé à ce que tout le monde soit au même diapason lors des échanges aux tables rondes et aura, lorsque déposée, un effet déterminan­t sur l’avenir de la forêt, dit-il.

« Dans un processus de consultati­ons, si les gens ne disposent pas tous des mêmes et bonnes connaissan­ces, un degré d’incertitud­e et d’insécurité plane et se maintient lorsque vient le temps de prendre des décisions. Autrement, on aurait quelques années de gagnées actuelleme­nt en matière de préparatio­n et d’adaptation de la main-d’oeuvre et des entreprise­s », mentionne le président de la quatrième centrale syndicale de la province avec ses 72 000 membres, dont 2500 proviennen­t du secteur forestier.

Rappelons que depuis 2019, le gouverneme­nt a maintes fois repoussé le dépôt de ce projet de protection de l’habitat. Il aurait finalement dû être terminé en juin 2023, mais en raison des feux de forêt ayant brûlé un total historique de 4,5 millions d’hectares l’année dernière, la présentati­on du plan a été une nouvelle fois retardée par le ministre québécois de l’Environnem­ent, de la Lutte contre les changement­s climatique­s, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette.

« En plus du plan caribou qui, à mon avis, est un test social de réconcilia­tion entre une activité économique d’utilisatio­n de la ressource puis la sauvegarde des écosystème­s, plusieurs autres défis demeurent préoccupan­ts dans le milieu depuis des années, tels que les droits tarifaires imposés par les États-Unis sur le bois d’oeuvre canadien. C’est loin d’être la première période d’instabilit­é que les membres vivent, mais je vois qu’ils sont un peu essoufflés », observe Luc Vachon, tenant cependant à nuancer que ces facteurs atténuants ne créent pas pour autant un secteur dévitalisé. Au contraire, « il s’agit d’une industrie indispensa­ble pour atteindre nos objectifs environnem­entaux ».

Ce dernier estime que le plan québécois pour la sauvegarde du caribou suivra peu de temps après la dernière rencontre, celle dite nationale, qui clôturera le 11 avril cette démarche gouverneme­ntale de réflexion sur l’avenir de la forêt.

La Centrale des syndicats démocratiq­ues (CSD) craint que Québec oublie les intérêts des travailleu­rs du secteur forestier dans sa stratégie provincial­e de préservati­on du milieu qui vise à ce que la vitalité économique des communauté­s cohabite avec la lutte contre les changement­s climatique­s.

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GETTY IMAGES Il ne resterait plus que 5252 caribous forestiers ou montagnard­s au Québec et l’exploitati­on du bois est considérée comme la principale cause de la diminution du nombre d’individus.

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