Hong Kong durcit son arsenal répressif
La nouvelle loi sur la sécurité prévoit la prison à vie pour des crimes comme la trahison et l’insurrection
L’Organisation des Nations unies s’est dite mardi « profondément troublée » par les ambiguïtés d’un texte adopté selon elle dans une « précipitation » alarmante
Le Parlement local de Hong Kong a voté unanimement mardi une nouvelle loi sur la sécurité nationale qui prévoit la prison à perpétuité pour des infractions telles que la trahison et l’insurrection, ce qui suscite l’inquiétude en Occident.
« Ce jour est un moment historique pour Hong Kong », a déclaré le dirigeant du territoire, John Lee, précisant que la loi entrerait en vigueur le 23 mars.
Le texte adopté par le Conseil législatif vient compléter la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020 après les grandes manifestations tenues l’année précédente en faveur de la démocratie à Hong Kong.
La nouvelle loi énumère cinq catégories d’infraction, en plus de celles punies par le texte de 2020 : la trahison, l’insurrection, l’espionnage et le vol de secrets d’État, le sabotage mettant en péril la sécurité nationale, la sédition et l’« interférence extérieure ».
Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union européenne ainsi que les milieux d’affaires et les défenseurs des droits de la personne s’étaient inquiétés d’une loi qui va restreindre encore davantage les libertés à Hong Kong et avaient demandé aux législateurs de prendre plus de temps pour en examiner l’impact.
Mais le Conseil législatif de Hong Kong, qui ne comprend pas de représentant de l’opposition, a débattu du texte de façon accélérée et ses 89 membresont approuvé la loi, appelée « article 23 », à l’unanimité.
L’Organisation des Nations unies s’est dite mardi « profondément troublée » par les ambiguïtés d’un texte adopté selon elle dans une « précipitation » alarmante.
Le haut-commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, a mis en exergue, dans un communiqué, des dispositions vagues qui « pourraient conduire à la criminalisation d’un large éventail de comportements protégés par le droit international ».
Londres a dénoncé un texte qui « portera encore davantage atteinte aux droits et libertés dans la ville ». « Il sape la mise en oeuvre par Hong Kong de ses obligations internationales contraignantes », a souligné le chef de la diplomatie britannique, David Cameron.
Le Bureau national de la sécurité de Hong Kong, géré par Pékin, a de son côté assuré qu’un « nombre extrêmement faible de personnes » risquait d’être condamné au titre de cet article 23.
Près de 300 personnes ont jusqu’à présent été arrêtées à Hong Kong au titre de la loi sur la sécurité nationale, et des dizaines de responsables politiques, de militants et d’autres personnalités publiques ont été emprisonnés ou contraints à l’exil.
« Un verrou » contre les menaces extérieures
Selon M. Lee, cette nouvelle législation était nécessaire pour combler les lacunes laissées par la loi de 2020.
Il a également cité à plusieurs reprises la « responsabilité constitutionnelle » de Hong Kong de voter cette loi, comme l’exige selon lui la Loi fondamentale, la mini-Constitution qui régit l’île depuis sa rétrocession par la Grande-Bretagne à la Chine en 1997.
La loi « permettra à Hong Kong de prévenir, d’interdire et de punir efficacement les activités d’espionnage, les complots et les pièges mis en place par les services de renseignement étrangers, l’infiltration et le sabotage menés par des forces hostiles », a déclaré M. Lee mardi.
La nouvelle législation permettra également de « prévenir efficacement la violence […] et les révolutions de couleur », a-t-il dit, en référence aux manifestations prodémocratie de masse qui ont débuté en 2019.
Le responsable, sanctionné par les États-Unis pour sa gestion des manifestations en tant que chef de la sécurité, a qualifié la loi de « verrou efficace », au moment où les autorités cherchent à lutter contre les « menaces des forces extérieures et du terrorisme local ».
Le texte prévoit des peines allant jusqu’à la prison à vie pour le sabotage mettant en danger la sécurité nationale, la trahison et l’insurrection, 20 ans pour espionnage et sabotage et 14 ans pour « interférence extérieure ».
La loi élargit également la définition du crime de « sédition », datant de l’époque coloniale britannique, pour y inclure l’incitation à la haine contre les dirigeants communistes chinois, avec une peine aggravée pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.
Comme la législation précédente de 2020, certaines infractions commises en dehors de Hong Kong relèveront de sa compétence. Lors de la rétrocession de 1997, Hong Kong s’était vu garantir certaines libertés, ainsi qu’une autonomie judiciaire et législative, pendant 50 ans, dans le cadre d’un accord intitulé « Un pays, deux systèmes ».
Cet accord avait permis de renforcer le statut de centre financier mondial de la ville grâce à un système judiciaire fiable et à des libertés politiques distinctes de celles du reste de la Chine.
Le nouveau texte met fin à une grande partie des garanties juridiques dont bénéficiait Hong Kong, afin de s’aligner sur la législation de Chine continentale.