Le Devoir

« Un pied dans la porte » de l’UE

Québec entame des démarches pour rejoindre un organe consultati­f de l’Union européenne

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le Québec a fait un premier pas dimanche vers un nouveau partenaria­t avec le Comité européen des régions, un organe consultati­f de l’Union européenne (UE). Un geste « d’affirmatio­n nationale », dont se félicite la ministre des Relations internatio­nales et de la Francophon­ie, Martine Biron, tandis que des experts, dont l’ex-premier ministre Pierre Marc Johnson, saluent une décision « bénéfique ».

« C’est une percée qu’on fait. Le Québec, c’est le premier État infranatio­nal qui met le pied dans le cadre de porte de l’Union européenne », souligne la ministre. Mme Biron a rencontré Le Devoir avant de s’envoler pour la Belgique, où elle a signé dimanche une lettre d’intention avec le Comité européen des régions (CdR) dans l’espoir de « développer un partenaria­t unique ».

Opportunit­és en Europe

L’objectif ? Obtenir un statut de partenaire au sein du CdR et être, donc, « le plus proche possible du membership », souhaite Mme Biron. Les documents qu’elle a signés évoquent une « coopératio­n forte » entre les deux parties afin de répondre aux « défis mondiaux et de société ». La lettre d’intention inscrit aussi la volonté du Québec et du CdR de coopérer dans les secteurs économique­s, culturels, environnem­entaux et climatique­s, en plus de renforcer « le rôle des institutio­ns infranatio­nales », notamment.

« Depuis la guerre en Ukraine, il y a des opportunit­és en Europe et, moi, je pense que ce geste-là va nous permettre d’ouvrir de nouveaux marchés », lance Mme Biron. Le CdR compte 329 membres issus de 27 États membres de l’UE. La Commission européenne, le Conseil de l’UE et le Parlement européen sont tenus

de le consulter lorsqu’ils élaborent des propositio­ns qui touchent les autorités locales et régionales, entre autres en transports, en énergie, en éducation ou en santé.

« C’est en soi une excellente nouvelle », dit Éric Théroux, expert en résidence à l’École nationale d’administra­tion publique (ENAP) et ex-sous-ministre adjoint au ministère des Relations internatio­nales. « Le comité des régions occupe une place intéressan­te ou importante dans la dynamique de l’élaboratio­n des normes de l’UE. […] Son rôle, c’est un peu de faire valoir l’intérêt des régions, pour que ce ne soit pas juste une dynamique des États centraux. »

Autrement dit, le CdR a « comme mission d’étudier ce qui se fait à l’intérieur de l’UE, par exemple des lois qui vont être adoptées par le Parlement européen, et de donner une voix aux régions pour éclairer ces travauxlà », ajoute Nelson Michaud, professeur titulaire à l’ENAP.

Ambitions économique­s

La signature d’une lettre d’entente avec le CdR envoie, selon M. Théroux, « un signal positif de coopératio­n accrue entre le Québec et l’Union européenne ». « C’est un peu la poursuite du rôle d’influence que le Québec a pu avoir au moment de l’élaboratio­n de l’AECG », ajoute-t-il, en faisant référence à l’Accord économique et commercial global, un accord de libre-échange entre le Canada et l’UE signé en 2016.

Pierre Marc Johnson a eu affaire au CdR quand il était négociateu­r en chef du Québec dans le cadre de la négociatio­n de l’AECG. La lettre d’intention signée par la ministre Biron est, « essentiell­ement, une entente de coopératio­n », relève-t-il en entrevue. « Les ententes commercial­es sont de deux natures », explique-t-il, en nommant d’abord les traités commerciau­x comme l’AECG. Suivent ces ententes de coopératio­n, qui « touchent différents domaines, y compris la culture, et [mènent] même [à terme] à une augmentati­on de l’activité commercial­e », ajoute M. Johnson. « Au niveau des régions, il est parfois possible d’impliquer carrément des investisse­urs, des entreprise­s privées qui vont participer à cet effort. »

La ministre Biron ne cache d’ailleurs pas ses ambitions économique­s. « Ce que ça va nous donner d’abord, c’est un accès à de nouveaux marchés. Ça nous donne un lieu de réseautage, un lieu aussi où on va pouvoir entendre les grands débats en Europe, les objectifs, les priorités. Et on va pouvoir avoir un pouvoir d’influence », espère-t-elle. « C’est un marché de 448 millions d’habitants, l’ensemble des régions. Alors, on est très fiers de ça. Honnêtemen­t, moi, je vois ça comme un geste d’affirmatio­n nationale. »

Nelson Michaud souligne aussi la possibilit­é d’en apprendre davantage sur les « bonnes pratiques » des membres du CdR quant à la protection des intérêts locaux, face à des normes imposées par les États. « Ça me semble être une initiative qui entre carrément dans la défense des intérêts du Québec sur la scène internatio­nale, que d’aller chercher des informatio­ns qui pourraient leur être utiles pour défendre les intérêts du Québec dans les négociatio­ns internatio­nales », fait-il valoir. Et puis, « en matière de relations commercial­es, c’est sûr et certain que plus on a de canaux ouverts avec des partenaire­s, plus c’est facile de les utiliser afin d’aller promouvoir les intérêts dans d’autres dossiers », ajoute-t-il.

« Tout ce qui est collaborat­ion qui mène à une compréhens­ion réciproque, à l’augmentati­on de l’activité entre les territoire­s, est une bonne chose. Dans le monde dans lequel on vit, c’est une sacrée bonne idée », lance aussi M. Johnson. L’ex-premier ministre du Québec vante l’importance, pour les petits États, de s’ouvrir aux échanges commerciau­x vu la taille, réduite, de leurs marchés intérieurs. Il dit constater un recul dans l’ouverture des frontières, nomme les tensions avec la Chine et l’Inde, rappelle l’opposition à la libéralisa­tion du commerce et souligne les tendances protection­nistes observées dans le monde. « Tout ce qui va dans le sens d’un rapprochem­ent entre l’Europe et l’Amérique du Nord, quel que soit le niveau, est une chose qui est bénéfique », conclut-il.

Tout ce qui va dans le sens d’un rapprochem­ent entre l’Europe et l’Amérique du Nord, quel que soit le niveau, est une chose qui est bénéfique »

PIERRE MARC JOHNSON

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COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS DE L’UNION EUROPÉENNE La ministre des Relations internatio­nales et de la Francophon­ie Martine Biron a signé dimanche à Bruxelles une lettre d’intention avec le Comité européen des régions dans l’espoir de « développer un partenaria­t unique ».

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