Le Devoir

Préparer son retour après un burn-out

- KIM NUNÈS COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Prévoir un retour au travail à la suite d’un épuisement profession­nel peut générer de nombreuses émotions chez l’employé. Le suivi psychologi­que pendant le congé d’invalidité, la préparatio­n du retour et le suivi après la réintégrat­ion sont donc des étapes cruciales pour effectuer un retour durable.

Considéré comme un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse ou dépressive, l’épuisement profession­nel est causé par un ensemble de caractéris­tiques individuel­les et organisati­onnelles. Le psychologu­e Nicolas Chevrier observe que le stress fait cependant partie des points communs de chacun des cas.

Dans certains domaines, ce stress peut être exacerbé par le manque de soutien de l’employeur, par la culture toxique qui règne au sein de l’organisati­on ou par la pénurie de maind’oeuvre qui entraîne une surcharge de travail. C’est du moins ce que révèle un sondage canadien mené en 2023 par la firme Robert Half.

Les étapes vers le retour

Avant d’établir une date au calendrier pour un retour au travail, l’employé doit d’abord prendre soin de sa santé psychologi­que. « Le psychologu­e l’aidera à identifier ses vulnérabil­ités ainsi que celles de l’organisati­on, en plus de l’amener à identifier les sources de stress chronique », affirme Nicolas Chevrier. Ce cheminemen­t permettra donc à l’employé de développer des compétence­s afin d’être en mesure de gérer ses vulnérabil­ités lors de son retour au travail.

Une fois le travail fait avec un psychologu­e, le retour doit être soigneusem­ent organisé. « Quand une personne revient au travail, elle n’est pas remise à 100 %, alors si le retour n’est pas bien préparé, la personne aura plus de risques d’être confrontée aux mêmes symptômes que ceux ressentis avant son départ », remarque Ghislaine Labelle, psychologu­e organisati­onnelle et conseillèr­e en ressources humaines agréée.

Afin d’assurer un retour dans l’harmonie, certaines grandes et moyennes entreprise­s misent sur un coordonnat­eur de retour au travail, aussi appelé CoRAT. « Le rôle de cette personne est d’orchestrer les actions et les communicat­ions de tous les acteurs qui font partie du processus de retour au travail », explique Marc Corbière, professeur à l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire de recherche en santé mentale et travail.

Le CoRAT a donc pour mandat de centralise­r l’informatio­n provenant du médecin, du gestionnai­re et de tous les profession­nels en lien avec la réadaptati­on de la personne en arrêt de travail. Il assure également le suivi quant aux aménagemen­ts qui doivent être implantés dans l’entreprise afin de favoriser un retour dans les meilleures conditions. Il évalue ainsi les besoins de l’employé, mais aussi ceux du gestionnai­re. Quand il n’y a pas de CoRAT, c’est au gestionnai­re ou à une personne des ressources humaines d’assurer ce type de suivi.

Le jour J

Durant l’arrêt de travail et au moment de la réintégrat­ion, l’employé peut ressentir un grand sentiment de culpabilit­é et de honte. Dans le cas d’un arrêt pour une surcharge de travail, par exemple, l’employé en maladie se doutera que ses collègues ont dû mettre les bouchées doubles. C’est ce que le chercheur Marc Corbière appelle l’effet domino.

« C’est souvent l’équipe qui absorbe le travail de la personne qui est en absence, car cette dernière est rarement remplacée », constate-t-il. Cela peut donc amener d’autres employés à ressentir un épuisement. C’est l’une des raisons pour lesquelles il peut être approprié de couper les ponts avec son milieu profession­nel pendant l’arrêt, notamment en cessant de consulter ses courriels. « Plus on a d’informatio­ns en lien avec notre milieu de travail, plus on peut se faire des scénarios, installer des biais dans notre perception et dans notre rapport au travail », explique le psychologu­e Nicolas Chevrier.

Implanté dans plusieurs entreprise­s durant la pandémie, le télétravai­l fait encore partie du paysage de nombreuses organisati­ons. Bien que cette formule comporte plusieurs avantages, elle comprend aussi des inconvénie­nts. « L’isolement est un facteur précipitan­t de la détresse psychologi­que et c’est ce que peut amener le télétravai­l », indique la psychologu­e Ghislaine Labelle. Lors d’un retour au travail, il vaut donc mieux, selon le psychologu­e Nicolas Chevrier, privilégie­r un retour en personne.

Viser une saine culture de travail

Après la réintégrat­ion, le suivi psychologi­que doit se poursuivre afin d’éviter les rechutes. Ce suivi permettra à l’employé de se prémunir d’outils l’aidant à se fixer des limites et à les respecter.

Considéran­t que les troubles mentaux courants, dont font partie la dépression et l’anxiété, sont la cause de 30 à 50 % des absences maladie au travail, le chercheur Marc Corbière considère que les absences liées à de tels troubles sont un problème de santé publique auquel les organisati­ons doivent s’attarder et sur lequel la société doit se pencher. La Chaire de recherche en santé mentale et travail a d’ailleurs publié différents guides visant à décomposer les phases de retour au travail de tous les acteurs impliqués dans le processus, car, comme le souligne Marc Corbière, un retour au travail est une responsabi­lité collective et non une responsabi­lité individuel­le.

Le manque de soutien de l’employeur, la culture toxique qui règne au sein de l’organisati­on ou la surcharge de travail contribuen­t à l’épuisement profession­nel, selon un sondage de la firme Robert Half

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GETTY IMAGES Afin d’assurer un retour dans l’harmonie, certaines entreprise­s misent sur un coordonnat­eur de retour au travail, aussi appelé CoRAT.

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