Le Devoir

Une année difficile pour les acheteurs à l’horizon

- GABRIELLE ANCTIL

Pensez-vous acheter ou vendre une propriété en 2024 ? Les années pandémique­s ont mis à mal le marché immobilier au pays, et les choses ne sont pas sur le point de se calmer, à en croire les experts de la question. À quoi s’attendre pour l’année à venir ? Coup d’oeil dans la boule de cristal de l’habitation.

« En 2024, il restera seulement six ans pour combler le besoin de près d’un million de logements au Québec », rappelle d’entrée de jeu Marc Lefrançois, courtier immobilier chez Royal LePage, faisant ainsi référence aux calculs de la Société canadienne d’hypothèque­s et de logement (SCHL). Pour lui, ce déficit aura un effet majeur sur le marché immobilier de la province dans les prochaines années. Même son de cloche du côté de l’Associatio­n canadienne de l’immeuble (ACI) : « Plus on augmentera rapidement l’inventaire, plus vite on atteindra une situation équilibrée entre l’offre et la demande et une diminution de la pression sur les prix », confirme Pierre Leduc, responsabl­e des relations médias.

Ce constat placera les vendeurs dans une position avantageus­e en 2024 — sauf s’ils sont eux-mêmes à la recherche d’un nouveau logement. « Quand on vend notre maison, on se trouve dans la même situation que tout le monde, constate Pierre Leduc. On a de la difficulté à trouver une maison qui réponde à nos besoins. »

Tout de même, un petit espoir pointe à l’horizon pour les familles en quête d’un plus grand logement : la population vieillissa­nte. « Beaucoup de baby-boomers n’ont pas déménagé pendant la pandémie parce qu’ils voulaient conserver leur espace, observe M. Lefrançois. C’était moins populaire d’aller en condo. Maintenant que c’est derrière nous, il pourrait y avoir un retour du nombre d’inscriptio­ns. »

Intérêts à la baisse

Les deux experts s’entendent par ailleurs sur la venue prochaine d’une baisse des taux d’intérêt, attendue pour l’été, ce qui entraînera une augmentati­on du nombre d’acheteurs potentiels — et des prix à la hausse. « Les acheteurs retournent tranquille­ment vers le marché, remarque le courtier immobilier. Le phénomène va s’amplifier à l’approche de la diminution des taux. » Son collègue de l’ACI relève d’ailleurs qu’un nombre élevé d’acheteurs ont choisi une hypothèque à taux variable dans les derniers mois, pariant sur une diminution prochaine du taux directeur. « D’autres se disent que s’il y a une baisse, elle ne sera pas si grande que ça, donc aussi bien prendre une chance et entrer dans le marché. »

Pour l’instant, ces facteurs combinés donnent un léger avantage aux acheteurs. « Il y a encore des propriétés qu’il est possible de bien négocier parce qu’elles sont inscrites depuis longtemps, relève Marc Lefrançois.

Mais ça va changer rapidement en 2024. J’ai déjà vu la réappariti­on des offres multiples. On ne voyait plus du tout ça en 2023 ! » L’ACI observe le même phénomène à Toronto, la Ville Reine servant de baromètre pour l’ensemble du pays.

Bref : « On n’est pas du tout revenu au marché qui existait avant la pandémie, explique Pierre Leduc. Pas au niveau de l’abordabili­té ni au niveau d’un marché équilibré. » Dans les circonstan­ces, il y a peu de chances que cet équilibre soit atteint dans les prochaines années.

Pas de répit pour les acheteurs

Quel sera l’effet de ces pressions sur le monde de l’habitation au sens large ? « Il y a beaucoup d’acheteurs potentiels dans le marché locatif, note le représenta­nt de l’ACI. Le manque d’offres ne leur permet pas de sortir du marché, ce qui fait pression sur les loyers. » Avec le coût de la vie élevé que les consommate­urs ont enduré dans les dernières années, ces mêmes locataires devront peut-être attendre encore pour se lancer dans le marché immobilier. « Certains acheteurs potentiels vont mettre leur décision sur pause pour cumuler une meilleure mise de fonds, finir de payer la voiture ou mettre la carte de crédit à zéro avant de se lancer. »

Les acheteurs qui décident de faire le saut devront par ailleurs faire des sacrifices, estime Marc Lefrançois. « Il faudra mettre une croix sur son quartier de rêve, trouver un autre type de logement, être créatif. Les plus jeunes devront mettre beaucoup plus d’argent sur leur propriété que quand j’avais leur âge. »

Le marché immobilier de 2024 sera dur pour ceux en quête d’une propriété. « Si j’étais acheteur, je me dépêcherai­s », conseille Marc Lefrançois. Pour les vendeurs, sa recommanda­tion est plutôt d’attendre : « Quand un vendeur vient me voir maintenant, je lui dis de patienter jusqu’à début avril avant de mettre sur le marché. » Une chose est claire : l’accalmie des derniers mois est sur le point de prendre fin.

« Il y a encore des propriétés qu’il est possible de bien négocier parce qu’elles sont inscrites depuis longtemps. Mais ça va changer rapidement en 2024. »

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VALÉRIAN MAZATAUD ARCHIVES LE DEVOIR Les vendeurs sont dans une position avantageus­e en 2024 — sauf s’ils sont eux-mêmes à la recherche d’un nouveau logement.

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