Embrasser la maternité
Spectacle sur le fait de devenir mère, Baby shower préfère à l’angle critique celui de l’accueil et de la bienveillance
Elles sont cinq, rassemblées dans une maison charlesbourgeoise pour un shower de bébé, entre crème à vergetures et poussette, pyjamas et autres cadeaux de circonstance. Entre les jeux, aussi, suspects de convenance de la fête prénatale : deviner la saveur de compote, changer la couche avec des mitaines de four, ne pas prononcer le mot « bébé » sous peine de perdre une épingle. Tout y est.
Si les premières scènes peinent à faire apparaître les enjeux, ceux-ci finissent par surgir autour du personnage d’Anne-Marie — Gabrielle Ferron, qui, après La délivrance à l’automne, s’empare ici d’un deuxième rôle consistant.
Les fausses couches répétées la laissent au plus bas, cependant qu’autour d’elle quatre femmes se voient ouvertes les portes de la maternité, à commencer par sa soeur qui ne l’avait pas demandé. Dans une fête qu’entrecoupent en analepse des séances chez sa psy se dessine une femme retenue jusqu’à la rigidité, son corps près de la cassure, alors qu’un enfant apparaît comme le seul élément manquant à son bonheur…
Et sur ce point, on aurait pu s’attendre à ce que le texte de Catherine Côté (Renversé à l’ananas), qui signe également la mise en scène, explore les multiples noeuds dans lesquels la femme semble entravée. S’agit-il de la seule difficulté d’enfanter ?
La pièce privilégie cet angle, préférence surprenante à une époque de déconstruction des discours ; angle surprenant, quand le spectacle offre par ailleurs matière au malaise, l’enfant à venir ou celui à faire circonscrivant si bien la totalité des échanges. Il y a là un climat étouffant, qui ne se résume pas à la seule maternité de performance — Noémie F. Savoie, dans un grand écart souriant entre experte des choses maternelles et douceur délétère.
La main tendue
Le dire ainsi, c’est d’une certaine façon cadrer avec plus de précision la visée du spectacle, qui apparaît finalement comme une main tendue vers celles que la maternité déstabilise, fait se questionner — au premier chef cette femme effacée, dans la livraison retenue et presque douloureuse de Ferron. Les ballons crient la joie, alors que le tulle blanc du décor, sur fond de voix amples et presque mortuaires, lui donnera parfois des airs de columbarium.
Les personnages partagent toutefois les moments sans se faire ombrage, rires et pointes dramatiques aussi bien.
Cinq comédiennes fortes forment ici un quintette vraisemblable, dans un récit tissé de rebondissements et de révélations, parsemé d’éclaircissements sur la grossesse, le post-partum, etc.
Dans ce tableau des réalités entourant la mise au monde, il ne sera pas question d’un pas de côté pour nommer son aspect social, la fonction de contrôle qu’on lui connaît. Plutôt, Baby shower filera son geste cohérent et senti d’offrir un accueil aux différents vécus liés à la maternité, tous valides. La pièce, qui se referme à la façon d’un baume, trouvera un écho sans doute fort pour quiconque s’est frotté de près ou de loin à ces vécus.
Les ballons crient la joie, alors que le tulle blanc du décor lui donnera parfois des airs de columbarium
Baby shower
Texte et mise en scène : Catherine Côté. Avec Gabrielle Ferron, Noémie F. Savoie, Odile Gagné-Roy, Myriam Lenfesty et Lucie M. Constantineau. Une production de Mon père est mort, à Premier Acte jusqu’au 20 avril.