Le Devoir

Agnes Grossmann et Raffi Armenian, couple d’influence

Ces deux grands pédagogues ont nourri des génération­s de musiciens québécois

- CHRISTOPHE HUSS

Mardi à 19 h 30, la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal rendra hommage à deux musiciens, chefs d’orchestre et pédagogues qui ont eu une influence majeure sur notre vie musicale : Agnes Grossmann et Raffi Armenian.

C’est à Olivier Godin, directeur artistique de la salle Bourgie, que revient le mérite d’avoir pensé à ce salutaire hommage. Mariés depuis 1984, Agnes Grossmann et Raffi Armenian ont marqué l’un et l’autre la vie musicale québécoise au fil des fonctions occupées au sein ou à la tête d’institutio­ns musicales québécoise­s et canadienne­s, mais aussi par l’influence exercée sur de nombreux musiciens d’ici. Le chef d’orchestre Jean-Marie Zeitouni, les sopranos Kimy McLaren et Aline Kutan, les pianistes Michael McMahon, André Laplante et Olivier Godin, le violoniste Van Armenian, un quatuor issu de l’Orchestre Métropolit­ain et un ensemble du Conservato­ire de musique de Montréal se produiront mardi soir.

Héritage

« Cela fait longtemps que je pense à cette soirée, car Agnes et Raffi ont été importants dans ma vie comme dans celle de nombreux musiciens », confie Olivier Godin au Devoir. « Au Conservato­ire, lorsque j’étais étudiant, Raffi était le chef, et j’ai joué souvent sous sa direction. Agnes était à Orford lorsque j’ai commencé ma carrière. C’est avec elle que j’ai fait mes premiers pas à l’opéra et avec les chanteurs. Mais ce n’est pas un hommage personnel ; il est au nom de tous les musiciens de ma génération qui ont bénéficié de leurs conseils et de cet apport d’une tradition qui venait d’Europe. »

Le parcours d’Agnes Grossmann est impression­nant. Celle qui fut de 1986 à 1995 la directrice artistique de l’Orchestre Métropolit­ain, dont elle fonda le choeur en 1987, était arrivée au Canada en 1981 en tant que professeur­e invitée à l’Université d’Ottawa, dont elle dirigeait le choeur et l’orchestre. Elle était alors aussi directrice artistique de la Wiener Singakadem­ie (1983-1986), une fonction évoquant l’héritage de son père Ferdinand Grossmann (1887-1970), élève de Weingartne­r, professeur de chant et sommité parmi les chefs de choeurs. Ferdinand Grossmann fit des Petits Chanteurs de Vienne une institutio­n internatio­nalement reconnue. Agnes Grossmann sera d’ailleurs directrice artistique des Petits Chanteurs de Vienne entre 1996 et 1998. De son côté, Ferdinand Grossmann en tant que pédagogue eut une influence notable sur l’école du chant au Québec, car il forma Marie Daveluy, célèbre professeur­e de nombreux chanteurs et chanteuses, dont Marie-Nicole Lemieux et Karina Gauvin.

Agnes Grossmann, qui fêtera ses 80 ans dans un mois, a étudié le piano avec Bruno Seidlhofer à Vienne et Pierre Sancan à Paris. À la suite d’une blessure, elle se tourna vers la direction et suivit des études poussées au

Conservato­ire de Vienne. Outre son influence dans le développem­ent de l’Orchestre Métropolit­ain (elle fut l’une des premières directrice­s artistique­s féminines d’importance dans une profession quasi exclusivem­ent masculine à l’époque), Agnes Grossmann a notamment dirigé le Centre d’arts d’Orford de 1989 à 1995 et de 1999 à 2004. « Ce n’est pas un mal aujourd’hui de se retourner et de voir qu’on avait la chance à Montréal d’avoir une première femme cheffe d’orchestre avec un poste de directrice artistique. Nous étions des précurseur­s », constate Olivier Godin.

Le chef des chefs

Raffi Armenian, né en Égypte en 1942, a été formé à Vienne notamment par Bruno Seidlhofer, Hans Swarowsky et Ferdinand Grossmann. Prudent, il entrecoupa ses études musicales pour obtenir des diplômes en métallurgi­e à Londres, mais n’eut pas besoin de les faire valoir. Sa carrière musicale l’amènera rapidement à s’établir à Halifax (1969) à titre de chef d’orchestre adjoint de l’Orchestre symphoniqu­e de l’Atlantique. Il deviendra directeur musical de l’Orchestre de KitchenerW­aterloo, fonction occupée de 1971 à 1992. À l’opéra, il fut directeur musical du Festival de Stratford de 1973 à 1976 et de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, de 1985 à 1988.

Après son départ de l’Orchestre symphoniqu­e de Kitchener-Waterloo, Raffi Armenian se concentra notamment sur l’enseigneme­nt. De 1981 à 2013, il fut l’emblématiq­ue professeur de direction d’orchestre au Conservato­ire de musique de Montréal et à ce titre, professeur de Jacques Lacombe, JeanMarie Zeitouni et Stéphane Laforest, par exemple.

« La formation d’Agnes Grossmann et Raffi Armenian auprès de Hans Swarowsky et Karl Österreich­er, qui découlait elle-même de Richard Strauss et d’Arnold Schoenberg, c’est cette relation-là avec la musique, cette façon de faire la musique, dont nous avons pu bénéficier », résume Olivier Godin. « Il y a tout un bagage qui gravite autour d’eux et qui a eu une influence extraordin­aire sur les musiciens d’ici. »

Dans une salle qui ne permet pas de présenter du répertoire orchestral, Olivier Godin a d’abord « choisi des musiciens qui ont collaboré étroitemen­t avec Raffi et Agnes ; musiciens du Métropolit­ain, collaborat­eurs du Conservato­ire, anciens élèves de Raffi, comme Jean-Marie Zeitouni, mais aussi André Laplante, qui a enseigné des années à Orford et à Toronto avec Agnes, Michael McMahon, collaborat­eur de chanteurs avec qui Agnes a beaucoup travaillé, et Aline Kutan, une compatriot­e de Raffi ». Le répertoire sera germanique pour « souligner le legs de Raffi et Agnes ».

Tous les musiciens contactés ont dit « oui » instantané­ment, souligne l’organisate­ur de l’hommage, qui a concocté une soirée enrichie par des animations et des projection­s. Ce mardi soir, Olivier Godin le qualifie de « bonbon, pour montrer aussi que Mozart, Strauss, Schubert, Berg est un répertoire qui est dans nos coeurs grâce à eux ».

Hommage à Raffi Armenian et à Agnes Grossmann

Collaborat­ion de l’Orchestre Métropolit­ain et du Conservato­ire de musique de Montréal. Avec JeanMarie Zeitouni, Aline Kutan, Kimy McLaren, Van Armenian, Michael McMahon, André Laplante, Olivier Godin, Jean Marchand, Quatuor à cordes de l’Orchestre Métropolit­ain, Ensemble du Conservato­ire de musique de Montréal. À la salle Bourgie, le 19 mars, 19 h 30.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Agnes Grossmann et Raffi Armenian seront honorés par une pléthore d’artistes ce mardi à la salle Bourgie

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