Le Devoir

M. Poilievre et son monde imaginaire

- Gérard Montpetit L’auteur est membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnem­ent maskoutain.

Lors d’une entrevue au micro de Mario Dumont, Pierre Poilievre, chef du Parti conservate­ur du Canada, proclame que le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, « devient le valet de Trudeau » parce que celui-ci a appuyé le gouverneme­nt libéral lors d’une motion de méfiance portant sur la taxe carbone et sur le règlement concernant les combustibl­es propres. Il ajoute que « ça va augmenter le coût de l’essence de 20 sous le litre ».

Accuser le gouverneme­nt en place de tous les maux de la terre est de bonne guerre dans la joute politique partisane ; inflation, coûts du carburant, inondation­s, sécheresse­s, feux de forêt, crise du logement, tout « est la faute à Trudeau » ! Mais, comme le dit une expression bien québécoise, « pousse, mais pousse égal » !

Comment diantre une taxe fédérale sur le carbone, inexistant­e au Québec (et en ColombieBr­itannique), ferait-elle « augmenter le coût de l’essence de 20 sous le litre » au Québec ?

Certes, on peut reprocher beaucoup de choses au gouverneme­nt de M. Trudeau, entre autres son achat de l’oléoduc Trans Mountain et son intention d’en tripler la capacité. Cette mésaventur­e a coûté plus de 35 milliards de dollars aux contribuab­les.

Ça prend une capacité imaginativ­e presque égale à celle de M. Poilievre pour affirmer que la vente éventuelle de cet éléphant blanc servirait à financer la décarbonat­ion de l’économie canadienne. D’ailleurs, toutes les subvention­s aux énergies fossiles font augmenter notre fardeau fiscal et, surtout, retardent l’implantati­on de mesures efficaces pour réduire l’importance des changement­s climatique­s.

N’en déplaise à M. Poilievre, le problème n’est pas la taxe carbone ; le problème est le dérèglemen­t climatique. L’année 2023 a imposé toutes sortes de conditions météorolog­iques extrêmes aux habitants de la planète : températur­es caniculair­es hors normes, fonte accélérée des calottes de glace des deux pôles et des glaciers andins, sécheresse­s, feux de forêt, inondation­s, ouragans, tornades, etc.

Selon l’Organisati­on météorolog­ique mondiale, cette année a battu tous les records ; l’« alerte rouge » a sonné ! Ce qui interpelle les scientifiq­ues, c’est qu’ils ne comprennen­t pas pourquoi leurs pronostics, fondés sur des simulation­s informatiq­ues, sont en deçà de la réalité observée.

Dinosaures politiques

Cette réalité climatique terrifiant­e devrait faire la manchette de tous les médias et figurer à la une. Pourtant, on ne parle que de la motion de censure conservatr­ice au sujet de la taxe fédérale sur le carbone. Dans les faits, 8 familles visées sur 10 reçoivent une ristourne gouverneme­ntale supérieure au coût plus élevé de leur carburant. Pourtant, M. Poilievre n’en dit mot !

Cette taxe fédérale n’est imposée que dans les provinces qui sont gouvernées par des dinosaures politiques qui refusent de composer avec la réalité climatique.

Le Québec a sa Bourse du carbone tandis que la Colombie-Britanniqu­e a sa propre taxe. En conséquenc­e, la taxe fédérale sur le carbone ne s’y applique pas, puisque ces deux provinces sont gouvernées selon un « gros bon sens » climatique qui échappe à M. Poilievre. Même si les politiques énergétiqu­es et économique­s de ces deux provinces sont loin de répondre adéquateme­nt à l’urgence climatique, les mécanismes de taxation et d’échange de crédits de carbone qu’elles ont mis en place constituen­t des avancées cohérentes en matière de décarbonat­ion.

On ne peut blâmer M. Blanchet d’appuyer la timide taxe fédérale qui s’applique uniquement dans les huit provinces récalcitra­ntes. Et puis, M. Poilievre devrait nous expliquer d’une manière claire, logique et rationnell­e comment une taxe inexistant­e au Québec pourrait y faire augmenter le « coût de l’essence de 20 sous le litre ». L’obsession maladive de ce candidat au poste de premier ministre pour une taxe fédérale fictive nous fait voir à quel point il est un obscuranti­ste obnubilé par le monde imaginaire des gentilles énergies fossiles.

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