Le Devoir

Le tour du monde sans prendre l’avion

Parcourir la planète sans prendre l’avion ? C’est le tour de force que tente de faire Lucas Piazza, qui allie vélo, auto-stop, traversier, et même… voilier-stop pour accomplir cet exploit.

- LEÏLA JOLIN-DAHEL COLLABORAT­ION SPÉCIALE Pour suivre le tour du monde de Lucas Piazza, alias Billy Bobby Back : instagram.com/billy_bobby_back youtube.com/@BillyBobby­Back

D’aussi loin qu’il se souvienne, celui qui répond au surnom de Billy Bobby Back sur les réseaux sociaux a toujours aimé découvrir de nouvelles contrées. « Depuis mon adolescenc­e, je n’arrête pas de voyager, raconte-t-il. À 25 ans, j’ai économisé de l’argent et je me suis dit “ça y est, il faut que je parte faire un tour du monde”. Sinon, je vais le regretter quand je serai trop vieux. »

Mais sa visite de la planète n’a rien d’ordinaire puisqu’il a exclu l’avion de ses façons de se déplacer. Par souci d’écologie, mais également par désir de sortir des sentiers battus. « J’ai envie de voir si c’est possible de faire un tour du monde sans prendre l’avion. C’est un défi pour moi », confie le Belge de 27 ans. Cette manière de procéder lui permet ainsi de faire connaissan­ce avec toutes sortes de gens au fil des paysages. « Je trouve ça bien mieux que de prendre un avion, où tu ne rencontres personne », confie-t-il.

Depuis, il a parcouru plus d’une dizaine de pays. « J’ai commencé en Sicile, par Palerme. Je voulais voir ma grand-mère avant de partir. Je lui ai fait un dernier coucou et je me suis déplacé autour de l’île et dans le sud de l’Italie en auto-stop », se remémore-t-il. Il a ensuite pris un traversier pour l’Albanie et a visité le Monténégro, la Croatie et la Slovénie à vélo. Son père l’a rejoint en voiture aménagée dans le sud de la France et il a décidé de remonter sur deux roues pour sillonner l’Espagne. Un traversier plus tard, Lucas Piazza a foulé les terres du Maroc, qu’il a parcouru en auto-stop.

« Faire du pouce » en bateau

C’est aux îles Canaries qu’il a découvert les rudiments du bateau-stop. Mais trouver une embarcatio­n qui accepterai­t de le faire grimper à bord n’a pas été facile, comme il ne possédait aucune expérience en voile. « Les gens ne voulaient pas me prendre parce qu’ils avaient peur que j’aie le mal de mer », raconte-t-il.

Il souligne l’importance d’être entouré d’habitués. « J’ai eu une première propositio­n, mais je ne suis pas monté. Il n’y avait rien au niveau de la sécurité. Pas un seul gilet de sauvetage, pas de radio. S’il y a un problème au milieu de l’océan, tu te retrouves dans la merde… », prévient-il.

Un capitaine expériment­é a finalement accepté de le prendre sous son aile pour se rendre au Cap-Vert avant d’entamer une traversée transatlan­tique de 15 jours en voilier vers Trinitéet-Tobago. Ils sont ensuite remontés vers la Martinique, en passant par les petites îles des Antilles.

Durant son voyage, Lucas Piazza a ainsi pu apprendre les rudiments de la voile. « J’ignorais ce que voulait dire “affaler” (faire descendre un cordage ou une voile), j’étais incapable de faire un noeud, je ne savais rien faire du tout. Après, si tu n’y connais rien, tu peux le faire quand même. Ça dépend de ton capitaine, selon la passion et l’envie qu’il emploie à te former », dit-il. Au début, c’est assez difficile parce qu’il faut que ton corps s’habitue et prenne le rythme. J’étais très fatigué durant les trois premiers jours. »

La mer réserve également parfois des surprises, selon la direction du vent et le type de voile installée. « On a fait un départ au lof. Ça, c’est quand la voile va presque toucher l’eau. J’ai paniqué : “Il va couler, le bateau, ou quoi ?” Après, on a calmé le jeu et ça s’est bien passé », raconte-t-il.

Une traversée transatlan­tique nécessite néanmoins quelques aptitudes manuelles : les personnes à bord doivent pouvoir effectuer des réparation­s en cours de route. « Des problèmes sur un voilier, il y en a tellement. Par exemple, un gars avait pété son mât. Tu peux briser ta barre, aussi. Nous, on a cassé plein de trucs », dit-il. Il a également pu compter sur les conseils de son capitaine pour apprendre les rudiments de la couture et rapiécer une voile afin de continuer à naviguer.

« Ce que je trouve trop beau, c’est quand [...] la mer est lisse et plate. Avec le coucher de soleil qui se reflète dans l’eau, on a l’impression d’être dans un autre univers. »

Le youtubeur en herbe s’est donné un autre défi, celui de vivre avec un maximum de 10 euros (environ 15 $CA) par jour. « Moins je dépense, plus je vais loin ! s’exclame-t-il. Et je n’ai pas besoin du confort que beaucoup de personnes recherchen­t. »

Et ça revient cher de voyager en voilier ? Selon Lucas Piazza, certains capitaines facturent parfois un tarif quotidien pour une place à bord. Mais lui a eu la chance de n’avoir qu’à partager les coûts de la nourriture nécessaire à la traversée. « En plus j’ai beaucoup appris. C’était un genre de stage de voile intensif de deux mois, gratis. C’est génial », se réjouit celui qui s’en est sorti pour l’instant avec environ 500 euros (731 dollars) pour fouler les sols de trois continents.

Des paysages uniques

Tortues d’un mètre de diamètre, dauphins, paysages féeriques… Au sujet de sa traversée, Lucas Piazza ne manque pas d’anecdotes. Après trois nuits sans lune où le devant du bateau n’était pas visible, le panorama s’est transformé du tout au tout. « La lune éclairait vraiment tout. On avait l’impression qu’il faisait jour, alors qu’il faisait nuit. Et quand tu vois la Voie lactée, c’est magnifique », dit-il avec autant d’étoiles dans les yeux.

« Et ce que je trouve trop beau, c’est quand il y a pétole. C’est lorsqu’il n’y a pas de vent ni de vagues. La mer est lisse et plate. Avec le coucher de soleil qui se reflète dans l’eau, on a l’impression d’être dans un autre univers », décrit-il.

Posé en Martinique pour quelques mois avant de reprendre le large, il souhaite plus tard remonter vers le Panama afin de mettre le cap sur les pays du Pacifique. « Mais j’aimerais bien faire l’Amérique latine, les ÉtatsUnis et le Canada au préalable », avance-t-il.

Le globe-trotter prévoit passer entre cinq et dix ans à réaliser son tour du monde. « En bateau, c’est du slow travel, on doit avoir le temps. À un moment donné, je ne savais plus quel jour on était. Il faut le vivre pour s’en rendre compte. Et je trouve que c’est un super moyen de voyager. »

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PHOTOS LUCAS PIAZZA Lucas Piazza, alias Billy Bobby Back, à Kotor, au Monténégro
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Durant sa traversée transatlan­tique en voilier-stop, l’aventurier a pu apprendre les rudiments de la voile.
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Au large du Cap-Vert

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