Repenser le droit à un logement suffisant
La crise du logement est un casse-tête pour les dirigeants canadiens. Dans son plus récent rapport Co-créer le droit à un logement suffisant au Canada, le Conseil national du logement lance des pistes et recommandations de ce qui doit être fait, sur le terrain. À commencer par définir ce qu’est ce droit au logement adéquat et comment élaborer une approche qui soit fondée sur les droits de la personne.
Les bases du logement adéquat sont l’abordabilité, l’accessibilité et l’habitabilité. Quatre murs et un toit, oui, mais « pas que ». « Le droit fondamental, c’est de vivre dans un logement qui soit sécuritaire, dans la paix et la dignité », rappelle John Harvey, président du groupe de travail sur la réalisation progressive du droit à un logement suffisant au
Conseil national du logement. À cela s’ajoutent certains éléments, comme la durabilité, c’est-à-dire des logements à émissions faibles ou nulles et construits avec des matériaux durables qui protègent en cas de caprices de mère Nature. Les logements doivent aussi être situés à proximité de services essentiels pour faire des courses et recevoir des soins de santé, au besoin. Toutes les installations nécessaires doivent également être en place dans ledit logement, comme l’accès à l’eau et au chauffage. « Il y aussi l’adéquation culturelle », ajoute M. Harvey. Cela veut dire que les résidents du logement peuvent y exprimer leur identité culturelle. Ils doivent, bien sûr, être en sécurité contre des expulsions forcées, des hausses démesurées de loyer et toute forme de menace.
Ces critères de ce qu’est un logement suffisant sont connus, mais dès lors qu’on aborde le droit à ce logement, la notion devient plus floue, fait remarquer John Harvey. Selon lui, c’est toute une façon d’appréhender ce droit qui doit changer au Canada. « Nous sommes confrontés au même problème depuis une vingtaine d’années, et la crise du logement n’est pas arrivée du jour au lendemain. Il est temps de changer notre façon de penser au sujet du logement et de le considérer comme un droit humain », insiste-t-il.
Vers un langage commun
« Quand nous avons fait les consultations pour le rapport, nous avons parlé avec un large éventail de personnes, environ 200 partout au Canada, certaines ayant une expérience vécue, mais aussi des spécialistes du logement et de l’immobilier, des représentants du gouvernement et d’organismes communautaires », précise John Harvey. D’entrée de jeu, une question a été soulevée : comment définir le droit à un logement adéquat ? « Ce qui est très clair, c’est qu’il n’y a pas de compréhension commune de ce que signifie ce droit », souligne-t-il. La première étape consiste donc à établir un langage et une compréhension communs.
Le gouvernement du Canada s’est engagé en 2019 à travers sa Loi sur la stratégie nationale sur le logement à faire du droit au logement un droit fondamental de la personne, tel que reconnu également par les Nations unies. « On doit comprendre les obligations du Canada en matière de logement, notamment en tant que pays signataire de pactes internationaux qui définissent les standards du logement suffisant, cela peut donner une idée des normes que le pays devrait chercher à respecter », suggère M. Harvey.
Une approche fondée sur la personne
La deuxième étape pour créer un logement suffisant au Canada réside dans la création d’une approche fondée sur les droits de la personne, explique John Harvey. « La question est la suivante : est-ce que cela signifie que tout le monde a un logement ? Est-ce que si je me plains de ne pas en avoir, cela signifie que le gouvernement est obligé de me fournir un logement ? Cela ne veut pas dire cela », tranche-t-il. M. Harvey précise qu’il s’agit plutôt de démontrer que tous les efforts sont déployés au maximum des ressources disponibles pour garantir que les droits au logement sont respectés au Canada. Il y a là toute une notion de mesure des résultats.
C’est la troisième étape pour créer ce droit au logement suffisant. « Il faut créer des mesures de responsabilisation qui ne seront plus axées sur l’individu, mais sur le système. La précarité de l’accès au logement n’est plus la faute de l’individu, mais bien un problème systémique », présente John Harvey. Ce transfert de responsabilité est essentiel selon lui, car cela permet de réduire les effets de stigmatisation d’une partie de la population. Il ajoute que la notion de responsabilisation est aussi primordiale pour voir des améliorations et quantifier les résultats. « Il faut un système de responsabilité qui comprend des mesures et des paramètres pour vérifier si on atteint les résultats escomptés, si nous nous sommes conformés ou non à la législation et à nos accords nationaux et internationaux », dit-il.
Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement doit creuser davantage pour savoir quels types de logements sont nécessaires, estime l’expert. « De combien d’unités de haute densité avons-nous besoin? D’unités unifamiliales ? De combien de logements adaptés à des populations spécifiques comme les Autochtones, les étudiants… ? » énumère-t-il. Selon lui, ce droit au logement suffisant se mettra en place progressivement une fois que les mentalités d’approche auront changé.
« Il est temps de changer notre façon de penser au sujet du logement et de le considérer comme un droit humain »