L’héritage de Brian Mulroney
L’ex-premier ministre a prouvé que le Québec n’a plus sa place dans le Canada
Le décès récent de Brian Mulroney a touché de nombreux Québécois. Le passage de M. Mulroney comme premier ministre du Canada (19841993) a permis aux citoyens de percevoir ses qualités personnelles profondément humaines. Sa chaleur, sa convivialité avec tous ceux qu’il rencontrait, son respect des adversaires politiques resteront toujours imprégnés dans les esprits.
Sur le plan international, on se souviendra de l’entente de libre-échange conclue avec les États-Unis, à laquelle s’est joint plus tard le Mexique, sa lutte contre le racisme en Afrique du Sud et sa contribution à la libération du leader noir sud-africain Nelson Mandela.
Ces aspects positifs ont permis de reléguer au second plan des décisions moins populaires qu’il a prises comme homme d’affaires, notamment la fermeture de la mine de fer Iron Ore, qui a réduit la ville de Schefferville à la portion congrue.
Mais il y a un secteur pour lequel les Québécois lui doivent beaucoup. C’est une réalisation exceptionnelle dont il n’a pas, sur le coup, été conscient, qui s’est effectuée à son insu et qui va marquer la suite de l’histoire du Québec. Il a prouvé que le Québec n’a plus sa place dans le Canada.
À deux reprises, en 1990 et en 1992, il a mené de puissantes offensives pour intégrer le Québec au sein de la Constitution canadienne. La province avait refusé de signer en 1982 la Constitution rapatriée de Grande-Bretagne. Tous les gouvernements québécois depuis cette date ont maintenu ce refus, peu importe le parti politique au pouvoir à Québec. Cette Constitution imposée unilatéralement a toujours été rejetée par les dirigeants québécois.
Or, Brian Mulroney a réussi en 1987 à obtenir l’aval de toutes les provinces canadiennes autour d’une entente qui aurait permis de réintégrer le Québec dans le giron constitutionnel canadien. C’est passé à l’histoire comme l’accord du lac Meech. On y reconnaissait le caractère distinct du Québec.
Tous les premiers ministres provinciaux avaient trois ans pour faire entériner le texte par leur Parlement respectif. Deux provinces, le Manitoba et Terre-Neuve, ont refusé de le faire dans le délai prescrit, ce qui a amené l’échec de Meech.
Brian Mulroney ne s’est pas découragé. Il a fait une deuxième tentative en 1992 avec ce qu’il est convenu d’appeler l’accord de Charlottetown. Cette entente reprenait celle de Meech, mais en lui soustrayant certains « irritants » qui indisposaient le Canada anglais.
Pour évaluer si ce texte était acceptable, M. Mulroney soumettait directement cet accord au peuple par le biais d’un référendum au lieu d’exiger uniquement l’approbation des parlements provinciaux. Nouvel échec ! Le texte était rejeté par 55 % des Canadiens et 56 % des Québécois. Le Canada anglais le trouvait trop « généreux » pour le Québec et les Québécois l’estimaient insuffisant.
Ces deux échecs ont ouvert les yeux de bien des Québécois. C’était là une preuve — si une telle preuve était encore nécessaire — que le Québec ne sera jamais bienvenu au sein d’un pays anglo-saxon comme le Canada.
Les Québécois formeront toujours un groupe à part, ostracisé, exclu, jamais d’égal à égal, bref des citoyens de seconde zone. Leur langue est menacée au sein du Canada. Ils avaient 1 siège sur 10 au sein du Conseil de la fédération, ils en ont maintenant 1 sur 13 après l’ajout des trois territoires du Nord (Yukon, Territoires du NordOuest et Nunavut).
C’est ce statut de minorité que les échecs de Brian Mulroney ont illustré. Meech et Charlottetown ont démontré le rejet des aspirations du Québec par le reste du Canada. L’indépendance demeure la seule voie ouverte pour les Québécois. On doit être reconnaissants à l’endroit de Brian Mulroney pour en avoir fait malgré lui la démonstration.