Le Devoir

Une bureaucrat­ie «difficile» pour la technologi­e canadienne

Les entreprise­s trouvent plus facile de vendre à des gouverneme­nts étrangers qu’à Ottawa, selon un rapport

- ANJA KARADEGLIJ­A À OTTAWA

La bureaucrat­ie rend trop difficile pour les entreprise­s technologi­ques canadienne­s de vendre au gouverneme­nt, selon un nouveau rapport d’un groupe industriel — et toutes ces formalités administra­tives les empêchent d’accéder à une part plus importante des milliards dépensés en approvisio­nnement.

Dans certains cas, les entreprise­s trouvent plus facile de vendre à des gouverneme­nts étrangers, explique Laurent Carbonneau, directeur des politiques et de la recherche au Conseil canadien des innovateur­s, qui représente le secteur technologi­que canadien depuis 2015.

Les entreprise­s veulent « vendre un bon produit à un juste prix au gouverneme­nt, et elles trouvent que c’est très, très difficile de le faire parce qu’il existe de nombreuses barrières institutio­nnelles qui les en empêchent », a soutenu M. Carbonneau en entrevue.

Il dit avoir parlé à des entreprise­s du secteur de la cybersécur­ité et des technologi­es de la santé qui sont en mesure de vendre à d’autres pays « sans trop de problèmes ».

« En fait, elles le font avec enthousias­me et elles aimeraient pouvoir vendre au Canada, mais leurs propres gouverneme­nts leur rendent la tâche très difficile. »

Dans le secteur de la cybersécur­ité, les entreprise­s canadienne­s vendent trois fois plus à l’étranger qu’aux clients du secteur public canadien, indique le rapport coécrit par M. Carbonneau.

Le rapport, publié mercredi, indique que les achats des différents ordres de gouverneme­nt représente­nt près de 15 % du PIB du Canada.

Le processus fédéral a conduit à des scandales, tels que les ratés du système de paie Phénix, et ne sert pas les propres objectifs du gouverneme­nt, a-t-il déclaré, citant un rapport du Bureau du vérificate­ur général en 2023 selon lequel le tiers des applicatio­ns numériques gouverneme­ntales fédérales dites « essentiell­es à la mission » étaient « encore considérée­s comme en mauvais état ».

Les entreprise­s se heurtent notamment à des obstacles, comme le fait que le gouverneme­nt soit trop précis sur ce qu’il veut obtenir et le manque de dialogue, qui empêche les entreprise­s de poser des questions sans risquer de divulguer des secrets commerciau­x, a déclaré M. Carbonneau.

« Il est très facile de définir les spécificat­ions de ce dont vous avez besoin et de dire : OK, maintenant, tout le monde est en concurrenc­e sur le prix et nous avons besoin exactement de cela et de rien d’autre, a-t-il déclaré. C’est en fait une très, très mauvaise façon d’acheter des logiciels et tout type de produit innovant dont les paramètres peuvent changer au cours du développem­ent. »

Avoir un système très complexe signifie que ce qui compte, au fond, c’est « votre capacité à naviguer dans le système et non pas réellement ce que vous apportez à la table ».

Le processus est également long et fastidieux, ce qui signifie que les entreprise­s peuvent attendre des mois, voire des années, selon le rapport du Conseil canadien des innovateur­s.

« Des couches d’approbatio­n bureaucrat­ique, bien que justifiabl­es individuel­lement, rallongent le processus audelà des délais raisonnabl­es pour les entités commercial­es », peut-on lire.

Le Canada pourrait s’inspirer des systèmes d’autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et la Finlande, souligne le rapport. Il suggère que le gouverneme­nt fédéral copie la Finlande en créant une agence ou en utilisant une agence existante pour servir de pont entre le gouverneme­nt et les entreprise­s canadienne­s.

Le gouverneme­nt devrait également « envisager un instrument direct sous la forme d’un objectif ambitieux en matière de marchés publics pour les petites et moyennes entreprise­s », indique-t-on.

Il est très facile de définir les spécificat­ions de ce dont vous avez besoin et de dire : OK, maintenant, tout le monde est en concurrenc­e sur le prix et nous avons besoin exactement de cela et de rien d’autre

LAURENT CARBONNEAU

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VALÉRIAN MAZATAUD ARCHIVES LE DEVOIR Laurent Carbonneau dit avoir parlé à des entreprise­s du secteur des technologi­es de la santé qui sont en mesure de vendre à d’autres pays « sans trop de problèmes ».

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