Le Devoir

Avocat de Dieu ?

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Monsieur Lisée,

À la suite de la lecture de votre article « Les Québécois, ces mécréants », paru dans l’édition du samedi 30 mars, la question suivante m’est apparue : où me situerais-je dans un sondage à propos de la foi ?

Il y a une douzaine d’années, je reçois une convocatio­n au palais de justice de Montréal pour être candidat juré. Comme vous le savez probableme­nt, nous sommes plus ou moins 400 personnes convoquées en attente dans une grande salle. […] Il se peut que vous ne soyez aucunement appelé lors de cette journée, car lorsque le jury est formé, la foule est libérée. Mais je suis appelé.

Je rentre donc dans le tribunal et je constate que le procès est déjà commencé, en fait que le processus de sélection des jurés fait partie du procès. Il y a là la cour au complet — juge, avocats, accusé, greffier, et 9 jurés sur 12 sont déjà choisis et à leur poste.

Le greffier s’approche et me demande si je veux jurer sur la Bible avant d’être questionné. Je suis surpris ! J’hésite un peu. Le juge m’interpelle alors en juge : Monsieur Blais, croyez-vous en Dieu ?

Dans ma tête, c’est non, mais ce n’est pas tout à fait la réponse qui suit. Malgré moi, et pour emprunter votre savoureuse formule, je me fais « l’avocat de Dieu ». Disons que c’est une situation très particuliè­re d’être là, devant la « société », et de devoir justifier son for intérieur en public. Je me prononce donc en disant que ma croyance va plutôt à la théorie du Big Bang. Mais là, alors que je suis debout dans cette cour, un peu intimidé, ma pensée m’amène à dire tout haut : qu’y avait-il avant ce Big Bang ? « Je ne crois pas aux dieux des religions, mais suis obligé d’admettre qu’il y a un gros mystère quant à l’avant-Big Bang ! » Ce sont à peu près mes propos.

Si je vous raconte cela, c’est pour faire écho au sondage relaté dans votre article. Répondre à cette question dans le confort du foyer ne m’aurait pas amené à devoir justifier mon « non ». Je ferais donc partie du pourcentag­e des non-croyants baptisés et non pratiquant­s. J’imagine que je suis plutôt des 77 % de « spirituell­ement incertains ». Mais malheureus­ement, je ne sens aucune présence, même dans mes rêves. Je ne vois que le gigantisme de l’Univers et ça me souffle.

Mais croire à une rédemption salvatrice orchestrée par une entité de bonté me conduirait à un grand optimisme, surtout devant la dérive où vont la planète et ses sociétés.

Pierre Blais

Laval, le 2 avril 2024

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