L’inaction du gouvernement Legault décriée
Le budget Girard n’a présenté aucune nouvelle mesure pour développer le logement social et stimuler les mises en chantier. Selon des acteurs du secteur de l’habitation, la gravité de la situation appelait pourtant à donner un vrai coup d’accélérateur face à une crise qui ne cesse, chaque jour, de prendre de l’ampleur.
Annoncé pour l’automne dernier, puis remis à plus tard, par la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, le plan d’action gouvernementale tant espéré risque de se faire attendre encore un moment. Le budget présenté par le ministre des Finances Eric Girard pour 2024-2025 n’apporte aucune véritable solution nouvelle pour redresser au plus vite la barre, estime le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Alors que le temps presse, le cabinet de François Legault ne semble toujours pas avoir inscrit la crise du logement dans ses priorités, observe-t-il.
« Il n’y a absolument rien dans ce budget pour financer un programme ambitieux. C’est un peu le signal, à notre avis, que ce plan d’action est relégué aux oubliettes », déplore Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. « Le gouvernement du Québec n’a toujours pas de programme dédié au logement social qui fonctionne en 2024. C’est désolant. C’est ce qui manque aujourd’hui pour accélérer la cadence. »
Espoir déçu
Le gouvernement Legault s’est arrêté à ce qui avait déjà été annoncé lors de la mise à jour économique de novembre. À savoir la construction, dans les quatre prochaines années, de 8000 logements sociaux et abordables à la suite de l’entente conclue entre Québec et Ottawa pour débloquer des fonds de 1,8 milliard. Or, selon le FRAPRU, le retard accumulé exigeait certainement de fournir encore de nouveaux efforts, plutôt que de se contenter de ce rattrapage.
« On assiste à un effritement du parc de logements locatifs encore abordables. Dans ce contexte, comme plusieurs, on espérait qu’il y ait enfin dans le budget un objectif clair de développement du logement social sur plusieurs années », réagit Mme Laflamme. « Malheureusement, on a l’impression qu’on fait du surplace. Depuis l’arrivée de la CAQ au pouvoir, on prévoit au compte-gouttes, budget après budget, de nouveaux logements sociaux et abordables. C’est extrêmement inquiétant. »
Le ministre Girard s’est défendu en expliquant vouloir faire plutôt de « l’aide directe », avec un investissement total de 483 millions de dollars pour favoriser l’accès au logement. Ce montant inscrit au budget 20242025 inclut un peu plus de 200 millions de dollars pour poursuivre le programme Allocation-logement, bonifié en 2022 au terme d’une autre entente avec Ottawa. Si elle est toujours la bienvenue, cette aide financière paraît néanmoins bien insuffisante pour contrer les effets de la crise, croit le FRAPRU.
« Vu le contexte actuel, ça aide à peine à absorber l’effet de la hausse des loyers », constate Véronique Laflamme. « Ce n’est pas une mesure qui permet de lutter contre l’appauvrissement des ménages locataires, d’autant plus qu’en amont le gouvernement n’agit toujours pas pour empêcher l’explosion des loyers. Il manque des mesures structurantes pour s’assurer qu’on offre une autre solution à tous ces ménages exclus par le marché privé, qui sont de plus en plus nombreux. »
La question des mises en chantier
Le budget ne présente par ailleurs aucune mesure pour relancer les mises en chantier. Selon les estimations de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), ce sont 860 000 habitations qui pourraient manquer au Québec d’ici 2030. Pour espérer résorber la crise, il faudrait lancer la construction d’au moins 150 000 logements par année.
L’an dernier, on atteignait à peine le chiffre de 39 000. « Il faudrait tripler le rythme des mises en chantier », appuie Paul Cardinal, directeur du service économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), qui regrette qu’on ne propose rien pour stimuler la construction de logements privés, comme le maintien de la taxe de vente du Québec (TVQ) sur les habitations locatives neuves.
« Le ministre a très vite fermé la porte sur l’abolition de la TVQ. Ça aiderait pourtant à rentabiliser les nouveaux immeubles en permettant aux promoteurs de réduire leur mise de fonds », soutient M. Cardinal. « Il y a des projets actuellement qui ne lèvent pas de terre parce que la rentabilité n’est pas possible. On ne dit pas que cette suppression réglerait tous les problèmes. Mais cela permettrait à certains de ces projets d’aller de l’avant, et cela donnerait certainement un coup de main. »
« Il manque des mesures structurantes pour s’assurer qu’on offre une autre solution à tous ces ménages exclus par le marché privé, qui sont de plus en plus nombreux »