Le Devoir

Antihéros policier en roue libre

Avec Dernière nuit à Milan, Andrea Di Stefano accumule les clichés du suspense policier, mais donne au genre une saveur italienne rafraîchis­sante

- OLIVIER DU RUISSEAU LE DEVOIR

En 35 ans de loyaux services à la police de Milan, Franco Amore ne s’est jamais servi de son arme à feu. Scrupuleux et bienveilla­nt, il a toujours été, de l’avis de ses collègues, un modèle de vertu. Il mène une vie des plus ordinaires avec sa femme, Viviana. Mais, bien sûr, tout bascule lors d’une fête que cette dernière lui organise pour sa retraite. Il est appelé sur une scène de crime : son collègue Dino a été retrouvé mort, mais il le sait déjà.

Le cinéaste Andrea Di Stefano multiplie les clichés du thriller psychologi­que policier, tant sur le plan de la forme que sur celui de la trame narrative, dans ce récit archétypal d’antihéros qui mène une double vie. Déconstruc­tion chronologi­que, dilatation du temps lors des scènes d’action, caméra à l’épaule furtive, éclairage néon contrastan­t, tout y est.

On se surprend néanmoins à embarquer dans cette propositio­n maintes fois éprouvée, mais savamment renouvelée, dans le décor inusité qu’est la capitale lombarde. Le montage rapide et la non-linéarité de la narration génèrent tout le suspense qu’on attend de ce type de récit. En outre, les talents de metteur en scène d’Andrea Di Stefano culminent dans une longue scène d’action où, 45 minutes après le début du film, on comprend enfin comment est mort l’acolyte du protagonis­te.

Insatisfai­t de son maigre salaire de policier, Franco a accepté un contrat de chauffeur pour la mafia chinoise. Il convoie, avec son partenaire, un couple transporta­nt des diamants de contreband­e. Tout à coup, le groupe se fait contrôler par la police. Dino meurt dans l’altercatio­n, ainsi que la policière qui les arrête, tandis que Franco s’en sort, de peine et de misère. Lorsqu’on le rappelle sur la scène de crime, il doit feindre la surprise. Les effets de ralenti et la musique dramatique de la séquence ne réinventen­t pas la roue, mais se révèlent particuliè­rement efficaces.

Nostalgie cinéphile

La trame sonore contribue également au caractère typiquemen­t italien du récit, entre des synthétise­urs qui rappellent l’italo disco et de la musique plus traditionn­elle

La trame sonore contribue également au caractère typiquemen­t italien du récit, entre des synthétise­urs qui rappellent l’italo disco et de la musique plus traditionn­elle. La ville de Milan est aussi mise au premier plan, et ce, dès le générique d’ouverture, avec ses longues prises de vue aériennes nocturnes de la métropole. Tournées à l’aide d’une caméra 35 mm, à bord d’un hélicoptèr­e, elles témoignent de l’ambition remarquabl­e du réalisateu­r.

Andrea Di Stefano a même tenu à ne pas utiliser d’effets spéciaux et à tourner ses scènes d’action en extérieur, notamment sur une véritable autoroute. Certes, cette approche leur confère un certain réalisme, malgré quelques artifices à l’éclairage — tout le film est d’ailleurs voilé de teintes jaunâtres douteuses. Mais au-delà du fétichisme de la pellicule et de la nostalgie cinéphile, elle n’est pas nécessaire­ment justifiée par le récit en soi.

Le réalisateu­r, qui tourne aux ÉtatsUnis depuis quelques années (Paradise Lost, The Informer), rend quand même un bel hommage aux films policiers américains tout en célébrant ses origines. On a déjà connu des déclinaiso­ns plus originales, mais à quoi bon lui reprocher trop sévèrement de suivre une recette à la lettre lorsque celle-ci est aussi bien exécutée ?

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PHOTOS LORIS T. ZAMBELLI En haut, Pierfrance­sco Favino dans le rôle de Franco Amore et, en bas, Francesco Di Leva dans celui de DIno
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