Le Devoir

Malretrait­és face à l’inflation

- GÉRARD BÉRUBÉ

La saison des REER 2023 a été l’occasion de mieux mesurer l’impact de l’inflation sur le moral et les attentes. On a pu constater que les préretrait­és n’ont jamais été aussi incertains face à leur capacité de maintenir leur niveau de vie dans l’après-travail. Simple perception, que tout cela ?

On connaît la toile de fond. Un sondage Léger réalisé pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te, publié en janvier, indique que 72 % des répondants se disent inquiets de la situation économique au Québec. Et 37 % affirment avoir peur de perdre leur emploi ou que des gens de leur entourage perdent leur emploi en raison du ralentisse­ment économique, voire d’une récession.

Un autre coup de sonde venant cette fois de la Banque Scotia souligne que, même si l’inflation ralentit, 70 % des Canadiens restent préoccupés par l’impact du coût de la vie demeurant élevé sur leurs finances. Cette morosité frappe toutefois les plus âgés, 50 % des membres de la génération Z s’attendant à ce que leur situation financière personnell­e soit plus solide dans six mois comparativ­ement à 23 % pour l’ensemble des répondants.

Dans un blogue du Financial Post, il est relevé que plus de la moitié des investisse­urs canadiens concentren­t leur attention sur le paiement de leurs factures plutôt que sur leur épargne. Au demeurant, les investisse­ments sont plus conservate­urs pour 47 % des répondants à un sondage de la CIBC, qui affirment rechercher des revenus prévisible­s plutôt qu’un potentiel de croissance dans l’actuel environnem­ent économique. Liquidités à court terme et revenus de placement prévisible­s ne les empêchent pas de viser tout de même une retraite à 60 ans. Mais aussi d’admettre, pour la moitié d’entre eux, qu’ils ne peuvent épargner pour leur retraite. Une autre proportion de 57 % craignent de ne pas disposer de suffisamme­nt d’épargne pour combler leurs besoins à la retraite, ajoute le sondage.

Dans une autre enquête, menée cette fois par le National Institute on Ageing Canada auprès de quelque 6000 répondants, on apprend que seulement 35 % des travailleu­rs canadiens de 50 ans et plus déclarent être en position financière pour prendre leur retraite quand ils le veulent. À l’opposé, 40 % disent qu’ils ne peuvent se permettre une retraite. La hausse constante du coût de la vie est la raison la plus fréquemmen­t évoquée. Suit la crainte de manquer d’argent.

Petite consolatio­n : le Québec se démarque, avec près de 50 % des travailleu­rs âgés de 50 ans ou plus affirmant pouvoir prendre leur retraite au moment où ils le voudront, soit le taux le plus élevé parmi les provinces, souligne le groupe de réflexion.

Pure perception ?

Un autre coup de sonde venant cette fois de la Banque Scotia souligne que, même si l’inflation ralentit, 70 % des Canadiens restent préoccupés par l’impact du coût de la vie demeurant élevé sur leurs finances

Pure perception, que tout cela ? Cette réalité n’a pas été sans transpirer dans le Bilan de l’emploi 2013-2023 de l’Institut de la statistiqu­e du Québec (ISQ), qui a mesuré un gain d’environ 40 000 emplois chez les personnes âgées de 55 ans et plus l’an dernier. Certes, il y a le vieillisse­ment de la population. N’empêche, ce groupe a franchi l’an dernier le cap du million d’emplois et représente environ 22 % de tous les emplois au Québec. Pour la période 2013-2023, la croissance de l’emploi a atteint 34,6 % dans ce groupe, alors qu’elle n’était que de 6,5 % dans celui des 25 à 54 ans, a relevé La Presse canadienne. Quant au taux d’emploi, il s’est fixé à 62,1 % en 2023, soit son niveau le plus élevé historique­ment. Il s’établit à 86,9 % chez les 2554 ans, à 51,9 % chez les 55-69 ans. « Enfin, le taux de chômage (4,5 %) atteint son plus bas niveau depuis 1976 chez les 15-24 ans (7,5 %) et chez les 55 ans et plus (4,4 %) », ajoute l’ISQ.

Dans une étude du cabinet de consultant­s Deloitte, on indique que près de trois millions de ménages canadiens prendront leur retraite au cours de la prochaine décennie. « Nos résultats montrent que 55 % des ménages proches de la retraite devront faire des compromis sur leur mode de vie pour éviter de survivre à leurs économies financière­s. » Avec la stagnation observée de la croissance de l’épargne-retraite, l’écart de préparatio­n à la retraite s’en trouve creusé, ce qui vient augmenter leur vulnérabil­ité financière. Deloitte ajoute que, pour de nombreuses personnes, « épargner en vue de la retraite est devenu une préoccupat­ion omniprésen­te ». Quant aux retraités, avec l’augmentati­on rapide des coûts, y compris ceux de la santé, et une longévité accrue, ils « s’endettent davantage », ce qui augmente le risque d’épuisement émotionnel et celui de survivre à leur épargne-retraite.

Plus précisémen­t, selon la cartograph­ie du cabinet, 429 600 familles se trouvant dans le segment préretrait­e peuvent prendre leur retraite en toute confiance, soit 14 % des ménages préretrait­és. Également,

540 000 peuvent prendre leur retraite, mais doivent faire des compromis, soit 18 % des familles composant ce segment. En revanche, plus de 1,1 million de ménages sont à risque de ne pas pouvoir maintenir leur style de vie à la retraite, soit 37 % des ménages préretrait­és, et 924 000 ne doivent s’en remettre qu’aux régimes publics, soit 31 % du total.

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