Un printemps qui sent déjà l’été
Le Vieux-Port de Montréal accueillera le « festival des festivals » du 22 au 24 mars
Le Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants (REFRAIN) profite de l’arrivée du printemps pour annoncer, déjà, la saison estivale. Le REFRAIN organise ce week-end au Vieux-Port de Montréal Le grand éphémère, rassemblement inédit de festivals de partout au Québec servant d’abord à illustrer la multitude d’offres culturelles (conte, musique, arts du cirque, cinéma, etc.) proposées par ces événements, puis à lancer une vaste campagne promotionnelle pour les quelque 110 festivals membres du regroupement. Ariane Moffatt, Kanen, Super Plage et le conteur madelinot Gilles Lapierre seront de la fête, malgré les nuages qui planent sur la tête de l’industrie festivalière.
Patrick Kearney, directeur général du REFRAIN, tient à rendre à César ce qui lui revient : l’idée de créer à Montréal une sorte de « festival des festivals, une fin de semaine durant laquelle chaque événement a son moment », est celle de Fred Poulin, cofondateur et directeur général du jeune festival de musique La Noce, à Saguenay, qui dévoilera sous peu l’affiche de sa sixième édition.
« Mais on ne voulait pas faire un salon des festivals, une sorte d’événement où le public vient se magasiner un festival d’été », poursuit Kearney, également à la tête du Santa Teresa (du 9 au 12 mai, à Sainte-Thérèse). « On voulait plutôt un événement qui regroupe une diversité d’artistes et de pratiques artistiques — art en direct, lecture de contes, burlesque, musique classique ou pop, etc. — représentant bien ce qu’est le REFRAIN », un regroupement né au printemps 2020 avec l’objectif d’être « la voix qui porte les aspirations des festivals régionaux artistiques indépendants et qui démontre leur apport essentiel à la vitalité du Québec ».
Le public qui assistera (gratuitement) aux performances à l’affiche du Grand Éphémère « reconnaîtra des moments propres à chaque festival invité. Il pourra aussi se renseigner sur ces événements — mais pas en visitant des kiosques qui distribuent des dépliants ! » explique-t-il. Car Le grand éphémère est en réalité le coup d’envoi d’une campagne promotionnelle mise sur pied par le REFRAIN, qui bénéficie pour l’effort d’aides financières de la part des ministères de la Culture et des Communications et du Tourisme.
L’événement « sert à faire la promotion de la plateforme du REFRAIN, à partir de laquelle le public peut découvrir des festivals en effectuant des recherches par date, par discipline artistique, par région, etc., résume le directeur général. On a même créé des parcours de festivals, car ces événements sont aussi une belle manière de découvrir le Québec ». Par la même occasion, le regroupement tiendra la plus importante réunion de son histoire : « Sur 110 festivals membres, près de 70 enverront des représentants à Montréal ce week-end. Même le Festival international Contes en Îles, des Îles-de-la-Madeleine [du 29 septembre au 6 octobre 2024], y sera ! Depuis la fondation du REFRAIN, on a toujours fait nos réunions sur Zoom ; Le grand éphémère sera l’occasion d’une belle grande rencontre comme on n’en a jamais vécu auparavant. »
Nuages noirs
L’occasion, aussi, de discuter des problèmes qui fragilisent l’écosystème festivalier au Québec ; l’impact de l’inflation sur les coûts de production des événements ainsi que la limite aux aides financières (étatiques, commanditaires, philanthropiques) seront sans doute à l’ordre du jour, surtout après le choc de l’annulation du festival Juste pour rire.
Patrick Kearney garde la tête froide, estimant d’abord que la faillite du groupe Juste pour rire n’est sans doute pas attribuable aux activités mêmes du festival qu’il organisait en juillet à Montréal. « Je ne pense pas qu’on assistera à l’effondrement de
On voulait plutôt un événement qui regroupe une diversité d’artistes et de pratiques artistiques représentant bien ce qu’est le REFRAIN »
PATRICK KEARNEY
l’écosystème des festivals d’été suite à l’annulation de Juste pour rire », dit-il, rappelant justement que cet écosystème vit aussi « de la présence de MUTEK, du Festival international des films sur l’art, du festival Art souterrain, entre autres. Le milieu est riche de tout ça, et c’est ce qui rend Montréal unique — pas seulement les amuseurs publics dans les rues pendant Juste pour rire. »
Le récent dépôt du budget provincial n’a pas satisfait le milieu des festivals et, plus globalement, de la diffusion du spectacle vivant. « Nous sommes déçus, mais en même temps, peu de ministères, hormis ceux de l’Éducation et de la Santé, ont remporté le pactole, dit Patrick Kearney, lucide. Il faut aussi souligner qu’il n’y a quand même pas eu de coupes majeures. Je pense que le défi, pour nous actuellement, c’est que les aides supplémentaires introduites pendant la pandémie ont été abolies », plaçant plusieurs organisations dans une position précaire. « De là l’importance de s’assurer que l’argent soit bien dépensé et priorisé, et ça, c’est la job du gouvernement de le faire. » Les yeux sont maintenant tournés vers le gouvernement fédéral, qui déposera son propre budget le 16 avril prochain, dans l’espoir qu’il réponde aux inquiétudes du milieu.
« Au moins, les organisateurs de festivals abordent la nouvelle saison encouragés par la réponse du public, qui participe en grand nombre aux événements, se rassure Patrick Kearney. Les festivals n’ont jamais été aussi populaires, la vente de billets va super bien. L’enjeu, dans l’immédiat, réside dans certains programmes de subventions et dans l’incertitude économique. »