Le Devoir

Des acteurs handicapés qui n’ont peur de rien

La série Vestiaires met en scène des personnage­s décomplexé­s qui font tomber les préjugés envers les personnes handicapée­s

- MARCO FORTIER LE DEVOIR

C’est une des surprises les plus marquantes de la saison télévisuel­le : une première série québécoise met en scène des comédiens handicapés qui défient tous les tabous. Ils rient de leur handicap, se moquent des gens « normaux » et sont tellement décomplexé­s qu’ils font partie d’un club de nageurs. L’action se déroule en bonne partie dans le vestiaire, où on en entend des vertes et des pas mûres.

On a beaucoup ri en visionnant les trois premiers épisodes de la série Vestiaires, qui prend l’affiche le 10 avril sur les plateforme­s d’AMI-télé. La série de huit épisodes de 30 minutes sera aussi diffusée à un moment qui reste à déterminer à ICI Télé et sur Tou.tv.

Un gag n’attend pas l’autre. Le rythme est soutenu. Les dialogues vont droit au but. Surtout, la série normalise les personnes handicapée­s en les faisant parler et se comporter comme tout autre humain. On s’attache aux personnage­s.

« On peut être handicapé et niaiseux », lance Mike (Michel Cordey), un des personnage­s principaux, qui se déplace en fauteuil roulant parce qu’il vit avec la maladie des os de verre.

Pour vous donner une idée du ton de la série : l’entraîneur du groupe, interprété par Michel Charette, est tellement cheap qu’il invite Mike à l’accompagne­r à un rendez-vous amoureux, pour impression­ner sa flamme en lui montrant qu’il prend soin d’une personne handicapée.

« Les maudits normaux sont toujours en train de faire leurs frais. C’est grâce à nous qu’ils sont normaux », lance un des nageurs de Vestiaires.

La diversité, enfin

Un autre personnage, atteint de paralysie cérébrale, se fait dire qu’il parle comme quelqu’un « en crise d’épilepsie avec une patate dans la bouche ». Dans une scène surprenant­e, on voit même une des protagonis­tes se faire arracher sa prothèse au bras gauche.

Les héros n’ont peur de rien. Ils plongent dans la piscine et paradent dans le vestiaire en maillot de bain même s’ils ont une jambe, un bras ou d’autres handicaps. Une des héroïnes a le syndrome de la Tourette. Un autre personnage est autiste.

« C’est très thérapeuti­que » de jouer dans Vestiaires, explique Michel Cordey. Il produit des capsules sur le Web, fait du théâtre et a effectué le montage de trois des épisodes de la série, mais le personnage de Mike est son premier rôle principal à l’écran.

« C’est la première fois qu’on voit la diversité qu’on demande depuis longtemps à la télévision. J’espère que ça va faire des petits. Ça va montrer à ceux qui veulent faire ce métier qu’il y a une possibilit­é que ça arrive pour vrai », dit-il.

« On est rendus là. Ça fait longtemps que le public est prêt pour ça, mais c’est l’industrie qui est trop frileuse. Je ne pourrais pas jouer une chirurgien­ne dans Stat demain matin, mais je peux endosser d’autres rôles », ajoute Charlie Rousseau, qui incarne avec fougue le rôle de Catherine, habile mécanicien­ne malgré une malformati­on congénital­e aux bras et aux jambes.

« Faire tomber les préjugés »

Dominic Sillon, connu depuis une trentaine d’années comme la moitié du duo comique Dominic et Martin, joue le rôle pivot de Stéphane, en plus d’avoir contribué au scénario et d’agir comme coproducte­ur au contenu de la série. La plus grande partie des textes est adaptée de la série originale, qui a tenu l’affiche pendant 13 saisons en France.

Environ le tiers du scénario est issu du choc des idées entre les artisans québécois de la série, y compris d’anecdotes tirées du quotidien des comédiens handicapés. « J’espère que la série va ouvrir la porte à davantage de rôles pour les artistes handicapés, dit Dominic Sillon. Je rêve de voir Michel Cordey jouer un rôle de comptable dans une série. Pas un comptable qui est obligé de raconter pourquoi il est en chaise roulante. Juste un comptable. »

La productric­e Josée Vallée et le réalisateu­r Louis Choquette sont convaincus que la série marque un tournant pour la diversité à l’écran. Derrière la caméra aussi. L’équipe de tournage a intégré des artisans ayant un handicap.

Cette série de fiction représente un travail de longue haleine pour AMI-télé, un organisme multimédia sans but lucratif ayant pour mission de divertir cinq millions de Canadiens aveugles, malvoyants, sourds, malentenda­nts, à mobilité réduite ou incapables de lire des textes imprimés. L’apport financier de Radio-Canada a été indispensa­ble pour permettre à la série de voir le jour, a précisé Isabella Federigi, viceprésid­ente au contenu d’AMI-télé.

« C’est une série qui va sûrement déstabilis­er certaines personnes qui ne sont pas habituées à faire face à la différence. Je pense que ça va faire réagir et que ça va être positif. Ce projet de fou va faire tomber les préjugés », dit-elle.

Vestiaires

Adaptation de la série française créée par Fabrice Chanut et Adda Abdelli. Réalisatio­n de Louis Choquette. Scénario adapté par Dominic Sillon et les artisans québécois de la série. Avec Michel Cordey, Charlie Rousseau et une demidouzai­ne d’autres acteurs. Production de Sphère Média. À AMI-télé le 10 avril et en rattrapage sur www.amiplus.ca.

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SPHÈRE_MÉDIA Environ le tiers du scénario est issu du choc des idées entre les artisans québécois de la série, y compris d’anecdotes tirées du quotidien des comédiens handicapés.

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