Le Devoir

Il nous manque une équipe nationale québécoise de hockey

- Marc Tremblay L’auteur habite dans la région de Lanaudière.

Le tollé provoqué par l’omniprésen­ce de l’anglais au hockey junior a mis en relief encore une fois le règne impérial des médias sociaux et leur effet sur les jeunes. En bref, le français, c’est pas cool.

Voilà qui explique pourquoi de jeunes hockeyeurs comme ceux des Voltigeurs de Drummondvi­lle préfèrent des slogans dans la langue de Don Cherry, conformes à ce qu’ils voient partout, plutôt que l’incongruit­é de formules françaises sans résonance (à leurs yeux).

Nous savons tous que l’univers culturel des millénaria­ux épouse, depuis l’avènement des médias sociaux, les codes sociaux de la culture anglo-saxonne. Cela inclut la chanson, la télé et pratiqueme­nt tous les aspects de leur vie culturelle. Mais un autre aspect de la nouvelle réalité semble avoir été évacué de l’analyse, du moins dans le monde du hockey dont nous parlons ici : la disparitio­n de mentors ou, si vous préférez, de héros francophon­es.

Commençons par notre légendaire équipe, le Canadien de Montréal (CH), celle dont la naissance il y a 115 ans devait précisémen­t servir d’inspiratio­n aux francophon­es qu’on appelait alors les « Canadiens ». Allez dire ça à un ado aujourd’hui et il vous jettera probableme­nt un de ces regards dubitatifs qui feraient perdre son flegme même à Gary Bettman.

Parce que, depuis longtemps, le Canadien a cessé de s’intéresser à la Ligue junior majeure du Québec, aujourd’hui rebaptisée Ligue de hockey Maritime Québec (pour être en phase avec un certain colonialis­me), où elle repêche de façon très parcimonie­use des joueurs. Et la présence francophon­e est en conséquenc­e : deux ou trois joueurs francophon­es dans l’alignement et aucune vedette. Et cela dure depuis plus d’une décennie.

À vrai dire, la dernière véritable vedette francophon­e de l’équipe s’appelait Patrick Roy et portait l’uniforme du CH il y a 30 ans. La génération Z à laquelle appartienn­ent les joueurs du Junior aujourd’hui n’était même pas un vague projet quand « Casseau » a été échangé au Colorado…

Tendance lourde

Si le CH n’offre guère de source d’inspiratio­n dans la langue de Michel Tremblay, cette tendance se vérifie à l’échelle de toute la LNH. Le repêchage de Québécois n’ayant guère été enthousias­te dans les dernières années, ni chez le CH ni parmi ses concurrent­s de la LNH, les choses ne risquent pas de s’améliorer à court terme.

On peut même se risquer à prédire que l’excellente nouvelle du retour des joueurs de la LNH aux Olympiques dans deux ans n’en sera pas une pour le hockey francophon­e. Car il y a fort à parier que l’équipe canadienne ne comptera aucun joueur parlant français dans ses rangs. Et si par miracle il devait s’en trouver un ou deux, ils ne seraient certaineme­nt pas les piliers du club, tant s’en faut.

Pas de quoi exciter la fierté d’un ado en manque de héros. La génération Z et les suivantes continuero­nt à jeter leur dévolu sur les joueurs canadiens, américains ou européens et à penser que la diversité dans le sport profession­nel ne concerne que l’orientatio­n sexuelle ou la couleur, pas la langue.

Cette nouvelle réalité du hockey nous force à nous interroger non seulement sur le rôle délétère des médias sociaux pour la culture québécoise, mais sur la fameuse diversité à sens unique (anglosaxon­ne) dans différents milieux, dont le sport.

Si le sport, en particulie­r le hockey, que nous appelons encore « notre sport national », ne fait aucune place au français, peut-être faudrait-il en revoir certains fondements. Exiger que des clubs juniors comme les Voltigeurs lui fassent une meilleure place serait sans doute une première étape. Mais il faut faire davantage.

Ne serait-il pas temps, par exemple, de concrétise­r cette vieille idée d’une présence québécoise aux Jeux olympiques ? Les Écossais, toujours membres du RoyaumeUni, en ont une au soccer. Pourquoi pas nous ? Il me semble qu’une équipe nationale québécoise donnerait mille fois plus de visibilité à la langue de Tremblay que n’importe quel règlement imposé par des politicien­s, qui ne servirait, de toute façon, qu’à maquiller la réalité.

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