Les détenues ont droit à la dignité
L’article 25 de la Charte des droits et libertés du Québec indique que toute personne détenue doit être traitée avec humanité. Où est l’humanité, quand on s’adresse à une détenue dans un langage grossier, quand on use à son égard de gestes d’intimidation, quand on la bouscule pour qu’elle avance plus vite vers sa cellule, quand on ne respecte pas sa médication, quand on lui offre une eau brunâtre et contaminée au plomb, quand la mauvaise nourriture fait bondir son taux de cholestérol, quand l’air qu’elle respire est vicié, quand les rats se promènent dans les couloirs et les cellules ?
L’article 25 dit aussi que la personne détenue doit être traitée avec respect. Où est le respect, quand une détenue gèle dans sa cellule par manque de chauffage, quand sa couchette est infestée de punaises de lit, quand des vers se promènent sur le plancher de la douche, quand les lieux sont infestés de mouches parce que les moustiquaires sont défoncées, quand on se sent sale parce que les serviettes hygiéniques sont fournies au compte-goutte, quand on a les bronches qui piquent en raison de la moisissure, de la saleté, de la poussière, quand les toilettes défectueuses débordent fréquemment, au point de donner la nausée ?
Que la prison prive de liberté, cela va de soi. Qu’elle prive de dignité, cela est inacceptable. L’article 25 doit cesser d’être ignoré, car cette ignorance entraîne le suicide de détenues au sein de cette prison pour femmes située à Laval, juste au nord de Montréal. En effet, le 8 avril 2016, le 29 juin 2017, le 23 septembre 2017, le 5 novembre 2019, le 2 mai 2021 et le 21 novembre 2023, des détenues ont mis fin à leurs jours. Entre février 2016 et août 2022, 15 tentatives de suicide sont attestées.
En France, pour comparer avec la prison Leclerc, on compte, entre 2016 et 2023, cinq suicides de femmes détenues dans cinq prisons différentes, alors que les six suicides de femmes incarcérées au Québec ont eu lieu à la seule prison Leclerc. Comment expliquer autant de suicides dans une seule prison, soit six en sept ans ? Parce qu’on fait en sorte d’avilir les femmes qui y sont emprisonnées, au point d’anéantir tout ce qui leur reste en propre : leur dignité. En somme, la prison Leclerc est un lieu où la Charte québécoise des droits et libertés ne s’applique pas.
La culture de cet établissement ne répare pas des vies, elle les brise. Ce qui s’y passe n’intéresse pas le gouvernement du Québec. Parce que ce sont des femmes. Hélène Laplante et Nora Allag, au nom du Comité Leclerc du Centre des femmes de Laval et de la Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec Le 19 mars 2024