Le Devoir

Morte à l’urgence après avoir attendu 17 heures sans être vue par un médecin

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a reconnu jeudi qu’il reste « beaucoup d’améliorati­ons » à faire au Centre hospitalie­r de Lanaudière, où une femme de 73 ans est morte le 12 août dernier aux urgences, après y avoir attendu 17 heures sans être vue un médecin.

C’est dans ce même établissem­ent, couramment appelé l’hôpital de Joliette, qu’est décédée en septembre 2020 Joyce Echaquan dans un climat de désorganis­ation et de surcharge de travail aux urgences, notamment.

« Le problème, c’est que les meilleures pratiques ne sont pas suivies partout. À Joliette, ça semble être le cas. [On] était là avec [Mme] Echaquan il y a quelques années, et on a encore des enjeux », a déclaré le ministre Dubé lorsqu’intercepté dans les couloirs de l’Assemblée nationale.

Le Journal de Montréal a fait état jeudi d’un rapport du coroner André Cantin sur le décès de France Boisclair. La femme de 73 ans s’est présentée aux urgences du Centre hospitalie­r de Lanaudière vers 14 h 55, le vendredi 11 août 2023, en raison de pertes de connaissan­ce (syncopes), d’étourdisse­ments et de maux de tête importants. Elle est morte à 9 h 20 le lendemain matin, après avoir fait une rupture d’anévrisme dans la salle des toilettes de l’urgence.

France Boisclair a été vue à trois reprises par des infirmière­s au triage, qui lui ont tour à tour donné un « code 4 » de priorité. Ce code est attribué aux personnes n’ayant pas besoin d’une prise en charge immédiate.

« Mme Boisclair n’a été vue par aucun médecin entre 15 h 38 le 11 août et 8 h 20 le 12 août, soit une période de 17 heures, alors que sa pression artérielle prise par une infirmière au triage à 15 h 38 était mesurée à 218/78, ce qui est un niveau très élevé de pression artérielle », écrit le M. Cantin dans son rapport daté du 27 janvier dernier.

Le CISSS de Lanaudière, dont relève l’hôpital, a dit reconnaîtr­e « le sérieux de la situation ». « Dès que l’événement est survenu, nous avons procédé à une analyse de celui-ci et mis en place diverses mesures afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise », a fait savoir la porteparol­e Véronick Talbot. Le CISSS a notamment dit former davantage d’infirmière­s au triage.

Le ministre Dubé préoccupé

Dans son rapport, le coroner souligne qu’il n’est « pas dans son mandat d’examiner la compétence ou la conduite » des personnes ayant prodigué des soins. « Je ne peux savoir si les symptômes et les signes que présentait Mme Boisclair ont été bien pris en considérat­ion ni si on a pensé qu’ils pouvaient être compatible­s avec d’autres conditions pouvant représente­r un danger pour sa santé ou sa vie », note-t-il néanmoins. Le coroner ajoute qu’il se « questionne » pour comprendre si l’approche des profession­nels de la santé était « adéquate, notamment eu égard au code de priorité établi, aux vérificati­ons de l’état de l’usager et au délai de prise en charge de l’usager ».

« Ça me préoccupe beaucoup. J’ai lu en diagonale le rapport. C’est vraiment une question de triage, où on dit : “Est-ce qu’on a pris la bonne décision ?” » a noté de son côté le ministre de la Santé.

Comme le coroner, il a souligné le fait que l’hôpital a produit un « plan d’améliorati­on ». À Joliette, « je pense qu’il reste encore beaucoup d’améliorati­ons », à apporter, a cependant souligné M. Dubé, après avoir fait état de problèmes persistant­s depuis la mort de Mme Echaquan.

Pour rappel, Joyce Echaquan avait été placée à l’urgence de Joliette sous les soins d’une candidate à l’exercice de la profession infirmière (CEPI) qui avait « un peu moins de quatre mois d’expérience » et cinq patients à charge ; dix au moment de la pause du dîner de sa collègue.

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