Le Devoir

Le nouveau président promet changement systémique et souveraine­té

Bassirou Diomaye Faye, 44 ans, devient le cinquième président du pays africain au terme d’une ascension éclair

- MAGATTE GAYE ET LAURENT LOZANO À DAKAR

Le panafrican­iste de gauche Bassirou Diomaye Faye a promis « changement systémique », souveraine­té et apaisement après des années d’agitation en devenant mardi le cinquième président du Sénégal au terme d’une ascension éclair.

M. Faye, 44 ans, le verbe et l’allure assurés dans un costume-cravate bleu, a prêté serment devant des centaines d’officiels sénégalais et plusieurs chefs d’État et dirigeants africains au Centre des exposition­s de la ville nouvelle de Diamniadio, près de Dakar.

Puis il a regagné la capitale, une garde à cheval ouvrant la voie à son cortège de voitures entre des centaines de Dakarois venus le saluer le long des axes menant aux grilles du palais présidenti­el.

Là, son prédécesse­ur, Macky Sall, après de brèves et cordiales salutation­s, lui a remis symbolique­ment la clé du siège de la présidence avant d’en franchir les grilles en sens inverse.

M. Faye, jamais élu auparavant, devient le plus jeune président du pays ouest-africain depuis l’indépendan­ce en 1960, moins de trois semaines après être sorti de prison.

Après trois années de tensions et une ultime crise préélector­ale en 2024, son avènement accepté de tous à l’issue d’une campagne express « tient presque du miracle », a dit le président du Conseil constituti­onnel, Mamadou Badio Camara, avant de recevoir son serment.

La main droite levée, M. Faye a juré, « devant Dieu et devant la nation sénégalais­e, de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal ».

Promesse de rupture

Dans une brève allocution, M. Faye s’est dit « conscient » que sa large victoire dès le premier tour de la présidenti­elle du 24 mars exprimait « un profond désir de changement systémique ». « Le Sénégal sous mon magistère sera un pays d’espérance, un pays apaisé avec une justice indépendan­te et une démocratie renforcée », a-t-il dit.

Il a évoqué les années de troubles qui ont précédé son élection, avec à la clé des dizaines de morts et des centaines d’arrestatio­ns. Il a assuré qu’il conservera­it à l’esprit les sacrifices des « martyrs de la démocratie […] afin de ne jamais vous décevoir ».

M. Faye succède pour cinq ans à Macky Sall, 62 ans, qui a dirigé le pays de 18 millions d’habitants pendant 12 années et maintenu des relations fortes avec l’Occident et la France tout en diversifia­nt les partenaria­ts.

La promesse de la rupture, l’onction de son populaire mentor Ousmane Sonko, présent aux premiers rangs mardi, et l’apparente humilité de cette personnali­té issue d’un milieu modeste et éduqué l’ont conduit à une victoire éclatante avec 54,28 % des voix.

M. Faye, haut fonctionna­ire de l’administra­tion des impôts, qui a gravi discrèteme­nt les échelons dans l’ombre de M. Sonko, a énoncé la baisse du coût de la vie, la lutte contre la corruption et la réconcilia­tion nationale comme ses priorités. Son programme met en exergue l’exigence de souveraine­té.

Il a dit mardi entendre « clairement la voix des élites décomplexé­es qui disent haut et fort notre aspiration à plus de souveraine­té, au développem­ent et au bien-être » en Afrique. Il a réitéré, à l’attention des partenaire­s étrangers, « l’ouverture du Sénégal à des échanges respectueu­x de notre souveraine­té » dans des partenaria­ts « mutuelleme­nt gagnants ».

Le programme de M. Faye dit son intention de sortir du franc CFA, de renégocier ou de reconsidér­er les contrats passés avec des compagnies étrangères pour l’exploitati­on du pétrole et du gaz qui devrait commencer cette année, ainsi que les accords miniers et de pêche.

Front politique et social

Surnommé Diomaye (« l’honorable » en sérère), M. Faye est musulman pratiquant, marié à deux femmes présentes à son investitur­e — c’est le premier président sénégalais polygame — et a quatre enfants. L’homme au visage juvénile incarne une nouvelle génération de jeunes politicien­s.

Admirateur de l’ex-président américain Barack Obama et du héros sud-africain de la lutte antiaparth­eid Nelson Mandela, il se dit panafrican­iste « de gauche ».

Il veut oeuvrer au retour, dans la Communauté des États ouest-africains (CEDEAO), du Burkina Faso, du Mali et du Niger, dirigés par des juntes qui ont rompu avec la France et se sont tournées vers la Russie. Les régimes putschiste­s du Mali, du Burkina et de la Guinée ont envoyé leurs représenta­nts à Diamniadio, dont le président guinéen, le général Mamadi Doumbouya.

M. Faye a souligné l’ampleur des défis sécuritair­es auxquels font face de nombreux pays africains et qui « nous obligent à plus de solidarité ».

Porté au pouvoir par le désir de changement, M. Faye doit relever des défis importants. Ses projets concrets restent flous, ainsi que la place faite à M. Sonko. Il doit d’abord nommer un gouverneme­nt.

Il est particuliè­rement attendu sur le front de l’emploi, dans un pays où 75 % de la population a moins de 35 ans et où le taux de chômage est officielle­ment de 20 %, poussant des jeunes, de plus en plus nombreux, à fuir la pauvreté et à entreprend­re un périlleux périple vers l’Europe.

 ?? SYLVAIN CHERKAOUI ASSOCIATED PRESS ?? Bassirou Diomaye Faye, le verbe et l’allure assurés dans un costume-cravate bleu, a prêté serment mardi devant des centaines d’officiels sénégalais et plusieurs chefs d’État et dirigeants africains au Centre des exposition­s de la ville nouvelle de Diamniadio, près de Dakar.
SYLVAIN CHERKAOUI ASSOCIATED PRESS Bassirou Diomaye Faye, le verbe et l’allure assurés dans un costume-cravate bleu, a prêté serment mardi devant des centaines d’officiels sénégalais et plusieurs chefs d’État et dirigeants africains au Centre des exposition­s de la ville nouvelle de Diamniadio, près de Dakar.

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