Le Devoir

QS veut convoquer le représenta­nt du Québec en Israël

Le parti politique remet en question les propos de la ministre des Relations internatio­nales, Martine Biron

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Citant « un enjeu de confiance, de transparen­ce et de respect des institutio­ns », Québec solidaire (QS) veut convoquer la ministre Martine Biron et le directeur du Bureau du Québec à Tel-Aviv en commission parlementa­ire pour faire la lumière sur les activités que mène cette représenta­tion étrangère en Israël pendant qu’un conflit fait rage à Gaza.

« La ministre, en ce moment, on attend toujours les explicatio­ns par rapport au fait qu’elle a menti. Ou, en tout cas, si elle n’a pas menti, il faudrait qu’elle s’explique, parce qu’elle n’arrêtait pas de dire qu’il n’y avait rien d’ouvert à Tel-Aviv, alors que ce n’était pas le cas », a lancé en entrevue la députée solidaire Ruba Ghazal.

QS a sollicité mercredi la Commission des institutio­ns pour réclamer un mandat d’initiative sur l’ouverture d’un bureau du Québec à Tel-Aviv. La mise en branle de cette représenta­tion au Proche-Orient a fait grand bruit. Après avoir affirmé que le chef de poste « travaille depuis Montréal », la ministre des Relations internatio­nales, Martine Biron, a reconnu la semaine dernière que le directeur du bureau, Alik Hakobyan, est allé en Israël du 26 février au 27 mars.

L’arrivée de M. Hakobyan a été soulignée le 1er mars par The Canadian Jewish News. L’hebdomadai­re avait alors écrit que le représenta­nt du Québec avait « officielle­ment déménagé » (« officially moved ») en Israël pour « poursuivre son travail avec le bureau ». La ministre Biron a plutôt souligné que M. Hakobyan « n’est toujours pas installé [en Israël] avec sa famille », et qu’il a « été convenu qu’il ferait des allers-retours » entre Montréal et le pays du ProcheOrie­nt.

« C’est bidon », a dit Mme Ghazal au sujet des explicatio­ns de Mme Biron. « À un moment donné, il faudrait qu’elle s’assume. Que la ministre s’assume et dise : nous, malgré la situation dramatique à Gaza, malgré tout ce qui se passe dans la région, nous voulons continuer à ouvrir ce bureau parce qu’on veut faire des affaires. »

Mme Ghazal demande à la ministre de renoncer à l’ouverture d’un bureau du Québec à Tel-Aviv. « Il y a quand même des crimes contre l’humanité qui ont été commis par le gouverneme­nt [du premier ministre israélien, Benjamin] Nétanyahou. Donc on ne peut pas, nous, accepter ça. Et le gouverneme­nt, je pense, n’accepte pas ça. Il faut être conséquent avec ce que l’on pense », a-t-elle fait valoir.

QS appuyé par le PQ

Dans la lettre envoyée à la Commission des institutio­ns, QS écrit que l’ouverture du bureau du Québec à Tel-Aviv a suscité « beaucoup d’interrogat­ions » et que « plusieurs informatio­ns contradict­oires ont circulé sur le sujet, notamment sur la date de l’installati­on du bureau à Tel-Aviv, sur le lieu de travail du directeur du bureau et sur la nature même du mandat de ce bureau ». Le parti fait valoir qu’« il y a là un enjeu de confiance, de transparen­ce et de respect des institutio­ns » et demande à la commission d’étudier la possibilit­é de se doter d’un mandat d’initiative, une décision qui permet à une commission de se saisir d’une question particuliè­re.

La demande de mandat d’initiative de QS a été appuyée par le Parti québécois. « Nous sommes d’accord [avec le fait] qu’un mandat d’initiative permettrai­t de creuser ces questions », a déclaré le député Pascal Paradis. Il a fait état de « problèmes de relations internatio­nales, de franchise et de transparen­ce ».

« La ministre Biron a affirmé, y compris dans une déclaratio­n écrite déposée à l’Assemblée nationale, que le bureau était géré à Montréal alors que le directeur était à Tel-Aviv ; le gouverneme­nt dit que procéder à l’ouverture en plein conflit armé ne change rien alors qu’en termes diplomatiq­ues, c’est au contraire un signal ; la ministre Biron affirme que le bureau à Tel-Aviv sera une tête de pont pour une stratégie auprès des pays arabes et musulmans de la région, alors que les documents du ministère ne font pas état d’une telle stratégie, qui paraît d’ailleurs mal avisée, particuliè­rement dans le contexte de l’offensive à Gaza », a-t-il aussi fait valoir.

Pour Ruba Ghazal, « ce serait vraiment la moindre des choses, par transparen­ce pour les Québécois », que la ministre et M. Hakobyan répondent aux questions des élus au sujet de l’ouverture de ce bureau. « Ou à tout le moins, qu’ils s’expliquent d’une autre façon, publiqueme­nt », a-t-elle nuancé. De son côté, le Parti libéral du Québec s’est dit en faveur de l’ouverture d’un bureau à Tel-Aviv, «afin d’améliorer nos relations diplomatiq­ues et économique­s dans cette région». Le parti souhaite tout de même entendre les élus caquistes s’expliquer en commission parlementa­ire.

En réponse à la demande de QS, l’attachée de presse de Mme Biron, Catherine Boucher, a écrit que « la Commission des institutio­ns est souveraine et [que] la ministre laisse les membres faire leur travail ». « Nous prendrons acte de la décision », a-telle ajouté. La majorité des membres de la commission sont des députés de la Coalition avenir Québec.

C’est bidon. À un moment donné, il faudrait que [la ministre Biron] s’assume.

RUBA GHAZAL

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