Le Devoir

Un policier aurait eu des relations avec une plaignante

Le sergent-détective est poursuivi pour abus d’autorité dans un dossier d’agression sexuelle

- AMÉLI PINEDA DIVISION ENQUÊTE LE DEVOIR

Un sergent-détective de la police de Longueuil qui aurait eu des relations sexuelles, sur ses heures de travail, avec la plaignante d’un dossier d’agression sexuelle dont il était l’enquêteur principal est visé par une poursuite de 150 000 $ et est soupçonné d’avoir contrevenu au Code de déontologi­e des policiers du Québec.

Le policier Jean-François Grégoire se serait rendu à sept reprises au domicile de la femme afin d’avoir des relations sexuelles avec elle, dont certaines fois pendant son quart de travail, peut-on lire dans une poursuite déposée mardi par le cabinet d’avocats Arsenault, Dufresne et Wee.

Il aurait également utilisé son cellulaire profession­nel pour échanger des textos et des photos à connotatio­n sexuelle avec la victime présumée et lui aurait ensuite demandé d’effacer toute trace de leurs échanges. Les faits allégués se seraient échelonnés sur une période de près de huit mois, de décembre 2019 à août 2020.

Le sergent-détective ne travaille plus pour le Service de police de l’agglomérat­ion de Longueuil (SPAL). Il n’a toutefois pas été possible de confirmer si le policier a été renvoyé ou s’il a quitté ses fonctions de son propre chef. « Les raisons de son départ ne seront pas communiqué­es puisqu’il s’agit de renseignem­ents personnels qui sont protégés en vertu de la Loi sur l’accès », a indiqué l’inspecteur Gino Iannone, porte-parole du SPAL.

En plus d’être visé par cette poursuite, l’enquêteur Grégoire est convoqué en juin prochain devant le Commissair­e à la déontologi­e policière. On lui reproche d’avoir agi de façon à compromett­re son impartiali­té dans un dossier dont il était l’enquêteur principal, d’avoir utilisé son cellulaire de travail pour tenir des échanges à connotatio­n sexuelle avec la plaignante au dossier et d’avoir eu des relations sexuelles avec elle. L’avocat qui représente le policier Grégoire devant le Commissair­e n’avait pas donné suite à la demande d’entrevue du Devoir au moment où ces lignes étaient écrites.

Relation inadéquate

La femme, dont l’identité est protégée par le tribunal, aurait été contactée pour la première fois par le sergentdét­ective Grégoire en novembre 2019 en lien avec une plainte d’agression sexuelle qu’elle avait déposée en juillet de la même année.

« Il a profité de sa position d’autorité et de la situation de vulnérabil­ité dans laquelle se trouvait la [plaignante] pour initier et obtenir de sa part des faveurs de nature sexuelle plutôt que de la diriger vers les ressources d’aide appropriée­s », peut-on lire dans le document de cour.

Lors d’une rencontre en personne au poste de police, l’enquêteur aurait donné son numéro de téléphone cellulaire profession­nel à la plaignante en lui disant qu’elle pouvait le contacter au besoin.

Selon le document soumis au tribunal, la femme aurait contacté le policier

pour faire un suivi de l’avancement de son dossier et l’enquêteur aurait par la suite commencé à la texter de manière sporadique pour prendre de ses nouvelles. L’attention que lui porte le policier est d’abord perçue comme un signe sécurisant, « [elle] a le sentiment d’être crue, écoutée et comprise ».

La relation prend une tout autre tournure lorsqu’à la mi-décembre, l’enquêteur l’aurait compliment­ée par texto en faisant allusion à sa poitrine. « Il lui confie certains fantasmes sexuels qu’il entretient envers elle. S’ensuit une conversati­on par message[rie] texte au cours de laquelle [ils] s’échangent des messages à connotatio­n sexuelle », est-il écrit.

Toujours par texto, l’enquêteur lui aurait manifesté son désir de la voir le soir même et lui aurait proposé de passer chez elle. Malgré des hésita

tions, la femme aurait accepté qu’il vienne chez elle. L’agent Grégoire l’aurait embrassée dès son arrivée et aurait ensuite entrepris une relation sexuelle complète. Le soir même, après avoir quitté les lieux, le sergentdét­ective aurait supplié la femme d’effacer toute trace de leurs échanges, en plus de lui demander de ne pas divulguer la nature de leur relation à qui que ce soit. Il lui aurait aussi demandé des preuves de la suppressio­n de leurs discussion­s.

Le policier n’aurait pas tardé à récidiver en lui envoyant de nouveaux textos à connotatio­n sexuelle et en lui faisant part de son envie de la revoir. Alors qu’il est dans l’exercice de ses fonctions, l’agent Grégoire multiplier­a les visites chez la femme pour avoir des relations sexuelles avec elle.

En janvier, après lui avoir mentionné avoir envie de voir ses seins par texto, l’agent Grégoire aurait informé la femme par téléphone qu’aucune accusation ne serait portée contre son agresseur présumé par le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP), outrepassa­nt du même coup son mandat. « [La plaignante] est au travail et n’est pas préparée à recevoir cette informatio­n ; elle est en état de choc », peut-on lire dans le document, qui mentionne que l’enquêteur se serait excusé par la suite.

Vers le mois d’avril 2020, la femme aurait dévoilé pour la première fois à sa psychothér­apeute sa relation avec l’enquêteur Grégoire. « Elle réalise peu à peu le caractère inadéquat de leur relation », est-il mentionné.

En août 2020, le DPCP la convoque à une rencontre afin de lui expliquer les motifs justifiant le refus de porter des accusation­s dans la foulée de sa plainte pour agression sexuelle déposée en juillet 2019. Anxieuse à l’idée de revoir l’enquêteur Grégoire, qu’elle n’a pas vu depuis deux mois, la femme demande qu’un intervenan­t du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) l’accompagne. Durant sa préparatio­n, l’intervenan­t du CAVAC affecté au dossier apprend que l’enquêteur Grégoire aurait entretenu une relation de nature sexuelle avec la plaignante. La rencontre est alors annulée.

Une enquête aurait alors été ouverte par les services internes du SPAL concernant le comporteme­nt du sergent Grégoire. « Puisque le dossier dont vous souhaitez obtenir des informatio­ns fera l’objet d’une audience devant le Tribunal administra­tif de déontologi­e policière au mois de juin prochain, nous ne commentero­ns pas davantage la situation puisque cela serait de nature à nuire à une procédure judiciaire en cours », a indiqué le porteparol­e de la police de Longueuil.

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