Les travailleurs forestiers absents du débat sur l’avenir de la forêt
Depuis février, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts mène une vaste série de consultations régionales sur l’avenir de la forêt. Ainsi, au cours des tables ayant déjà eu lieu sur les douze au total, les partenaires invités à y participer ont entre autres abordé les questions d’aménagement durable, de productivité des forêts, d’approvisionnement en bois ou encore du développement économique et des retombées régionales.
« Il n’est malheureusement aucunement question des sujets cruciaux liés à la main-d’oeuvre forestière. Il s’agit pourtant d’un sujet essentiel, considérant que de nombreux changements attendent l’industrie, ce qui, inévitablement, amènera son lot de contrecoups. Quand on regarde les sujets à l’ordre du jour des consultations, on ne parle que de l’arbre », déplore Luc Vachon, président de la CSD.
Sans se dire contre l’idée de cette réflexion, selon lui, il est crucial de trouver un équilibre sur l’aménagement de la forêt afin que chacun des acteurs de l’industrie y trouve son compte, tant pour les travailleurs et les communautés que pour la protection de l’environnement permettant un renouvellement au sein de la ressource.
Plutôt que de prévoir « un plan à court terme difficile à contrôler et qui met les travailleurs au pied du mur », il faudrait que le gouvernement adopte une vision à long terme en consultant et en accompagnant le milieu dans cette transition, selon Luc Vachon. « Ça sécuriserait beaucoup notre monde et, ainsi, les gens n’auraient pas l’impression d’être abandonnés dans cette transformation, parce que présentement, c’est comme si nous naviguions dans un brouillard », croit celui qui a été reconduit pour un second mandat à la présidence de la CSD en 2021.
Le plan de sauvegarde du caribou
Alors qu’il ne resterait plus que 5252 caribous forestiers ou montagnards au Québec et que l’exploitation du bois en soit la principale cause, Luc Vachon aurait souhaité que la présentation de la stratégie de protection de l’habitat de l’espèce soit connue lors des discussions. Celle-ci aurait certainement aidé à ce que tout le monde soit au même diapason lors des échanges aux tables rondes et aura, lorsque déposée, un effet déterminant sur l’avenir de la forêt, dit-il.
« Dans un processus de consultations, si les gens ne disposent pas tous des mêmes et bonnes connaissances, un degré d’incertitude et d’insécurité plane et se maintient lorsque vient le temps de prendre des décisions. Autrement, on aurait quelques années de gagnées actuellement en matière de préparation et d’adaptation de la main-d’oeuvre et des entreprises », mentionne le président de la quatrième centrale syndicale de la province avec ses 72 000 membres, dont 2500 proviennent du secteur forestier.
Rappelons que depuis 2019, le gouvernement a maintes fois repoussé le dépôt de ce projet de protection de l’habitat. Il aurait finalement dû être terminé en juin 2023, mais en raison des feux de forêt ayant brûlé un total historique de 4,5 millions d’hectares l’année dernière, la présentation du plan a été une nouvelle fois retardée par le ministre québécois de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette.
« En plus du plan caribou qui, à mon avis, est un test social de réconciliation entre une activité économique d’utilisation de la ressource puis la sauvegarde des écosystèmes, plusieurs autres défis demeurent préoccupants dans le milieu depuis des années, tels que les droits tarifaires imposés par les États-Unis sur le bois d’oeuvre canadien. C’est loin d’être la première période d’instabilité que les membres vivent, mais je vois qu’ils sont un peu essoufflés », observe Luc Vachon, tenant cependant à nuancer que ces facteurs atténuants ne créent pas pour autant un secteur dévitalisé. Au contraire, « il s’agit d’une industrie indispensable pour atteindre nos objectifs environnementaux ».
Ce dernier estime que le plan québécois pour la sauvegarde du caribou suivra peu de temps après la dernière rencontre, celle dite nationale, qui clôturera le 11 avril cette démarche gouvernementale de réflexion sur l’avenir de la forêt.