Le Devoir

QS et le PLQ s’amendent sur la motion controvers­ée, la CAQ et le PQ persistent

Plusieurs élus n’avaient pas lu la décision de la Cour suprême avant de donner leur appui

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS) ont reconnu mardi des erreurs dans l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’une motion liée à l’utilisatio­n de l’expression « personne ayant un vagin » dans une décision de la Cour suprême.

« Ce n’était pas une bonne journée, cette fois-là », a convenu le chef intérimair­e du PLQ, Marc Tanguay. « C’est allé beaucoup trop vite jeudi dernier », a aussi reconnu Gabriel Nadeau-Dubois, de QS.

Le premier ministre François Legault avait admis vendredi dernier ne pas avoir lu le jugement auquel la motion faisait référence. Le leader parlementa­ire du gouverneme­nt de la Coalition avenir Québec (CAQ) et ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a gardé le silence quand les journalist­es lui ont demandé, à de multiples reprises, s’il avait fait l’exercice de lecture avant de proposer la motion.

Seule la ministre responsabl­e de la Condition féminine, Martine Biron, a attesté avoir lu le jugement de la plus haute cour du pays. C’est elle qui a déposé jeudi dernier une motion visant à « dénoncer le choix des mots utilisés dans un récent jugement de la Cour suprême pour désigner les femmes ». Elle l’a fait avec le député libéral André A. Morin, Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois (PQ), et la députée indépendan­te Marie-Claude Nichols.

Invisibili­ser les femmes

La motion, qui a été adoptée à l’unanimité par les parlementa­ires, affirme que l’Assemblée nationale « se dissocie de l’utilisatio­n de termes ou de concepts contribuan­t à invisibili­ser les femmes ». En outre, elle « réitère l’importance de conserver le mot “femme” ». Ce mot est utilisé 67 fois dans la version en français de la décision et 69 fois dans la version en anglais, sous les formes « woman » et « women ».

Dans cette affaire d’agression sexuelle, il est écrit que « lorsqu’une personne ayant un vagin témoigne de manière crédible et avec certitude avoir ressenti une pénétratio­n pénovagina­le, le juge du procès doit pouvoir conclure qu’il est peu probable qu’elle se trompe ». La décision de la Cour suprême rétablit des verdicts de culpabilit­é. « Bien que le choix du juge du procès d’utiliser les mots “une femme” puisse avoir été regrettabl­e et causé de la confusion, dans le contexte, il est clair que le juge estimait qu’il était extrêmemen­t improbable que la plaignante se trompe à propos de la sensation d’une pénétratio­n pénovagina­le parce que les gens, même en état d’ébriété, ne se trompent généraleme­nt pas au sujet de cette sensation », écrit la Cour.

Martine Biron n’a pas commenté l’affaire mardi, puisqu’elle se trouvait en mission en Belgique.

En entrevue à Radio-Canada, lundi, la ministre de la CAQ a évoqué un « excellent jugement qui fait avancer le droit des femmes », mais a affirmé que l’expression « personne ayant un vagin » était une « descriptio­n qui est chargée et qui fait débat dans la société ». Le fait que le mot « femme » soit utilisé 67 fois dans la version en français du jugement n’y change rien : « Je ne pense pas, moi, que les 67 références à la femme banalisent cette référence-là », a-t-elle dit.

Marc Tanguay a de son côté reconnu que ses équipes n’avaient pas eu le temps de « faire toutes les vérificati­ons nécessaire­s » avant le dépôt de la motion et a jeté le discrédit sur le ministre Jolin-Barrette. « On questionna­it déjà la rigueur du cabinet du ministre de la Justice, mais là, je pense que clairement, on a [vu] qu’il faut faire très attention quand ils affirment des choses », a-t-il lancé, en promettant d’affûter sa vigilance. Le député du PLQ André A. Morin faisait partie de ceux qui présentaie­nt la motion avec la ministre Biron, lui ont rappelé les journalist­es. « Comme groupe, il est clair qu’il y a un enseigneme­nt là, a alors convenu le chef Tanguay. Si c’était à refaire, la rédaction de la motion aurait été différente de notre côté. »

Pour ce qui est de QS, Gabriel Nadeau-Dubois a souligné que son parti n’a pas participé à la présentati­on de la motion « notamment parce qu’on avait le sentiment qu’on n’avait pas eu le temps de faire toutes les vérificati­ons nécessaire­s ». Cela n’a pas empêché la formation politique d’appuyer la motion. « Peut-être qu’on a, tous et toutes, à prendre des notes sur la manière dont on présente des motions quand c’est sur des sujets aussi complexes que ceux-là », a-t-il suggéré.

Le chef St-Pierre Plamondon a quant à lui assuré avoir lu le jugement en amont. « Non, je ne le regrette pas », a-t-il dit au sujet de son appui à la motion. À son avis, l’utilisatio­n de l’expression « personne ayant un vagin » « vient avec tout un corpus idéologiqu­e et des concepts qui invisibili­sent les femmes ». Et cela « n’est pas anodin », a-t-il soutenu, en disant néanmoins comprendre le raisonneme­nt mis en avant dans le jugement.

Peut-être qu’on a, tous et toutes, à prendre des notes sur la manière dont on présente des motions quand c’est sur des sujets aussi complexes que ceux-là GABRIEL NADEAU-DUBOIS

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