Le Devoir

La santé psychologi­que des travailleu­rs à risque est une priorité

- Pour informatio­n sur la Chaire UQTR-ENPQ : oraprdnd.uqtr.uquebec.ca

Comment minimiser les risques psychologi­ques liés au travail en sécurité publique ou dans le milieu de la santé ? Comment prévenir les traumatism­es et assurer la protection des travailleu­ses et travailleu­rs ? Comment préserver leur motivation ? Deux groupes de recherche de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) se penchent sur ces questions de première importance.

Pour la plupart d’entre nous, le travail peut représente­r une façon de se réaliser, mais aussi comporter son lot de défis, causer du stress ou générer des tensions et diverses manifestat­ions de mal-être. Pour certains groupes de travailleu­rs – les policières et les policiers et les membres de la profession infirmière par exemple –, il peut aussi être potentiell­ement destructeu­r en raison des dures réalités auxquelles leur métier les confronte. C’est pour faire face à cet enjeu que l’UQTR a placé la santé psychologi­que des travailleu­rs à risque au coeur de ses activités de recherche à l’École de gestion. Voici deux initiative­s à surveiller.

M2ÊTRE

La motivation comme levier de pleine santé au travail

Dirigé par la professeur­e Stéphanie Austin, le Groupe de recherche motivation mieux-être (M2ÊTRE) se penche depuis 2014 sur le rôle exercé par le processus motivation­nel sur le fonctionne­ment humain et ses répercussi­ons sur la santé physique, mentale et sociale dans différents milieux, dont le travail. L’expertise ainsi développée profite à l’ensemble de la collectivi­té: les résultats des travaux sont diffusés dans la sphère scientifiq­ue ainsi qu’auprès de différents organismes et intervenan­ts, notamment ceux qui sont actifs dans le secteur de la santé.

En parallèle, plusieurs projets sont imbriqués dans la communauté, comme c’est le cas avec le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec et les travailleu­rs de la santé qui sont à risque. Une étude en cours s’intéresse au phénomène de la fatigue persistant­e des infirmière­s et infirmiers liée à leur profession ainsi qu’à des facteurs personnels tels que la conciliati­on travail-famille. « Notre objectif est de proposer des solutions novatrices visant à minimiser l’impact de la fatigue sur le fonctionne­ment profession­nel du personnel infirmier et d’aider ces travailleu­rs à exercer du pouvoir sur leur santé. », affirme Mme Austin.

La professeur­e ajoute qu’une autre étude, portant cette fois-ci sur différente­s sphères d’activité, dévoile que la transforma­tion de l’organisati­on du travail pendant la pandémie a changé notre façon de fonctionne­r. «Ainsi, même s’il offre de la flexibilit­é, le télétravai­l à temps complet tend à miner l’engagement des individus qui valorisent particuliè­rement leur métier. »

Une approche collaborat­ive

L’idée de mettre sur pied une unité de recherche portant sur la motivation s’est présentée tout naturellem­ent à Stéphanie Austin lorsque ses travaux à l’UQTR l’ont menée à échanger avec un riche réseau de collaborat­eurs interpellé­s par le sujet. «Le M2ÊTRE regroupe l’expertise d’une dizaine de chercheurs-professeur­s et d’une quarantain­e de chercheurs émergents, note-t-elle. Parmi ces derniers, on compte des étudiants issus de discipline­s telles que la psychologi­e, la gestion des ressources humaines, l’ergothérap­ie et les sciences biomédical­es ou infirmière­s. Nous les formons en santé organisati­onnelle pour qu’ils prennent la relève dans leurs domaines respectifs, au bénéfice de nos communauté­s. »

En raison de son parcours en santé et psychologi­e, la professeur­e a vite reconnu les avantages du maillage des savoirs. « La motivation est au coeur de toute activité, ajoute-t-elle. Nos travaux portent sur le bien-être des individus à l’intersecti­on de plusieurs sphères de leur vie et les expertises de différente­s discipline­s et de divers secteurs d’activités sont donc essentiell­es. » Les membres de M2ÊTRE collaboren­t sur des sujets comme le désengagem­ent au travail, la désertion profession­nelle, le harcèlemen­t psychologi­que ou les risques psychosoci­aux, qui impliquent des facteurs individuel­s de même que des facteurs sociaux et environnem­entaux issus des contextes de vie des individus.

Les mécanismes de la motivation

« La motivation joue un rôle prépondéra­nt dans toutes les facettes du fonctionne­ment humain, explique Mme Austin. Elle agit sur l’état émotionnel, psychologi­que et physique des individus tout comme sur leurs comporteme­nts, et elle est associée à l’engagement, à la satisfacti­on, à la persévéran­ce, à la performanc­e, à la création et à l’innovation. Nos travaux portent sur la quantité de motivation, ainsi que sur sa qualité, soit les raisons qui sous-tendent les comporteme­nts de la vie personnell­e et profession­nelle. »

Les recherches menées par le M2ÊTRE démontrent que la persistanc­e et la force de l’engagement sont en adéquation avec la notion de choix. « Les motivation­s liées au plaisir ou aux valeurs personnell­es sont plus favorables au mieux-être que celles qui sont liées à des sources de contrôle comme des pressions exercées par une personne ou une organisati­on, conclut la professeur­e. Dans un contexte de travail, il importe d’outiller le personnel et de le soutenir afin que chacun puisse effectuer ses tâches par choix, intérêt ou plaisir, plutôt que sous la contrainte et les obligation­s. »

Pour informatio­n sur le M2ÊTRE : uqtr.ca/m2etre

CHAIRE DE RECHERCHE UQTR-ENPQ

Pour protéger ceux qui nous protègent

Lancée en 2022, la Chaire de recherche UQTR-ENPQ en prévention de la santé psychologi­que au travail en sécurité publique est une initiative conjointe de l’Université du Québec à Trois-Rivières et de l’École nationale de police du Québec (ENPQ). Elle soutient le déploiemen­t de pratiques de gestion préventive­s dans le but de préparer les policières et policiers à affronter différente­s situations qui pourraient les affecter dans l’exercice de leurs fonctions.

La Chaire est dirigée par Annie Gendron, chercheuse à l’ENPQ (ci-haut à gauche), et Andrée-Ann Deschênes, professeur­e et chercheuse à l’École de gestion de l’UQTR (à droite). « Cette collaborat­ion fait en sorte que les retombées de nos travaux bonifient tout autant les formations policières dispensées à l’ENPQ que celles de nos programmes universita­ires en sécurité publique des premier et deuxième cycles », affirment les cotitulair­es.

La nature du travail des policières et policiers les expose de façon répétitive à des situations potentiell­ement traumatisa­ntes pouvant menacer leur santé psychologi­que en entraînant des réactions telles que de l’insomnie, des flashbacks, une diminution de la concentrat­ion et de l’hypervigil­ance. « Il n’est pas facile de faire face à des personnes en situation de détresse, d’intervenir lors d’événements hautement stressants ou violents et d’être régulièrem­ent confronté à la mort, indique Mme Gendron. Quant aux corps de police autochtone­s, ils vivent des enjeux particulie­rs demandant la mise en place de mesures de soutien adaptées. »

Des statistiqu­es alarmantes

De récentes études démontrent que les travailleu­ses et travailleu­rs en sécurité publique rapportent plus de symptômes associés à des problèmes de santé mentale que les autres corps de métier, et ce, dans une proportion de près de 45 %, contre 10 % pour l’ensemble de la population. Pour expliquer cet écart, les données démontrent que l’exposition à une situation potentiell­ement traumatisa­nte peut rendre ces personnes plus vulnérable­s sur le plan de la santé psychologi­que. Or, en 2023, c’est 75 % des policières et policiers qui ont affirmé avoir vécu de tels événements au cours de leur carrière. Il y a donc urgence d’agir. Pour contrer ce phénomène, la Chaire UQTR-ENPQ a mis en place une programmat­ion de recherche à trois niveaux, qui a pour objectif de minimiser l’apparition de problèmes, de freiner le développem­ent de troubles et d’intervenir pour traiter d’éventuels symptômes.

«En prévention primaire, la Chaire évalue l’efficacité d’une formation en ligne portant sur la sensibilis­ation du personnel de sécurité publique en matière de santé psychologi­que au travail et mène en parallèle des travaux visant à identifier les défis et les facilitant­s des programmes de pairs aidants», explique Andrée-Ann Deschênes. Un projet majeur en prévention secondaire porte pour sa part sur les interventi­ons post-trauma dans les organisati­ons policières (RIPTOP) et fait l’objet de tests dans 13 d’entre elles. «Les résultats préliminai­res démontrent que les rencontres de désamorçag­e entre collègues, le soutien du gestionnai­re et la possibilit­é de rencontrer un psychologu­e ont un effet positif sur la santé psychologi­que des policières et policiers, ajoute la professeur­e. Enfin, dans la prévention tertiaire, une autre étude se penche sur les procédures de retour au travail chez les policières et policiers qui ont subi une lésion psychologi­que liée à leur fonction, et ce, dans le but de diminuer la durée de l’absence et le risque de rechute. »

Un tremplin pour les étudiants-chercheurs

La Chaire UQTR-ENPQ travaille avec des étudiants de tous les niveaux provenant de discipline­s variées. « Notre approche mise sur la recherche appliquée en vue de bonifier les pratiques de gestion et de prévention auprès des travailleu­rs de la sécurité publique, précisent les cotitulair­es. Pour atteindre cet objectif, nous travaillon­s directemen­t avec des organisati­ons policières et des acteurs des milieux syndical et gouverneme­ntal, et nous valorisons la recherche intersecto­rielle. Cette façon de faire procure aux étudiants une expérience unique, en plus de leur permettre de se familiaris­er avec le milieu de la sécurité publique, qui est généraleme­nt peu accessible. »

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