Le Devoir

Des parents ontariens réclament une école secondaire francophon­e laïque

Des enfants de Clarence-Rockland sont contraints de se tourner vers le système catholique, de s’exiler ou d’abandonner le français

- LISE DENIS INITIATIVE DE JOURNALISM­E LOCAL LE DEVOIR

Après 15 ans de lutte, des parents de Clarence-Rockland, municipali­té située à l’est d’Ottawa, réclament que la constructi­on d’une école secondaire publique francophon­e devienne une « priorité » du gouverneme­nt ontarien. Leurs enfants sont pour l’instant contraints de se tourner vers le système catholique, de parcourir des dizaines de kilomètres ou d’abandonner leur langue.

« Quand, moi, je suis arrivée à Rockland, ça devait être pour la cohorte de mon second garçon, qui est maintenant en deuxième année d’université », raconte Josée Chalifoux, ancienne présidente du conseil des parents de l’école Carrefour jeunesse.

Quatorze ans plus tard, le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) n’administre encore que cette école sur le territoire de la municipali­té à majorité francophon­e. Les Franco-Ontariens qui souhaitent poursuivre leur parcours scolaire dans leur langue au secondaire ne peuvent donc pas être servis « dans la laïcité », se désole Mme Chalifoux, puisque le seul établissem­ent francophon­e de la ville est catholique.

Un « campus secondaire » a toutefois été progressiv­ement ouvert à Carrefour jeunesse, où une cohorte de 11e année sera accueillie dès la rentrée prochaine. Mais le besoin d’une véritable école secondaire publique francophon­e demeure « criant », selon le CEPEO, qui a fait de ce projet une « priorité ».

« Beaucoup de nouvelles personnes s’installent dans notre région », indiquait en mars la nouvelle présidente du conseil des parents de l’établissem­ent, Lindsay Doucet, en entrevue au Devoir. « Et pas tout le monde veut que leurs enfants fréquenten­t des écoles catholique­s. C’est important d’avoir le choix. »

« Plus facile » en anglais

Pour Mmes Chalifoux et Doucet, il n’est pas question que leurs enfants n’étudient pas en français. Mais faute d’école publique dans leur langue, d’autres familles se tournent vers l’établissem­ent catholique de la ville — ou intègrent le système anglophone « pour fréquenter un système laïque qui est plus près de la maison », raconte Mme Doucet.

« L’absence d’une école secondaire publique francophon­e à Clarence-Rockland fait en sorte que les élèves doivent aller à l’école secondaire publique Gisèle-Lalonde, à Orléans [dans l’est de la ville d’Ottawa]. Sinon, ils vont vers les écoles anglophone­s », confirme le CEPEO. L’école secondaire LouisRiel, autre option un peu plus lointaine et unique établissem­ent où les enfants peuvent s’inscrire dans un programme sport-études, n’est quant à elle pas accessible par transport scolaire pour les habitants de Clarence-Rockland. Ce sont donc les parents qui doivent assurer les déplacemen­ts de leurs enfants.

« C’est plus facile de partir vers l’anglais, et c’est triste », déplore Mme Doucet. Car pour poursuivre leur parcours secondaire laïque à l’école Gisèle-Lalonde, les enfants doivent « parcourir des kilomètres et des kilomètres » en autobus. Cet établissem­ent est par ailleurs « à pleine capacité depuis maintenant quelques années » en raison de l’accroissem­ent de la population de ce bastion francophon­e, selon Mme Chalifoux, qui siège aussi au conseil de cette école.

Les multiples trajets ont demandé « beaucoup, beaucoup de patience » à la mère de famille, dont la progénitur­e fait du sport et du théâtre, en plus d’être inscrite au programme Harmonie. « Je ne voulais pas les pénaliser parce qu’on n’avait pas d’école secondaire dans notre région. […] Ça pose aux familles de l’Est ontarien un dilemme important. »

Découragée par des années de lutte infructueu­se, Josée Chalifoux a décidé de déménager à Orléans en 2023. « C’est des élèves brillants qui ont des parcours […] exceptionn­els, qui n’ont jamais pu faire ça dans leur communauté », lance avec tristesse Lindsay Doucet. Sa fille aînée ira à Gisèle-Lalonde l’année prochaine, mais la mère espère que l’école réclamée sera construite d’ici cinq ans, afin que ses deux plus jeunes enfants « puissent continuer leur éducation dans [leur] communauté ».

Entre les mains du provincial

Mme Doucet peine à comprendre pourquoi le projet, pourtant déclaré « prioritair­e » par le CEPEO, n’a toujours pas vu le jour. Un terrain du nord-est de la ville a été réservé en 2014, puis acheté par le conseil scolaire en 2019 pour y construire l’école. « Mais la première pelletée de terre, elle n’est toujours pas arrivée », déplore Mme Chalifoux.

Selon les deux femmes, ce n’est pas le soutien de la Ville ni du CEPEO qui manque. Elles pensent plutôt qu’il revient maintenant au gouverneme­nt ontarien de débloquer les fonds. Dans son budget présenté la semaine dernière, Queen’s Park n’a pas annoncé de financemen­t pour la constructi­on d’une école à Clarence-Rockland. Mais le CEPEO a toujours « bon espoir » d’obtenir des fonds, soulignant que « le budget provincial ne fait pas d’annonces précises concernant la constructi­on de nouvelles écoles ».

« Il y a […] d’autres communauté­s qui ont un besoin urgent », reconnaît Mme Doucet. Mais « ça fait assez de temps qu’on attend. On veut être la priorité ! »

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