Montréal planche sur un gros chantier routier dans l’est de la ville
L’un des deux scénarios envisagés détruirait une partie d’un des derniers milieux naturels de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve
La Ville de Montréal planche sur un important chantier routier dans le secteur Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, dont un scénario qui détruirait en partie un des derniers milieux naturels du secteur. Des citoyens inquiets de l’ajout de nuisances dans leur quartier s’opposent à la construction de nouvelles rues, alors que les plans élaborés par l’administration de Valérie Plante prévoient une hausse du camionnage.
Montréal a dévoilé mardi les plans de la « vision d’aménagement sectoriel » du secteur Assomption-Souligny, en prévision d’une présentation en soirée aux citoyens de Mercier–HochelagaMaisonneuve.
Deux principaux scénarios sont à l’étude pour ce secteur où plusieurs résidents se sont mobilisés depuis quelques années contre les projets d’empiètement routier sur le boisé Steinberg, ainsi que contre le projet de transport et de transbordement de conteneurs Ray-Mont Logistiques (RML).
Un des scénarios confirme les informations publiées récemment dans Le Devoir, à savoir que le chantier routier comprendrait un prolongement du boulevard de l’Assomption, empiétant ainsi sur le boisé Steinberg, avec une voie de sortie en demi-cercle qui permettrait de rallier l’avenue Souligny. Selon les calculs de la Ville, une superficie estimée à 13 % de cet espace vert serait donc détruite et 50 arbres devraient être déplacés, dans la mesure du possible, a-t-on précisé mardi. En revanche, a-t-on assuré, un millier d’arbres seraient plantés dans le secteur. Ce scénario permettrait aussi de décloisonner le quartier situé au nord de l’avenue Souligny, ajoute la Ville.
Un autre scénario prévoit la création d’un nouveau tronçon routier partant de la rue Notre-Dame et longeant la portion est du terrain de RML, pour rallier ensuite l’avenue Souligny. Cette option pourrait aussi canaliser le camionnage sortant du Port de Montréal, alors que la Ville anticipe une augmentation de cette circulation industrielle dans le secteur.
Dans les deux cas, il est probable que le nouveau développement routier nécessiterait la construction de viaducs permettant de rallier l’avenue Souligny, selon les plans présentés. Ces infrastructures seraient donc situées aux limites du boisé Steinberg. Ces viaducs pourraient être nécessaires afin de composer avec les voies ferrées des trains qui arriveront sur le site de RML, chargés de conteneurs.
« Maquillage vert »
En plus de ces nouvelles infrastructures routières, la Ville pourrait revoir la rue Dickson entre les rues Hochelaga et Notre-Dame. Celle-ci serait interrompue au transit routier à la hauteur de l’avenue Souligny.
La « vision » dévoilée mardi prévoit en outre l’ajout d’une « coulée verte » sur une portion de terrain située à l’ouest du terrain de RML, afin de lier le boisé Steinberg et le boisé Vimont, situé plus au sud. Un « corridor de mobilité durable Hochelaga » serait aussi prévu sur Hochelaga. En tout, trois pistes cyclables seraient aménagées dans les axes est-ouest.
« Notre objectif, c’est de circonscrire le camionnage, de sécuriser les milieux de vie, les quartiers, et évidemment de s’assurer qu’on bonifie le verdissement dans un quartier qui en a bien besoin », a commenté mardi la responsable du transport et de la mobilité au comité exécutif de la Ville, Sophie Mauzerolle.
Les citoyens du secteur qui s’opposent aux ajouts routiers ont déjà fait valoir qu’ils n’accepteraient pas de « maquillage vert du projet » pour justifier la construction de nouveaux tronçons de rue, qui viendraient selon eux aggraver les nuisances liées à l’implantation de projet industriel RML.
Avant même la présentation publique du projet, mardi soir, le regroupement citoyen Mobilisation 6600 Parcnature MHM a critiqué la teneur des principaux scénarios qui seront dévoilés. « La cohabitation entre industries et résidences, rendue difficile par l’expansion toujours croissante du Port de Montréal, commande de ne pas ajouter d’infrastructures qui favorisent une telle expansion », a fait valoir sa co-porteparole, Cassandre Charbonneau-Jobin. « Même si la Ville décide de préserver des espaces verts, nous n’accepterons pas que l’autoroute Souligny entre plus profondément dans le quartier pour se rapprocher de nos résidences. »
Sophie Mauzerolle soutient que la Ville compte se mettre « en mode écoute » pour entendre les préoccupations des citoyens des différents quartiers avoisinants.
« On n’a pas de scénario préférentiel à ce stade-ci », a-t-elle dit. « Les citoyens demeurent les experts de leurs quartiers. Ça va évidemment avoir une incidence sur notre choix. » La présentation des options de développement routier de mardi sera suivie de discussions au cours des prochains mois avant de statuer sur le plan final.
« Nuisances »
Un document de la Ville de Montréal désigné comme étant « confidentiel » et obtenu par Le Devoir avait par ailleurs pris acte des nuisances potentielles liées à un projet déjà en cours, RML, qui est implanté aux limites d’un quartier résidentiel. « L’arrivée de RML dans le secteur induira un achalandage ferroviaire jamais vu dans le secteur depuis les années de la Canadian Steel Foundries », une entreprise qui occupait le même site jusqu’en 2004, peut-on y lire.
« Cette activité causera inévitablement des nuisances au secteur avoisinant », souligne ainsi le document, en évoquant le passage de 100 wagons par jour, ce qui occasionnera « des nuisances multiples [bruit, poussières, pollution lumineuse] ».
Le gouvernement Legault a autorisé en 2022 une première phase, qui permet l’entreposage de 5000 conteneurs sur le site ainsi que le transit de 1500 camions chaque jour.
Malgré les demandes répétées des résidents d’Hochelaga-Maisonneuve, le gouvernement Legault a refusé à plusieurs reprises que soit réalisée une évaluation environnementale de l’ensemble des répercussions de ce projet industriel. Un tel examen aurait pu être mené par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) si le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette, l’avait exigé.
Auparavant, la Cour d’appel du Québec avait par ailleurs obligé la Ville de Montréal à fournir les autorisations municipales que le promoteur réclamait. Ce dernier a néanmoins entamé une poursuite de 373 millions de dollars contre la Ville en raison de sa longue attente dans le processus d’autorisation.