Des gains importants, mais toujours un défi de main-d’oeuvre
Le syndicat actif dans le réseau de la santé, fort de 65 000 membres, a signé une entente de principe avec le gouvernement Legault pour sa nouvelle convention collective. Parmi les gains obtenus, des hausses salariales et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Des acquis essentiels, selon le président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau, alors que s’amorcent la réforme Dubé et la transition vers l’agence Santé Québec.
« Nous avons réussi à obtenir beaucoup de mesures pour nos techniciens professionnels, notamment le remboursement de 50 % de leurs cotisations à leur ordre professionnel, c’est historique », M. Comeau. Outre les hausses salariales de 17,4 % sur cinq ans, les primes de milieux de vie ainsi que pour les quarts dits défavorables (de nuit par exemple) ont été revues à la hausse. « La cinquième semaine de vacances sera aussi donnée après 19 ans de service au lieu de 25 ans », ajoute le président. Tout ça, ce sont des gains qui viennent « mettre un peu d’air » dans le réseau public de la santé, selon lui.
Et de l’air, il en fallait dans ce secteur en mal d’amour, où de nombreux avocats, psychologues, techniciens en imagerie médicale, nutritionnistes, éducateurs ou encore travailleurs sociaux doivent jongler avec des conditions de travail souvent difficiles. Près de 75 % des membres ont adhéré à cette entente de principe dont les textes devraient être mis sur papier et signés d’ici avril. « On a fait un pas très important avec le gouvernement, maintenant ça ne règle pas le problème de la pénurie de personnel », souligne Robert Comeau.
Attirer des jeunes, le nerf de la guerre
« Comment fait-on pour attirer des jeunes du secondaire à travailler dans le réseau public de la santé, on a de la misère à remplir nos cohortes, et c’est un problème qu’on va encore voir d’ici trois à cinq ans, mais il y a certainement un coup de barre à donner », estime le président du syndicat. C’est désormais là que l’APTS veut mettre ses efforts. « Il faut que le gouvernement aille faire du recrutement intensif. On n’a pas réglé la surcharge de travail et pour ça, ça prend du monde et un plan », rappelle-t-il. Il espère notamment voir des actions concrètes pour lutter contre les agences privées, qui engloutissent d’importants revenus qui pourraient être mis ailleurs, selon lui. « Le privé permet de combler des heures de travail, et c’est essentiel maintenant parce qu’on manque de monde, mais il faut savoir que ça coûte énormément d’argent que l’on pourrait utiliser pour créer des moyens supplémentaires pour attirer du monde, particulièrement en région », fait-il remarquer. Le gouvernement Legault s’est donné jusqu’à 2026 pour éliminer le recours aux agences privées. M. Comeau estime que pour se « sevrer » de ces agences, l’amélioration des conditions de travail, avec des horaires plus flexibles et de meilleurs salaires, va certainement aider.
Il veut d’ailleurs se concentrer sur un message positif à faire parvenir aux potentielles futures recrues. « On a réussi à obtenir que le temps supplémentaire soit payé à taux double et, surtout, l’autogestion des horaires va être quelque chose d’intéressant pour ceux qui veulent mieux concilier vie professionnelle et vie privée », pense-t-il. Une équipe de salariés du même titre d’emploi pourra ainsi gérer elle-même ses horaires de travail. « Le réseau était tellement rigide avec les quarts de travail. Maintenant, les gens vont pouvoir choisir plus ou moins leurs horaires en fonction de leur organisation de vie personnelle et en parlant entre eux », explique-t-il.
Les défis de la réforme Dubé
Robert Comeau le reconnaît, la réforme du ministre Dubé « jette beaucoup d’inquiétude pour les travailleurs du réseau ». Cette dernière prévoit la création de Santé Québec, une nouvelle société d’État qui deviendra l’employeur unique des 330 000 employés du réseau public de la santé et des services sociaux. L’objectif est notamment de réduire la bureaucratie et d’augmenter l’efficacité du réseau. Les défis à venir sont grands, mais la réforme va surtout bouleverser le milieu syndical, rappelle M. Comeau. Des 136 tables de négociations actuelles, il ne restera que six tables nationales. « C’est surtout de voir comment on va organiser localement les relations de travail. C’est la troisième centralisation qu’on vit en 20 ans et à chaque fois on réussit à éloigner davantage les centres de décision alors qu’on sait qu’il faut arranger les services au niveau local et régional, parce que ce n’est pas partout pareil », regrette-t-il.
La mise en application de tout cela ne sera pas facile, reconnaît le président du syndicat. Il se veut toutefois positif. « Il y aura une campagne de maraudage, sans doute en 2025, pour que les gens choisissent le syndicat qui les représente lors de la prochaine négociation, en 2028. Pour le moment, on discute encore avec le bureau du ministre, c’est un grand flou », admet-il. En attendant, il savoure cette petite victoire, une nouvelle convention collective qui va permettre, espère-t-il, de redonner de la motivation aux troupes. « Maintenant on va s’occuper de notre monde et on va aider les gens dans les changements à venir », promet-il, avant d’ajouter, dans un même souffle, « j’ai hâte de dire autre chose que ça va mal ».
« Maintenant, les gens vont pouvoir choisir plus ou moins leurs horaires en fonction de leur organisation de vie personnelle et en parlant entre eux »