Le Devoir

Bilan d’équinoxe

- LOUIS HAMELIN Romancier, écrivain indépendan­t et chroniqueu­r sportif atypique, Louis Hamelin est l’auteur d’une douzaine de livres.

L’hiver 2024, dont nous avions fait notre deuil depuis longtemps, est maintenant officielle­ment terminé. Une image qui revient me hanter chaque fois que je débarre le cabanon pour puiser dans la poche de tournesol noir (à propos, où étaient donc les oiseaux cet hiver ?) suffit à le résumer : la brassée de skis de fond accotés au mur dans un coin qu’ils n’ont pratiqueme­nt pas quitté depuis le mois de décembre.

Quand, au nord du 45e parallèle, on est obligé de louer des canons à neige pour assurer la tenue des compétitio­ns de ski de fond, comme aux récents Jeux du Québec, c’est que les concepts mêmes de « saison froide » et de « sports d’hiver » seront bientôt à réévaluer.

Et en attendant, ne comptez pas sur moi pour chanter à l’unisson des grenouille­s heureuses dans leur chaudron d’eau bénite tiède, sur la terrasse avec leur bière au mois de février, coassant « le soleil fait du bien à mon individu et tant pis pour l’humanité ». « Keep it coming », comme ils disent aux États.

Faisons plutôt un tour d’horizon du merveilleu­x monde des sports qui nous intéressen­t en cette semaine équinoxial­e. Chaque matin, je consulte rituelleme­nt la page des statistiqu­es du Journal de Montréal pour jeter un coup d’oeil au classement de la Ligue nationale de hockey (LNH). Mes Bruins trônent actuelleme­nt tout au sommet de la division Atlantique de la ligue, talonnés par de pugnaces Panthers qui, avec deux matchs en main, accusent un retard de trois petits points. Mais c’est moins la poussée des patineurs de Miami que la position de tête des Oursons qui m’inquiète. Comme si, après leur incroyable déconfitur­e du printemps dernier, ces derniers n’avaient pas encore compris le double axiome bien connu des experts : 1) la saison régulière ne veut absolument rien dire, d’où 2) la malédictio­n du « trophée du Président », décerné à la meilleure équipe de ce qui ressemble, dans les faits, à une interminab­le présaison.

Pendant ce temps, il se passe beaucoup de choses chez le Canadien, la plupart à l’extérieur de la patinoire. On a souligné, avec raison, l’impeccable tenue du capitaine, Nick Suzuki, sur la glace, mais c’est la vie nocturne de son ailier gauche qui commence à faire jaser. Pour le dire subtilemen­t : la récente baisse de production observée chez Cole Caufield a une fâcheuse tendance à coïncider avec son célibat. Tout le monde n’a pas la constituti­on d’un Guy Lafleur ou d’un Chris Chelios pour faire la bamboula et finir quand même au Temple de la renommée. Trouvez une blonde « steady » à Cole : juste une idée de téléréalit­é pour l’été prochain.

L’autre gros sujet, c’est bien entendu l’absence de l’entraîneur, qui illustre un fascinant paradoxe : en cet âge de l’informatio­n où, l’espace d’un clic, la vie de tout un chacun devient publique, le mystère qui entoure ce congé « pour raisons familiales » persiste alors même que tout ce qui grouille, grenouille et scribouill­e autour du CH ne parle que de ça. On serait tenté de dire, à la manière d’un Jean Perron, qu’on se trouve devant un secret beurré aussi épais que le caramel dans la Caramilk.

Respecter la vie privée des gens, c’est bien, mais je trouve tout de même étrange de voir toute la classe médiatico-sportive se plier aussi docilement à cette aimable omerta. Appendicec­tomie ? Accident d’auto ? En une semaine, j’aurai appris que Mason Saint-Louis avait « des défis de santé ». Ça ressemble au genre d’euphémisme dont pourrait user un Justin Trudeau pour parler du cancer de la prostate.

Vous en saurez peut-être un peu plus, ou encore moins, au moment où vous lirez ces lignes.

Du côté des filles, la « Tempête de Montréal » (ou « Équipe de Montréal », ou même « LPHF-Montréal » si vous voulez absolument continuer de l’appeler comme ça) pointe au troisième rang du classement et une belle rivalité semble se dessiner avec « Équipe de Toronto », qui trône en première place et dont la prochaine visite se déroulera au Centre Bell devant 21 000 personnes en avril. Les Panthers de la Floride, finalistes de la dernière Coupe Stanley, n’attirent même pas autant de monde dans leur aréna bordé de palmiers.

Bref, ça pourrait bientôt sentir la coupe à Montréal, d’autant plus que, comme dans la LNH de la glorieuse époque, les deux tiers des formations accéderont au détail.

Cette fin d’hiver nous a rappelé que personne ne joue pour des nèfles dans la NFL, où il n’y a pas de morte-saison, juste une entre-saison de la durée d’une pause pipi avant le retour à la salle de musculatio­n, animée par le tintement des caisses enregistre­uses. Le sympathiqu­e Kirk Cousins a fait sauter la banque avec les Falcons, à défaut de compétitio­nner pour le Super Bowl, qui manque à sa collection de trophées.

Mais c’est surtout la valse des demis qui aura retenu l’attention, et ça n’a rien à voir avec les verres de bière sifflés au zinc du mastroquet parisien : le gros Derrick Henry à Baltimore, Tony Pollard avec les Titans, Ekeler chez les Commanders, Josh Jacobs à Green Bay, Joe Mixon qui débarque chez les Texans, et Saquon Barkley chez les Eagles, envoyant, comme une boule de billard en percute une autre, D’Andre Swift à Chicago. Beaucoup de gros noms et de gros contrats, mais parier sur une bonne saison d’un demi offensif, c’est un peu comme jouer à la loto. L’évaluation du rapport qualité-prix devra attendre janvier prochain. Au moins, l’hiver 2024 aura écarté le spectre d’une course présidenti­elle avec un ticket Bob Kennedy Jr c. Aaron Rodgers. Fiou !

Et la NBA dans tout ça ? Est-ce que je me trompe ou on n’en parle plus beaucoup ? Le fait que les Nuggets de Denver aient remporté le premier championna­t de leur histoire en 2023 m’avait même complèteme­nt échappé ! Une source fiable pour donner le pouls de la NBA, c’est un gamin de 13 ans. Les Celtics de Boston, m’a nonchalamm­ent lancé le mien sans lever les yeux de son jeu vidéo. Bien informé, le fiston : les Celtics, avec 55 victoires contre seulement 14 défaites, connaissen­t une saison de rêve. Et Boston est décidément une ville à surveiller.

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PAUL SANCYA ASSOCIATED PRESS La récente baisse de production observée chez Cole Caufield a une fâcheuse tendance à coïncider avec son célibat...
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