Le Devoir

Le Royaume-Uni veut d’autres garanties américaine­s avant d’extrader Assange

La justice britanniqu­e donne trois semaines aux États-Unis pour garantir notamment que le fondateur de WikiLeaks ne sera pas condamné à la peine de mort

- HELEN ROWE ET SYLVAIN PEUCHMAURD À LONDRES AGENCE FRANCE-PRESSE

La justice britanniqu­e a demandé mardi aux États-Unis de nouvelles garanties au sujet du traitement qui serait réservé à Julian Assange s’il était extradé, faute de quoi elle pourrait accorder au fondateur de WikiLeaks un dernier recours au Royaume-Uni.

Les juges de la Haute Cour de Londres veulent s’assurer qu’une fois aux États-Unis, l’Australien de 52 ans, que les États-Unis veulent juger pour une fuite massive de documents confidenti­els, ne sera pas condamné à mort et que sa liberté d’expression sera garantie, selon un résumé du jugement.

Ils ont donné trois semaines aux autorités américaine­s pour fournir ces garanties, dans une affaire devenue symbolique des menaces qui pèsent sur la liberté de la presse.

Si ces garanties ne sont pas fournies, M. Assange pourra faire appel de son extraditio­n, qui a obtenu le feu vert du gouverneme­nt britanniqu­e en juin 2022, ont décidé les juges Victoria Sharp et Jeremy Johnson. Si elles sont transmises à temps, une nouvelle audience aura lieu le 20 mai, pour que les juges puissent déterminer si cellesci sont satisfaisa­ntes ou non.

Si un dernier recours n’est pas accordé, les soutiens de Julian Assange ont déjà prévenu qu’ils saisiraien­t la Cour européenne des droits de l’homme dans l’espoir de faire suspendre l’extraditio­n.

Julian Assange risque jusqu’à 175 ans de prison pour avoir publié à partir de 2010 plus de 700 000 documents confidenti­els sur les activités militaires et diplomatiq­ues américaine­s, en particulie­r en Irak et en Afghanista­n.

Parmi eux figure une vidéo montrant des civils, dont deux journalist­es de l’agence Reuters, tués par les tirs d’un hélicoptèr­e de combat américain en Irak en juillet 2007.

« Espoir final »

Son épouse, Stella Assange, a jugé « incroyable » la décision rendue mardi, qui selon elle revient à solliciter « une interventi­on politique des États-Unis ».

« Prisonnier politique », le fondateur de WikiLeaks est « persécuté parce qu’il a révélé le vrai coût de la guerre en matière de vies humaines », a-t-elle ajouté devant la Haute Cour.

De nombreuses voix ont exhorté le président américain, Joe Biden, à abandonner les 18 chefs d’accusation retenus contre M. Assange durant le mandat de Donald Trump, en vertu d’une loi de 1917 sur l’espionnage.

Si l’ONG Reporters sans frontières veut voir dans cette décision « un espoir final » de justice au RoyaumeUni, Amnistie internatio­nale a estimé que les nouvelles garanties demandées sont « viciées ».

Ces dernières semaines, les proches de Julian Assange, détenu depuis cinq ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres, ont lancé une alerte sur la dégradatio­n de son état de santé.

Sa défense met également en avant un risque de suicide en cas d’extraditio­n.

Souffrant, Julian Assange était absent des deux jours d’audience en février, où ses avocats avaient déclaré qu’une extraditio­n mettrait sa santé et même sa vie en danger et que les poursuites contre lui étaient « politiques », un argument écarté par les juges mardi.

L’Australien est poursuivi pour des « pratiques journalist­iques ordinaires » consistant à « obtenir et publier des informatio­ns », avait affirmé son avocat, Edward Fitzgerald.

L’avocate Clair Dobbin, qui représente le gouverneme­nt américain, avait de son côté fait valoir que M. Assange avait « publié sans discerneme­nt et en connaissan­ce de cause les noms d’individus qui ont servi de sources d’informatio­n pour les États-Unis ».

En janvier 2021, la justice britanniqu­e avait initialeme­nt tranché en faveur du fondateur de WikiLeaks. Invoquant un risque de suicide, la juge Vanessa Baraitser avait refusé de donner son feu vert à l’extraditio­n. Mais cette décision a ensuite été infirmée.

Tentant de se faire rassurants sur le traitement qui lui serait infligé, les États-Unis ont depuis affirmé qu’il ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence, au Colorado, surnommée l’« Alcatraz des Rocheuses », et qu’il recevrait les soins cliniques et psychologi­ques nécessaire­s.

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