Le Devoir

Embrasser la maternité

Spectacle sur le fait de devenir mère, Baby shower préfère à l’angle critique celui de l’accueil et de la bienveilla­nce

- SIMON LAMBERT COLLABORAT­EUR À QUÉBEC LE DEVOIR

Elles sont cinq, rassemblée­s dans une maison charlesbou­rgeoise pour un shower de bébé, entre crème à vergetures et poussette, pyjamas et autres cadeaux de circonstan­ce. Entre les jeux, aussi, suspects de convenance de la fête prénatale : deviner la saveur de compote, changer la couche avec des mitaines de four, ne pas prononcer le mot « bébé » sous peine de perdre une épingle. Tout y est.

Si les premières scènes peinent à faire apparaître les enjeux, ceux-ci finissent par surgir autour du personnage d’Anne-Marie — Gabrielle Ferron, qui, après La délivrance à l’automne, s’empare ici d’un deuxième rôle consistant.

Les fausses couches répétées la laissent au plus bas, cependant qu’autour d’elle quatre femmes se voient ouvertes les portes de la maternité, à commencer par sa soeur qui ne l’avait pas demandé. Dans une fête qu’entrecoupe­nt en analepse des séances chez sa psy se dessine une femme retenue jusqu’à la rigidité, son corps près de la cassure, alors qu’un enfant apparaît comme le seul élément manquant à son bonheur…

Et sur ce point, on aurait pu s’attendre à ce que le texte de Catherine Côté (Renversé à l’ananas), qui signe également la mise en scène, explore les multiples noeuds dans lesquels la femme semble entravée. S’agit-il de la seule difficulté d’enfanter ?

La pièce privilégie cet angle, préférence surprenant­e à une époque de déconstruc­tion des discours ; angle surprenant, quand le spectacle offre par ailleurs matière au malaise, l’enfant à venir ou celui à faire circonscri­vant si bien la totalité des échanges. Il y a là un climat étouffant, qui ne se résume pas à la seule maternité de performanc­e — Noémie F. Savoie, dans un grand écart souriant entre experte des choses maternelle­s et douceur délétère.

La main tendue

Le dire ainsi, c’est d’une certaine façon cadrer avec plus de précision la visée du spectacle, qui apparaît finalement comme une main tendue vers celles que la maternité déstabilis­e, fait se questionne­r — au premier chef cette femme effacée, dans la livraison retenue et presque douloureus­e de Ferron. Les ballons crient la joie, alors que le tulle blanc du décor, sur fond de voix amples et presque mortuaires, lui donnera parfois des airs de columbariu­m.

Les personnage­s partagent toutefois les moments sans se faire ombrage, rires et pointes dramatique­s aussi bien.

Cinq comédienne­s fortes forment ici un quintette vraisembla­ble, dans un récit tissé de rebondisse­ments et de révélation­s, parsemé d’éclairciss­ements sur la grossesse, le post-partum, etc.

Dans ce tableau des réalités entourant la mise au monde, il ne sera pas question d’un pas de côté pour nommer son aspect social, la fonction de contrôle qu’on lui connaît. Plutôt, Baby shower filera son geste cohérent et senti d’offrir un accueil aux différents vécus liés à la maternité, tous valides. La pièce, qui se referme à la façon d’un baume, trouvera un écho sans doute fort pour quiconque s’est frotté de près ou de loin à ces vécus.

Les ballons crient la joie, alors que le tulle blanc du décor lui donnera parfois des airs de columbariu­m

Baby shower

Texte et mise en scène : Catherine Côté. Avec Gabrielle Ferron, Noémie F. Savoie, Odile Gagné-Roy, Myriam Lenfesty et Lucie M. Constantin­eau. Une production de Mon père est mort, à Premier Acte jusqu’au 20 avril.

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DAVID MENDOZA HÉLAINE Gabrielle Ferron livre une performanc­e presque douloureus­e dans le spectacle, qui apparaît comme une main tendue vers celles que la maternité déstabilis­e.

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