Anatomie d’une femme en temps de guerre
Guerre, nom féminin : Lutte armée entre États. Du moins, c’est ce qu’en pense le Larousse. Son champ lexical inclut destruction, domination et diplomatie. On y imagine des hommes en uniforme, des bombes et beaucoup de poussière.
C’est l’homme, fier et protecteur, qui répond à l’appel de sa patrie : la guerre est fondamentalement masculine. Qu’en est-il du sort des femmes en période de conflit armé ?
Alors que l’homme va au champ de bataille, la femme, elle, est un champ de bataille. Son corps, en temps de guerre, devient un lieu où la violence s’installe confortablement.
Inspirée par la lettre de Luc Picard adressée à un jeune Palestinien, je propose : lettre pour une femme palestinienne. Pour une femme qui est née, qui a grandi et qui mourra en temps de guerre. J’écris pour une fille, une mère, une grand-mère palestinienne. Pour ces piliers de la société qui, à Gaza, s’effondrent les uns après les autres.
Les inégalités de genre sont cousues si solidement dans le tissu social qu’elles ont tendance à disparaître lorsque celui-ci est en feu. Pourtant, les apparences sont trompeuses : la guerre exacerbe les violences et les inégalités envers les femmes.
Les livres d’histoire nous montrent que les hommes subissent les conséquences immédiates de la guerre : blessures au combat et décès. Les femmes, elles, sont affectées pendant l’armistice ; elles souffrent de la détérioration de leur environnement, des services publics et de leur communauté.
L’exception qui confirme la règle : la bande de Gaza. Depuis le 7 octobre 2023, les femmes et filles palestiniennes sont les victimes les plus importantes des attaques d’Israël et de l’inaction du monde entier. Selon ONU Femmes, l’agence des Nations unies pour la défense des droits des femmes, plus de 70 % des décès confirmés à Gaza dans les 162 derniers jours sont des femmes et des enfants. C’est sans compter les corps qui n’ont pas encore été retrouvés.
Le Fonds des Nations unies pour la population estime qu’environ 5500 Palestiniennes donneront naissance d’ici à la fin mars. Sans eau. Sans anesthésie. Sans électricité. Et sans famille. C’est sans compter les 45 000 autres femmes enceintes qui n’auront certainement pas accès à de meilleurs services, au vu de l’allure à laquelle progresse le conflit.
La précarité de la santé sexuelle et reproductive dans la bande de Gaza ne s’arrête pas là. Fausses couches, mort-nés, mortalité maternelle. C’est la réalité des futures mères gazaouies : deux mères meurent toutes les heures à Gaza.
La malnutrition, la déshydratation et l’insalubrité font partie du quotidien des Palestiniennes. Selon
Médecins sans frontières, les pénuries alimentaires et le manque d’eau vulnérabilisent ces femmes. Elles ne peuvent plus se nourrir adéquatement, ne produisent plus de lait maternel, n’ont plus accès à des produits d’hygiène menstruelle et vivent dans des conditions d’hygiène désastreuses.
Près d’un million de femmes et de filles ont été expatriées. Plusieurs sont désormais veuves ou orphelines et doivent concilier leur deuil au fardeau de leurs nouvelles responsabilités pour subvenir aux besoins de leur famille.
Le 12 mars dernier, la ministre Joly a annoncé qu’elle croyait les femmes palestiniennes victimes de violences sexuelles. Pourtant, l’engagement canadien reste flou. Dix jours après la Journée internationale des droits de la femme : quand est-ce qu’on agencera réellement les paroles aux actions ?
L’anatomie d’une Palestinienne en 2024 ? Elle représente sa nation. Elle est déshumanisée, violée, assassinée. Mais elle est aussi courageuse, résiliente et pleine d’ambitions. Aujourd’hui, j’écris pour ces femmes palestiniennes à qui on apprend : kouni qawiyya.
Sois forte, car personne ne le sera pour toi.
Le Fonds des Nations unies pour la population estime qu’environ 5500 Palestiniennes donneront naissance d’ici à la fin mars. Sans eau. Sans anesthésie. Sans électricité.
Et sans famille.