Le Devoir

Glencore montré du doigt pour la concentrat­ion de nickel dans l’air

- SÉBASTIEN TANGUAY Avec François Carabin et Marie-Michèle Sioui

Le ministère de l’Environnem­ent désigne maintenant un coupable pour les dépassemen­ts répétés de la norme de nickel dans l’air de Limoilou : l’industriel Glencore, longtemps soupçonné, mais désormais nommé explicitem­ent une première fois par le gouverneme­nt.

Le ministère présentait mardi matin le bilan du programme de surveillan­ce accrue mis en place en avril 2022 dans la foulée de l’allégement controvers­é de la norme de nickel dans l’air. Les observatio­ns réalisées dans le cadre de ce plan de contrôle renforcé ont constaté qu’« une relation existe entre le cycle des navires accostés aux installati­ons de Glencore et les augmentati­ons de nickel retrouvées à la station Québec–Vieux-Limoilou ».

L’allégement du seuil de nickel dans l’air a fait passer la norme quotidienn­e de 14 ng/m3 à 70 ng/m3.

Malgré un standard cinq fois plus élevé qu’auparavant, les stations d’échantillo­nnage disposées à Québec ont relevé trois épisodes de dépassemen­t important entre le 17 décembre 2022 et le 6 janvier 2024. La concentrat­ion de nickel dans l’air de Limoilou oscillait alors entre 120 ng/m3 et 151 ng/m3.

Chaque fois, un vraquier du géant Glencore embarquait du nickel au port de Québec.

La cinquantai­ne d’inspection­s réalisées « au port de Québec et à proximité » par le ministère dans le cadre de son plan de contrôle ont permis de constater des manquement­s, dont 12 valaient l’attributio­n d’un avis de nonconform­ité. De ce nombre, un avis « est en lien avec le nickel » et 11 « portent sur différents manquement­s ayant peu d’impact sur l’environnem­ent », souligne le ministère de l’Environnem­ent.

Glencore a reçu un avis le 29 février dernier « pour ne pas avoir maintenu en bon état de fonctionne­ment et ne pas avoir utilisé de manière optimale un équipement permettant de réduire le rejet de contaminan­ts dans l’environnem­ent entre le 29 décembre 2022 et le 6 janvier 2023 », indique le ministère dans un communiqué.

« Ils n’ont pas le choix »

Devant ces constats, le gouverneme­nt a exigé des correction­s de Glencore pour diminuer les émissions de nickel dans l’air lors de ses activités de transborde­ment. « L’entreprise devra fournir, d’ici les prochaines semaines, un plan de mesures corrective­s visant à éviter que ce manquement se répète », note le ministère.

Le ministre de l’Environnem­ent, Benoît Charette, a salué le travail réalisé dans le cadre du programme de surveillan­ce et annoncé que celui-ci se poursuivra en 2024. « Il pourrait y avoir des amendes. Nous prendrons tous les recours nécessaire­s afin que nos lois et règlements soient respectés », a-t-il indiqué.

Le gouverneme­nt attend de voir le plan de Glencore avant de sanctionne­r l’entreprise. Si la réponse de l’industriel tarde à venir — ou si elle ne correspond pas aux attentes du ministère —, celui-ci pourrait délivrer rapidement un avis d’exécution pour imposer un échéancier à l’entreprise. « Nous avons tout un régime de contrôle qui permet des sanctions administra­tives. Si la réponse ne nous parvient pas assez rapidement et si elle est insatisfai­sante, on ne laissera pas passer des semaines et des mois. »

« Moi, ce qui attire mon attention, c’est que le ministre ne sévit pas », a déploré le député solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti. « Il donne des échéancier­s, des tapes sur les doigts, à une compagnie qui a fait 4,3 milliards de dollars l’année passée puis qui va pouvoir continuer de polluer sans contrainte financière. » Le député a rappelé qu’une étude du ministère a déjà établi dès 2013 que le nickel provenait du port de Québec. « Ça fait des années qu’on sait que c’est juste Glencore qui en transborde, a ajouté le député solidaire. Ça fait longtemps qu’on est rendus aux sanctions. »

« Glencore doit s’adapter, Glencore doit s’améliorer : ils n’ont pas le choix », a réagi le maire de Québec, Bruno Marchand. L’avis de non-conformité remis à l’entreprise « avait déjà ébranlé les colonnes du temple », selon lui. « Le ministère est prêt à aller plus loin, et c’est tant mieux », a aussi indiqué le maire.

La conseillèr­e municipale du district Limoilou, Jackie Smith, a rapidement crié victoire. « Le ministère pointe enfin du doigt les responsabl­es. Nous allons suivre de près les mesures que Glencore compte mettre en place pour corriger la situation et nous allons continuer de demander au ministère qu’il revienne aux normes antérieure­s de concentrat­ion de nickel dans l’air. »

Dans un courriel transmis le 1er mars au Devoir, Glencore insistait sur les investisse­ments consentis jusqu’à maintenant pour diminuer la présence de nickel engendrée par ses activités au port de Québec. « Notre engagement persistant en faveur de l’améliorati­on continue de guider nos efforts pour minimiser les émissions de particules , écrivait l’entreprise. Cela se traduit notamment par des investisse­ments qui totalisent à ce jour 60 millions de dollars. »

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FRANCIS VACHON ARCHIVES LE DEVOIR Le quartier Limoilou est exposé aux rejets de l’incinérate­ur à déchets, des industries, du port et de trois autoroutes.

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